Québec: les pensions des employés municipaux sous attaque

La ministre québécoise du Travail et de la Sécurité sociale Agnès Maltais a donné gain de cause à l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et a annoncé que le gouvernement péquiste de Pauline Marois déposerait un projet de loi dans le but de «réformer» la gestion des régimes de retraite des employés municipaux.

Cette décision fait suite à une campagne très médiatisée menée par les maires de Québec et de Montréal, Régis Labeaume et Denis Coderre. Utilisant le prétexte des déficits actuariels des fonds de pension publics, les deux maires font pression depuis plusieurs semaines pour que les municipalités aient un plus grand contrôle des régimes et puissent ainsi sabrer massivement dans les pensions.

À la mi-décembre, la ministre Maltais a présenté un deuxième «plan d’action» aux municipalités, 24 heures après que son premier plan ait été vivement critiqué par l’UMQ, les partis d’opposition à l’Assemblée nationale et les représentants de la grande entreprise. Selon le nouveau plan, le coût de tous les régimes publics serait partagé à 50-50 entre patrons et travailleurs et pourrait inclure le partage de la facture des déficits passés, une demande de Labeaume. Un projet de loi sera déposé dès la rentrée parlementaire, à la mi-février, pour encadrer le processus de «restructuration» des régimes.

Le gouvernement propose une période de négociations et de conciliation d’une durée maximale de deux ans entre syndicats et employeurs. Si aucune entente n’est conclue, il reviendra à la Commission des relations de travail, un tribunal administratif, de trancher. Autrement dit, si les syndicats ne font pas volontairement des concessions majeures, le gouvernement va directement intervenir et dicter des changements aux régimes de retraite.

Les changements envisagés comprennent une ou plusieurs des options suivantes: augmentation des cotisations des employés; hausse de l'âge de retraite; fin des prestations de retraite à montant déterminé, au moins pour les nouveaux employés; élimination de la protection face à l'inflation; et autres mesures de réduction des pensions.

L’élite dirigeante accueille favorablement l’attaque du PQ sur les régimes de retraite. Martine Hébert, porte-parole nationale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), a déclaré: «On est très content de voir ça. Depuis plusieurs années déjà la FCEI réclame l'adoption de certains principes fondamentaux en matière de régimes de retraite».

Régis Labeaume, le maire populiste de droite de la Ville de Québec, s’est aussi réjoui de l’annonce de Maltais. «On voulait accélérer les choses. Et on va s'intégrer au processus législatif qui va commencer rapidement. On est très content», a-t-il déclaré. Labeaume, qui pousse pour que les municipalités aient le plein contrôle sur les régimes de retraite, a toutefois laissé entendre que le projet de loi péquiste ne va pas assez loin.

Depuis des années, Labeaume, un proche allié du magnat des télécommunications et milliardaire Pierre-Karl Péladeau, joue un rôle clé au Québec pour orienter tout le débat politique à droite. Au début du mois d'octobre, il a annoncé sa volonté de réduire la rémunération globale des travailleurs de la ville de 6%, tout en augmentant leur semaine de travail d'une demi-heure. Il souhaite également faire passer l'âge de la retraite de 59 à 65 ans et a longtemps revendiqué le droit des municipalités d’imposer des lock-out.

Dans sa tentative de trouver un soutien populaire à sa campagne contre les pensions, Labeaume s’est basé sur l'argument frauduleux qu’«il n’y a pas d’argent». D’une part, il soutient qu’il est «inéquitable» que les employés municipaux aient de telles pensions alors que «61 pour cent des travailleurs du Québec n’en ont pas». Parallèlement, Labeaume, appuyé par toute la presse, affirme que les retraites actuelles supposément trop généreuses représentent une «injustice intergénérationnelle», parce que les jeunes travailleurs n’auront jamais accès à des pensions similaires à cause des coûts qu’elles engendrent depuis des décennies.

Le fait est que s’il existe de réels déficits dans les coffres des gouvernements, c’est en grande partie en raison des baisses d’impôts massives consenties aux riches et à la grande entreprise. Plus fondamentalement, c'est parce que toute l'économie est subordonnée à la course aux profits d'une poignée de milliardaires, privant la population en général des bienfaits potentiels liés à la forte augmentation de la productivité du travail au cours des dernières décennies.

Les syndicats, pour leur part, ont décrié l’assaut sur les pensions, mais ils acceptent que les travailleurs paient pour les déficits. Le secrétaire général du Syndicat canadien de la fonction publique-Québec a déclaré: «En gros, nous sommes satisfaits que la ministre [Maltais] mette sur pied ces tables de travail, avec une période de négociation et une autre de conciliation. Nous allons y participer activement». Ces propos font écho à ceux d’une brochette de chefs syndicaux des employés de la Ville de Québec qui ont affirmé dans une lettre ouverte en octobre dernier: «Bien que les déficits soient "tactiquement" exagérés par le maire, les syndicats n'en nient pas l'importance, ni la nécessité d'y remédier».

L’attaque sur les pensions est aussi au centre du programme d’austérité du gouvernement conservateur fédéral de Stephen Harper et des autres gouvernements provinciaux dans le reste du Canada. En 2012, le gouvernement Harper a augmenté à toutes fins pratiques l'âge de retraite pour les travailleurs à bas salaire en faisant passer de 65 à 67 ans l’âge d’admissibilité au programme de Sécurité de la vieillesse, une aide financière offerte aux retraités ayant des revenus moyens ou faibles. Les conservateurs ont aussi augmenté les cotisations pour les employés fédéraux.

En mai dernier, le gouvernement provincial d’Ontario a gelé les cotisations au régime de pension des enseignants pour cinq ans, ce qui signifie que le déficit dans les caisses de retraite devra être comblé par des coupes.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a opéré des changements majeurs dans le régime de retraite des travailleurs du secteur public, pour leur faire porter une plus grande part des risques liés au placement des pensions sur les marchés financiers dans un contexte de rendements attendus plus faibles.

Quant au gouvernement de l'Alberta, il a annoncé ce printemps qu'il ferait lui aussi des changements majeurs dans le régime de pensions, qui feraient baisser les montants accordés jusqu'à 25% selon les syndicats.

Depuis plusieurs années déjà, les gouvernements fédéraux et provinciaux poussent pour transformer les régimes publics à prestations déterminées (PD) en régimes à cotisations déterminées (CD), favorisés par les employeurs parce qu’ils lient les prestations aux fluctuations des marchés financiers contrairement aux régimes PD qui offrent un revenu garanti.

Si les gouvernements ont pu aller de l’avant dans leur offensive contre les pensions c’est grâce au rôle traître de la bureaucratie syndicale. Chaque fois, les syndicats ont émis des critiques vides et mené des campagnes bidon ne servant qu’à camoufler leur réel appui pour ces réformes, qui est le résultat de leur orientation pro-capitaliste.

L’attaque sur les pensions fait partie de l’assaut global sur les acquis de la classe ouvrière au Canada et internationalement. Pour l’establishment, les travailleurs vivent simplement trop longtemps après leur retraite grâce aux avancées de la médecine moderne. Ces années de retraite et de soins de santé représentent une source de coûts qui doit être réduite et transférée dans les poches de l’élite financière et patronale. Cela s’effectue actuellement par la hausse de l’âge à la retraite et la réduction des pensions et des soins de santé, ce qui a comme conséquence de réduire les conditions de vie et finalement, l’espérance de vie.

Il n’y a qu’une solution pour défendre les pensions et l’ensemble des acquis sociaux de la classe ouvrière: la mobilisation indépendante de tous les travailleurs, syndiqués et non-syndiqués, contre le système capitaliste et pour un système socialiste basé sur les besoins humains et non le profit privé.

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