Les cheminots et les intermittents du spectacle manifestent en France contre les coupes budgétaires

Les cheminots français font grève depuis la semaine dernière contre les plans de l'impopulaire gouvernement PS (Parti socialiste) de François Hollande qui prépare la privatisation du réseau ferroviaire public et dans ce cadre, la destruction des emplois et des conditions de travail. Les intermittents du spectacle, artistes et techniciens, protestent eux aussi avant la saison des festivals d'art contre une « réforme » visant à réduire leurs allocations chômage. 

Les protestations en cours sont les premières actions de grève et manifestations de grande ampleur contre le gouvernement PS, qui s'est appuyé sur la bureaucratie syndicale et les partis de la pseudo-gauche comme le Nouveau parti anticapitaliste pour étouffer l'opposition dans la classe ouvrière à son agenda d'austérité.

Jeudi dernier, les travailleurs du rail de la compagnie publique SNCF ont commencé une grève nationale, entraînant des perturbations majeures sur les lignes suburbaines et les lignes de TGV Inter-cités. Ces grèves ont continué tout au long du week-end et devraient continuer cette semaine après l'échec des négociations entre les syndicats et le gouvernement vendredi. Les syndicats CGT (Confédération générale du travail) et SUD-rail ont appelé à la grève disant que cette réforme portait atteinte aux conditions de travail et réduisait la qualité du service. 

Le projet de loi sur les chemins de fer, qui devrait être discuté au Parlement le 17 juin, dispose que l'opérateur des trains, la SNCF, et le propriétaire du réseau, RFF (Réseau ferré de France), fusionneront pour supprimer une dette de 40 milliards d'euros tout en maintenant leurs opérations séparées. Le PS se prépare à privatiser le réseau ferré, revenant sur une nationalisation-phare réalisée en 1937. Cela entraînerait de fortes coupes dans les effectifs et une nette aggravation des conditions de travail.

Les syndicats, qui soutiennent le gouvernement PS, sont terrifiés à l'idée d'aggraver les tensions sociales en France. Certains, comme la Confédération française démocratique du travail (CFDT), soutiennent ouvertement ce projet, alors que la CGT et SUD-rail cherchent à garder le contrôle sur l'opposition populaire en appelant à des grèves limitées et en bloquant une lutte de l'ensemble de la classe ouvrière qui ferait tomber le gouvernement Hollande. 

S'opposant à la grève, la CFDT a déclaré que « l'enjeu de la réussite de la réforme ferroviaire est crucial. » Son dirigeant, Laurent Berger a appelé à mettre un terme à la grève, déclarant que la CGT et SUD-rail faisaient « suer beaucoup trop de gens avec cette grève ». 

Le PS compte sur les syndicats pour bloquer l'opposition à l’escalade des coupes sociales. Le ministre des Transports Frédéric Cuvillier a déclaré, « Ce que je sais, c'est que 80% des cheminots ne sont pas en grève, ce que je sais c'est qu'un certain nombre d'organisations syndicales, pour les unes ont décidé ou vont décider de lever le préavis de grève, pour d'autres d'accompagner, de signer des accords de modernisation. » 

En effet, la CGT et SUD-rail soutiennent toutes deux ce projet et appellent uniquement le PS à aménager la réforme, disant de façon cynique que ce projet ne protège pas suffisamment les emplois. Selon certains articles, plus de 1000 cheminots sont licenciés chaque année. 

Stéphane Adam de SUD-rail a déclaré : « Une réforme ferroviaire est nécessaire. [...] Mais il faut une réforme qui réintègre Réseau Ferré de France au sein d’un seul établissement public. Or, dans le projet, on nous propose de redécouper l’entité ferroviaire. » La CGT et SUD-rail proposent de réunir les deux compagnies en une seule, comme c'était le cas avant 1997, et demandent au gouvernement de prendre à sa charge 40 milliards d'euros de dettes dues par les deux entreprises. 

Cette proposition est une mascarade cynique. Après que Paris a trouvé 360 milliards d'euros pour renflouer ses banques durant le crash financier de 2008, la CGT et ses alliés ont soutenu les affirmations de Hollande selon lesquelles il n'y avait pas d'argent pour les programmes sociaux. Le dirigeant de la CGT Thierry Lepaon a insisté sur le fait qu'il n'était pas opposé aux 50 milliards de coupes du « pacte de responsabilité » du PS. Étant donné l'opposition de la CGT et du PS à l'idée de taxer la richesse obscène accumulée par le haut de la société française, ils ne trouveront pas d'argent pour la SNCF. 

Mercredi dernier, le gouvernement a présenté un budget modifié pour 2014, dont 4 milliards d'euros en nouvelles coupes, ce qui gèle les prestations de la sécurité sociale et les retraites. 

Vendredi, François Hollande a appelé à la fin de la grève, pressant les travailleurs à reprendre le travail. « Maintenant, la réforme doit être présentée au Parlement et elle doit être votée et à un moment, et le moment est arrivé, un mouvement doit s'arrêter, ça ne veut pas dire que le dialogue ne puisse pas continuer » dit-il. 

Samedi, Lepaon de la CGT a insisté sur le fait qu'il cherchait à obtenir un accord avec Hollande pour mettre fin à la grève : « La situation est suffisamment préoccupante pour notre pays. Quand la France est paralysée par un conflit et que l'on veut faire porter la responsabilité à la CGT, je ne me laisse pas faire. […] On peut trouver une sortie de crise ce week-end. Pour cela, il faut ouvrir de vraies négociations dès aujourd’hui avec la CGT. Voilà pourquoi j'en appelle directement au président. » 

Les grèves contre Hollande interviennent après une défaite humiliante pour le PS aux élections européennes en mai dans le contexte d’une montée de l'opposition à la politique d'austérité de l'Union européenne (UE) et du soutien à l'UE et au gouvernement PS de la part des groupes de la pseudo-gauche comme le NPA. 

La stratégie des syndicats consistant à appeler à des grèves isolées tout en affirmant leur soutien à un gouvernement Hollande profondément impopulaire est un piège, une voie sans issue pour la classe ouvrière. Les syndicats cherchent à canaliser l'opposition des travailleurs derrière le PS en faisant cyniquement la promotion du mensonge selon lequel des grèves isolées pourraient convaincre Hollande de changer sa politique. La seule voie qui permette aux travailleurs d'avancer est d'unifier la classe ouvrière dans une lutte pour faire tomber le gouvernement PS et les gouvernements anti-ouvriers de toute l'Europe, et de construire des gouvernements ouvriers qui mènent une politique socialiste. 

La grève dans les chemins de fer se poursuit pendant que d'autres secteurs entrent en action contre Hollande comme les chauffeurs de taxi qui s'opposent aux voitures de louage avec chauffeur. Hier, les équipes au sol d'Air France ont quitté le travail pour protester contre le plan de restructuration Transform 2015 qui dégrade fortement leurs conditions de travail et autorise des heures supplémentaires non rémunérées. 

Depuis le 3 juin, les intermittents, dont les artistes et les techniciens du secteur de la culture, protestent contre la modification de leur allocation chômage. Cette grève a lieu pendant la saison des festivals. 

En mars, les syndicats et les organisations patronales ont passé un accord sur la réduction du coût des allocations chômage qui couvre tous les travailleurs, ainsi que sur le système spécifique qui concerne les artistes. Le projet établit de nouvelles conditions très dures pour recevoir des allocations chômage, ceci dans le but de réduire ces allocations de 800 millions d'euros l'an prochain. 

Si le gouvernement approuve ce projet à la fin juin, les travailleurs intermittents devront payer plus de cotisations au système et les conditions pour accéder à ce statut seront souvent très difficiles à atteindre. D'après la presse, 250 000 travailleurs des secteurs du cinéma, du théâtre, de la télévision et des festivals dépendent de ce régime. 

Mercredi dernier, le premier jour du festival Rio Loco consacré à l’Amérique latine dans la ville de Toulouse dans le Sud-Ouest a été annulé et un concert de flamenco à Paris a été partiellement annulé en raison des grèves. Un festival de théâtre d'un mois dans la ville de Montpellier dans le Sud, a connu des perturbations. Si ce projet est signé, les artistes et les techniciens menacent de développer la grève durant l'été où de nombreux spectacles sont prévus entre autres le célèbre festival de théâtre d'Avignon. 

(Article original paru le 16 juin 2014)

 

 

 

 

 

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