Les États-Unis et l'Europe accentuent la pression tandis que la crise en Ukraine s'intensifie

Les tensions en Ukraine ont continué à s'intensifier vendredi tandis que la Russie dénonçait la menace de sanctions américaine et de l'Union européenne (UE) contre elle et les responsables ukrainiens pro-russes.

Lors d'une conversation téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine jeudi, Obama a lancé ce qui revient à un ultimatum exigeant une capitulation complète Il a insisté pour que la Russie reconnaisse le régime pro-occidental installé à Kiev par un coup d'Etat fasciste et négocie avec lui, retire toutes ses troupes de Crimée et ouvre la porte aux « inspecteurs internationaux. » 

Tout juste quelques heures avant, les États-Unis avaient annoncé des sanctions contre des personnes physiques et morales russes et ukrainiennes non-spécifiées, sous le prétexte du vote du Parlement régional de Crimée pour organiser un référendum sur la sécession de l'Ukraine et l'association avec la Russie. Des forces militaires soutenues par les Russes se sont emparées de la péninsule de Crimée où une majorité de la population parle le russe et où la marine russe a une base très importante dans le port de Sébastopol sur la Mer noire. 

Le gouvernement Obama a également intensifié les tensions militaires avec l'envoi de six avions chasseurs F-16 en Lituanie, 12 F-16 et 300 soldats américains en Pologne pour la semaine prochaine, et l'entrée d'un destroyer américain en Mer noire. Dans le contexte de cette confrontation, la Turquie, membre de l'OTAN, a envoyé huit F-16 intercepter un appareil de reconnaissance russe survolant la Mer noire. 

L'UE a également mis en marche son propre plan en trois étapes pour des sanctions. Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a prévenu hier que des mesures plus fermes sont en préparation au cas où Moscou ne reculerait pas. « S'il n'y a pas de résultats très rapides, de nouvelles sanctions contre des responsables et des entreprises russes pourraient être prises, » a-t-il déclaré sur la radio France Info

Les sanctions des États-Unis et de l'UE sont accompagnées d'un déluge de propagande dans les médias américains et internationaux dénonçant l'« agression russe » et exigeant la reconnaissance de la « souveraineté ukrainienne ». Le niveau d'hypocrisie atteint est vertigineux. Non seulement les États-Unis et leurs alliés européens sont intervenus agressivement en Ukraine pour évincer le gouvernement élu, mais Washington a déjà mené des intrigues et des interventions et une série d'agressions militaires, dont en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie. 

Répondant aux toutes dernières menaces, une déclaration du ministre des Affaires étrangères russe hier condamne les sanctions de l'UE comme étant « une approche extrêmement non-constructive. » Il a prévenu : « La Russie n'accepte pas le langage des sanctions et des menaces, mais si elles sont imposées elles ne resteront pas sans réponse. » 

Une déclaration distincte concernant l'appel téléphonique de Poutine et Obama notait que le président russe avait fait remarquer que la situation en Ukraine était le résultat d'un « coup d'Etat anticonstitutionnel. » Il a défendu les actions russes, disant que le région de Kiev avait pris « des décisions absolument illégitimes concernant les régions de l'Est, du Sud-Est et de la Crimée. » 

Poutine a cependant fait un geste de conciliation, insistant sur l'importance des relations américano-russes qui « ne devraient pas être sacrifiées pour des divergences spécifiques, aussi importantes soient-elles, concernant des problèmes internationaux. » Plus tard le vendredi, son porte-parle Dmitry Peskov a exprimé l'espoir que « des désagréments extrêmement profonds » entre la Russie et l'Ouest n'entraîneraient pas une nouvelle Guerre froide. 

Le caractère d'extrême-droite du régime ukrainien soutenu par les États-Unis a été souligné hier par l'annonce que le chef de l'organisation fasciste Secteur droit, Dmitro Yarosh, se présenterait aux élections prévues pour le mois de mai. Soulignant le rôle de premier plan joué par Secteur droit et le parti d'extrême-droite Svoboda dans le putsch qui a fait tomber le président Viktor Yanukovitch aligné sur la Russie, un porte-parole, Andriy Tarasenko, a déclaré : « Nous restons les chefs de cette révolution. » 

Yarosh a appelé à l'interdiction du parti de Yanukovitch, le Parti des régions et du Parti communiste d'Ukraine. Lors des dernières élections en date, ces deux partis avaient reçu plus de voix que Svoboda. Tarasenko s'est vanté que Secteur droit, dont les gros bras armés étaient en première ligne dans les manifestations contre Yanukovitch, se « mobilise » en préparation de la guerre contre la Russie. 

Arseniy Yatsenyuk, premier ministre par intérim dans le régime de Kiev, a platement exclu hier tout compromis avec la Russie, et dénoncé toute tentative de la Crimée de faire sécession de l'Ukraine comme étant « illégale et inconstitutionnelle » et les partisans d'un référendum comme « des séparatistes et des traîtres. » Un tribunal a publié un mandat d'arrêt contre Sergei Aksyonov, le chef du mouvement sécessionniste. 

Hier l'administration ukrainienne n'a pas payé sa dernière facture de gaz au géant russe de l'énergie, Gazprom, faisant passer la dette totale en cours à près de 2 milliards de dollars. Ce refus de payer risque d'aggraver la crise après que Gazprom a menacé de fermer l'approvisionnement en gaz, disant que « nous ne pouvons fournir du gaz gratuitement. » Toute coupure ne frapperait pas seulement l'Ukraine mais aussi les pays européens fournis par Gazprom via des gazoducs qui traversent l'Ukraine. 

La réaction russe à la confrontation agressive conduite par les États-Unis souligne la faiblesse du régime de Poutine, qui représente les intérêts d'oligarques russes corrompus. En attisant le nationalisme et le chauvinisme Russe, Poutine ne fait que renforcer le risque de plonger l'Ukraine dans une guerre civile ethnique qui pourrait impliquer toutes les grandes puissances et plonger le monde dans un désastre. 

La Russie cherche à consolider ses positions en Crimée. Hier, après avoir rencontré les délégués parlementaires de Crimée à Moscou, Valentina Matvienko, présidente de la Chambre haute du Parlement russe, a déclaré lors d'un grand rassemblement de nationalistes russes à Moscou que la Crimée serait la bienvenue dans la Fédération russe si elle votait dans ce sens au référendum. 

La péninsule de Crimée est la base navale stratégique clé de la marine russe sur la Mer noire et la Méditerranée. La marine russe a sabordé deux de ses vieux navires de guerre à l'entrée du Lac Donuzlav, empêchant de fait plusieurs navires ukrainiens de quitter leur port d'attache. Une confrontation dans une base militaire ukrainienne proche de Sébastopol, durant laquelle des forces soutenues par les Russes ont tenté de s'emparer des installations, se serait terminée sans incident. 

La principale responsabilité pour cette situation hautement explosive revient au gouvernement Obama et à ses alliés, qui sont déterminés à infliger une défaite humiliante et handicapante au gouvernement russe, quels que soient le coût et les dangers que cela implique. 

(Article original paru le 8 mars 2014)

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