L’affaire Gautier-Sauvagnac dévoile la criminalité des politiques d’austérité et des syndicats

La condamnation lundi du responsable patronal Denis Gautier-Sauvagnac pour avoir détourné des dizaines de millions d’euros pour financer les bureaucraties syndicales démontre la banqueroute de la démocratie en France.

Gautier-Sauvagnac, l’ancien dirigeant de l’Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie (UIMM), a été condamné à trois ans de prison, dont un an de prison ferme, pour avoir détourné 16,5 millions d’euros entre 2000 et 2007. La défense de Gautier-Sauvagnac durant son procès confirme que les bénéficiaires de ces fonds, retirés en liquide de la caisse d’entraide professionnelle de l’UIMM, étaient les principales confédérations syndicales françaises.

Cette décision confirme que l’imposition de mesures d’austérité décidées par le « dialogue social » entre les syndicats, les organisations patronales, et l’Etat est une activité criminelle. C’est d’une conspiration anti-démocratique, où des fonds douteux issus de caisses noires servent à dicter des politiques haïes par la classe ouvrière, dont les intérêts ne trouvent aucune représentation dans des négociations contrôlées entièrement par les intérêts capitalistes.

La déclaration des juges confirme qu’un facteur essentiel dans leur décision de condamner Gautier-Sauvagnac à une peine de prison ferme, tranchant avec l’impunité normalement réservée aux crimes patronaux, était leur conscience que cette affaire entamait la légitimité de l’Etat.

Ils ont écrit que les pratiques de l’UIMM, telles le « fonctionnement d'un système occulte de distribution d'importants fonds en espèces, ne concouraient pas à une meilleure régulation de la vie sociale, mais concouraient à alimenter des soupçons de financement occulte de partis politiques, d'achats de parlementaires, d'achat de la paix sociale, d'enrichissement personnel, à jeter le discrédit sur tous les décideurs publics ou privés de la vie politique et économique du pays ».

En fait, il n’est plus question ici de « soupçon ». Les faits sont avérés. Les institutions de l’Etat bourgeois, financées et pilotées de manière criminelle et anti-démocratique, ont imposé une série de mesures d’austérité, réductions des retraites ou réformes anti-ouvrières du droit du travail entre 2000 et 2007, ou 2007 et 2014. Le rapport Perruchot publié en 2012 avait indiqué que le patronat et l’Etat financent ensemble les syndicats à la hauteur de 90 pour cent de leurs budgets, soit plus de €4 milliards par an.

L’avocat de Gautier-Sauvagnac, Jean-Yves Le Borgne, a crûment évoqué cette réalité, tentant à la fois de défendre son client et de plaider cyniquement pour une syndicalisation accrue des travailleurs—dont le but serait de faire financer aux travailleurs l’imposition de l’austérité sociale.

Il a dit, « La réalité, c’est qu’avec cette affaire, on a froissé le mythe, le concept selon lequel les syndicats doivent être dans l’opposition au patronat. Et qu’ils ne sauraient reconnaître qu’ils existent grâce au fric des patrons, alors qu’on sait que la France est sous-syndiquée et que les organisations syndicales ne peuvent assurer plus de 20 pour cent de leur budget ». Le patronat paie, selon Le Borgne, « parce qu’il a besoin que les syndicats existent. Qu’ils existent pour qu’on puisse s’asseoir à la table des négociations et signer des accords ».

Le Borgne s’est moqué de l’hypocrisie de ceux qui critiquent la décision de son client d’acheter les syndicats avec des fonds en liquide, mais qui acceptent sans broncher les autres voies par lesquelles le patronat achemine l’argent noir vers les comptes syndicaux.

« Quand l’UIMM paie des stands à prix d’or dans des congrès ou achète des milliers d’exemplaires d’un journal que personne n’a envie de lire, ça ne choque personne. Mais quand il n’y a plus de stands ou de journaux à payer, que faire ? Faire un chèque n’est pas concevable, car cela se heurte à l’idée de la lutte des classes et à la tradition syndicale française. Alors oui, on choisit la solution discrète des remises d’espèces. Parce que si les damnés de la terre apprenaient que leurs dirigeants syndicaux touchent de l’argent des patrons, l’Internationale leur resterait dans la gorge » !

Ce commentaire souligne le mensonge historique qui sous-tend la vie politique en France, et dans d’autres pays d’Europe, comme la Grèce—où le « dialogue social » entre le patronat et la bureaucratie syndicale a réduit de larges masses de travailleurs à la pauvreté. Les partis de « gauche » existants et les bureaucraties syndicales ne représentent pas la classe ouvrière. Ils se sont profondément intégrés dans diverses structures paritaires ou corporatistes créées sous le gouvernement du Front Populaire, mais aussi sous Vichy, ou après la deuxième Guerre mondiale.

Comme insistaient Trotsky et le mouvement trotskyste, c’était des organisations qui visaient à étrangler une lutte révolutionnaire du prolétariat et défendre l’Etat capitaliste.

Leurs tentatives de s’associer au socialisme en faisant chanter l’Internationale ne sont qu’un mensonge traître. Ils visent à bloquer la formation d’un parti révolutionnaire de la classe ouvrière, en faisant croire que leur collaboration de classe représente les traditions marxistes. Ce sont pourtant des organisations petite-bourgeoises hostiles aux travailleurs qu’elles prétendent faussement représenter, et qu’elles doivent attaquer pour recevoir leur financement des patrons.

Il faut souligner le rôle réactionnaire joué par les alliés politiques des syndicats, tels le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et le Front de gauche. Ils insistent à chaque mobilisation de la classe ouvrière—y compris les luttes contre les réformes des retraites en 2003 et 2007, quand Gautier-Sauvagnac achetait personnellement les dirigeants syndicaux—que seuls les syndicats étaient capables de diriger une lutte.

A présent, il est évident qu’avec ces affirmations démoralisées, ils tentent de maintenir le contrôle du patronat sur des mobilisations populaires.

En fait, les syndicats ne sont plus des organisations ouvrières. Au courant des décennies écoulées depuis 1968, elles ont vu l’effondrement de leur base militante (à peine 7 pour cent des travailleurs français sont aujourd’hui syndiqués), l’évanouissement des cotisations ouvrières et la chute vertigineuse du nombre de journées de grève. (Voir: Les syndicats français financés par le patronat à hauteur de millions d’euros)

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