Pendant que se tiennent les assemblées du FMI et de la Banque mondiale: les prévisions de croissance sont révisées à la baisse

Les assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale qui commençaient à Washington vendredi ont lieu suite après que ces deux organisations ont revu à la baisse la croissance économique mondiale.

De telles révisions à la baisse ont été faites régulièrement depuis l'éruption de la crise financière mondiale en 2008. Cette année, la différence est que l'on admet que les taux de croissance diminués, voire même la stagnation dans certains cas, sont en train de devenir une condition permanente.

Dans ses Perspectives de l'économie mondiale publiées mardi dernier, le FMI a réduit ses prévisions de croissance mondiale en 2014 à 3,3 pour cent, ce qui représente une réduction de 0,4 point de pourcentage depuis le mois d'avril et de 0,1 point de pourcentage comparé à une mise à jour publiée au mois de juillet.

D'après le FMI, rien ne laisse présager qu'il y aura une reprise dans la période qui suit. «Le déficit de la demande dans les économies avancées, en plus de l'érosion de la production potentielle, pourrait entraîner une faiblesse économique mondiale allongée sur une période de cinq ans», annonce-t-il.

Bien que le FMI ne prédit pas que ce marasme prolongé va nécessairement avoir lieu, il a averti qu'il serait le plus grand risque pour l'économie mondiale à moyen terme.

L'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, a indiqué la présence d'une boucle de rétroaction qui pointe en direction d'une basse croissance à long terme. «Les taux de croissance potentiels sont en train d'être revus vers le bas et ces perspectives défavorables influencent à leur tour la confiance, la demande et la croissance d'aujourd'hui», dit-il.

Tandis que les prévisions de croissance pour la zone euro sont revues vers le bas, le FMI estime que les risques d'une récession dans la région ont doublé, d'environ 20 pour cent en avril à presque 40 pour cent à peine six mois plus tard. Il dit que la probabilité d'un glissement vers la déflation était de 30 pour cent.

Une analyse de la Banque mondiale publiée plus tôt cette semaine concernant les perspectives pour l'Asie de l'Est et l'Asie-Pacifique a réduit considérablement ses prévisions pour la croissance économique mondiale ainsi que pour l'économie chinoise si importante.

La banque a dit que la croissance mondiale pour cette année serait de 2,6 pour cent, une augmentation marginale de 2,4 pour cent par rapport à l'année dernière et bien en dessous de l'estimation de 3 pour cent de croissance prédite en avril. (Les différences entre les deux prévisions proviennent de l'utilisation de deux méthodes différentes pour réduire les valeurs des monnaies à une mesure commune.)

La croissance en Chine devrait chuter au fil des trois prochaines années – 7,4 pour cent cette année comparé à l'estimation précédente de 7,6 pour cent. Elle baisserait ensuite à 7,2 pour cent et 7,1 pour cent pour les années 2015 et 2016 respectivement, contrairement aux prédictions précédentes de 7,5 pour cent pour les deux années.

Pour la région de l'Asie-Pacifique en entier, excluant la Chine, la Banque mondiale a dit que la croissance atteindrait un plancher de 4,8 pour cent cette année avant de remonter à 5,3 pour cent en 2015-2016. Mais cette prédiction est basée sur l'hypothèse que les exportations de la région vont augmenter grâce à une «reprise graduelle» des pays à hauts revenus et une «normalisation ordonnée» de la politique monétaire des États-Unis alors que la Réserve fédérale réduirait son programme de relance financière.

Mais le rapport avertit que la reprise du commerce mondial plus faible qu'attendue, une hausse abrupte des taux d'intérêt ou l'accroissement des tensions politiques mondiales ne pouvaient être exclues et posaient toutes «des risques» pour les perspectives de la région.

La banque a dit qu'un «risque clé» était une reprise plus faible que prévu dans les pays à revenus élevés, notant la menace de déflation et la croissance anémique continue dans la zone euro. Le taux d'inflation décroissant avait déjà augmenté les taux d'intérêt réels et des mouvements davantage vers le bas pourraient «provoquer un cycle pernicieux de déflation et de dette».

Il est «incertain», annonçait la banque, à quel point les récentes mesures annoncées par la Banque centrale européenne (BCE), basées sur l'achat d'actifs financiers, pourraient stimuler l'activité économique, pendant qu'au Japon la croissance de l'investissement et de l'exportation «demeure timide».

L'une des plus grandes menaces à la croissance de la région de l'Asie-Pacifique était le potentiel d'un effet de ruissellement dû à un resserrement des politiques monétaires aux États-Unis et «une croissance abrupte des taux d'intérêt ne peut être exclue». Un retour des politiques monétaires à un état normal «sera complexe» puisqu’elles sont «restées extraordinairement expansionnistes sur une période de temps étonnamment longue».

Rien de ce qui s'est produit dans les six dernières années n'a été vu auparavant dans l'histoire du capitalisme mondial et personne n'est certain de ce qu'une diminution de l'intervention de la Banque centrale pourrait entraîner.

La Banque centrale a souligné un nombre de dangers, incluant des réactions soudaines du marché, une volatilité croissante et le dépassement des taux d'intérêt. De plus, dans des conditions où les politiques monétaires des pays qui ont les principales réserves de monnaie divergent – la Réserve fédérale des États-Unis resserre ses politiques monétaires, pendant que la BCE et la Banque du Japon continuent un régime plus lâche – il y a risque d'un «taux de change désordonné et de mouvements du taux d'intérêt». Des ajustements à un nouvel équilibre pourraient être «perturbateurs».

Une hausse rapide des taux d'intérêt aurait un impact puissant sur un grand nombre de pays dans la région de l'Asie-Pacifique orientale parce que les nivaux de dette ont fortement augmenté depuis 2008 et les ratio dette-service sont déjà à des «niveaux historiquement élevés». Des problèmes pourraient aussi survenir s’il y avait une forte réduction dans le flux des capitaux.

Dans un discours donné à l'Université Georgetown de Washington annonçant les Perspectives de l'économie mondiale, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a parlé de «nuages gris» qui planent au-dessus de l'économie mondiale. La reprise économique aurait été «décevante … et fragile, inégale, et comporte plusieurs risques».

L'économie mondiale aurait été plus faible qu'envisagée il y a six mois, avec seule une modeste hausse prévue pour 2015 alors que «les attentes de croissance potentielle sont réduites».

La faiblesse est concentrée dans les principales économies capitalistes. Lagarde a souligné que les économies émergentes et en développement étaient responsables de plus de 80 pour cent de la croissance économique mondiale depuis 2008.

Six ans après l'éruption de la crise financière, il y aurait des faiblesses continues dans l'économie mondiale; des nations seraient toujours aux prises avec leur lourd héritage; et il y aurait de «gros nuages à l'horizon». Parmi eux: «une faible croissance sur une longue période», la diminution des attentes du potentiel de croissance ayant en effet mené aux coupes actuelles en termes d'investissement et de consommation.

Il y aurait aussi des «nuages» financiers. «Il y a des inquiétudes que les excès du secteur financier pourraient s'intensifier, surtout dans les économies avancées. Les évaluations des actifs sont à un niveau record; l'écart entre les taux de retour sur les actifs les plus risqués et les moins risqués ainsi que les volatilités n'ont jamais été aussi bas.

Une autre crainte provient de la «migration de nouveaux risques de marché et liquidités “en marge” du monde des finances», c'est-à-dire vers les secteurs banquiers moins régulés et autres secteurs. Aux États-Unis, dit Lagarde, «le système bancaire parallèle est considérablement plus important que le système bancaire traditionnel» et la Chine, avec 25-35 pour cent, détient le cinquième système bancaire fantôme le plus important au monde. Elle a averti que plus les politiques de l'argent facile continueraient, plus le risque d'alimenter des excès financiers augmenterait.

Que Largarde le reconnaisse ou non, son discours représentait en fait une mise en accusation de ceux qui se veulent gardiens de l'économie mondiale et du système financiers, elle-même incluse. Il représentait une admission du fait que, après la crise la plus sévère depuis la Grande Dépression, non seulement n'y a-t-il pas de reprise, mais les politiques poursuivies au cours des six dernières années créent les conditions pour une autre crise.

Lagarde a conclu son discours en invoquant les couleurs de l'université, le gris et le bleu. Il y a quelques «nuages gris», a-telle dit, mais «en visant plus haut, en travaillant davantage ensemble, nous pouvons créer un nouvel élan et faire revenir le ciel “bleu”».

Il ne pourrait presque pas y avoir de dénonciation plus claire de l'ordre capitaliste mondial. Alors que la subsistance de milliards de personnes est en péril, ceux qui sont supposément responsables des politiques économiques ne peuvent qu'offrir des incantations similaires à celles d'un instructeur de basket universitaire désespéré.

(Article paru d'abord en anglais le 8 octobre 2014)

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