Perspectives

Les syndicats et la faillite de Detroit

L'affaire de la faillite de Detroit, qui sera conclue avec la décision du 7 novembre d'un juge fédéral sur le plan de restructuration de la ville, expose une fois de plus le caractère anti-ouvrier des syndicats. 

Dans leur plaidoirie finale le 27 octobre devant le juge de faillite fédérale, Steven Rhodes, les représentants de la ville et de l'État se sont vantés d'avoir conclut la faillite municipale la plus importante de l'histoire des États-Unis en si peu de temps. Le plan de restructuration «radical», a dit l'avocat de Jones Day Bruce Bennett, n'avait pas été «atténué». En effet, la proposition finale inclut des attaques sauvages contre la classe ouvrière – incluant des coupes dans les pensions qui vont à l'encontre de la constitution de l'État ainsi que l'élimination des prestations maladies pour les retraités.

Le procureur général spécial du Michigan, Steven Howell, a dit en cour que «l'introduction du Chapitre 9 n'avait pas été populaire». Les opposants initiaux étaient néanmoins «devenus des partisans», a-t-il dit, présentant les syndicats comme des exemples d'un «nouvel esprit de coopération» à Detroit.

Howell admettait que les syndicats avaient joué un rôle critique dans la conspiration qui consiste à priver les travailleurs de droits sociaux de base – une conspiration qui implique le maire démocrate et le conseil municipal, le gouverneur républicain, l'administration Obama, le juge Rhodes, et l'administrateur spécial Kevyn Orr. «L'esprit de coopération» est dirigé contre la colère généralisée des travailleurs à travers la région de Detroit envers les mesures qui sont prises au nom des banques et des institutions financières.

Tout au long de la faillite, les syndicats n'ont pas agi en tant que défenseurs des travailleurs, mais en tant que créanciers ayant parmi les plus importantes revendications sur les actifs de la ville. La position que les syndicats ont adoptée initialement par défaut avait pour but d'assurer une meilleure affaire pour les riches bureaucrates qui les dirigent.

Finalement, les syndicats ont déclaré leur appui pour la «restructuration», en d'autres mots, le pillage de la ville en échange du contrôle d'un fonds d'investissement pour l'assurance maladie d'un demi-milliard de dollars, connu sous le nom de VEBA. Dans ses déclarations finales, Claude Montgomery, l'avocat pour le comité de retraités affilié aux syndicats, a complimenté la «décision stratégique» de Rhodes d'inclure les syndicats dans le fameux «grand compromis».

Le comité des retraités a été conseillé par Ron Bloom. Un vice-président principal pour la firme d'investissements Lazard, Bloom avait dans le passé travaillé pour le syndicat des métallos, aidant a protéger les intérêts des représentants syndicaux alors qu'ils collaboraient avec les requins financiers de Wall Street pour détruire les emplois et les pensions de centaines de milliers de travailleurs durant le démantèlement de l'industrie métallurgique.

Il a ensuite servi en tant que principal responsable pour le président Obama dans le syndicat de l'automobile (United Auto Workers) pendant la faillite imposée de General Motors et Chrysler en 2009. En échange de milliards de dollars en parts d'entreprises pour financer ses VEBAs, l'UAW a accepté une réduction de cinquante pour cent des salaires de nouveaux travailleurs, imposé la journée de 10 heures et d'autres réductions des dépenses qui ont entraîné des profits records pour les entreprises d'automobiles de Detroit.

L'administration Obama a entièrement appuyé la faillite de Detroit, qu'elle voit comme un modèle pour détruire les pensions et l'assurance maladie de millions d'enseignants, pompiers et d'autres travailleurs des villes et des États à travers le pays.

La cupidité et la corruption des individus qui dirigent les syndicats n'a pas de limites. Mais le rôle des syndicats durant la faillite de Detroit reflète bien plus que les traits subjectifs repoussants des dirigeants syndicaux. Il est encré dans le caractère fondamental de classe de ces organisations.

Contrairement aux affirmations des différentes organisations pseudo-gauchistes qui opèrent à l'intérieur et dans la périphérie des syndicats, il ne s'agit pas d'organisations ouvrières. Elles ne peuvent pas être «réformées» pour servir les intérêts des travailleurs. Elles sont des instruments de l'État et de la classe dirigeante dédiés à bloquer toute lutte des travailleurs contre la volonté des sociétés et des banques.

La relation antagoniste des syndicats face à la classe ouvrière est liée à leur alliance politique au Parti démocrate et leur dévotion à la défense du système capitaliste.

Les syndicats industriels de masse aux États-Unis, incluant l'UAW, ont été établis à travers des luttes ardues pour la défense des droits fondamentaux des travailleurs. Detroit a été l'un des centres de ces luttes dans les années 1930, la base de luttes de classe semi-insurrectionnelles qui ont pris la forme de guerres civiles contre les grandes sociétés. Mais le mouvement syndical était dirigé pour une bureaucratie conservatrice qui a tout fait pour détourner l'opposition de masse derrière le Parti démocrate et subordonner la classe ouvrière au système du profit.

Mais la mondialisation de la production, qui a donné aux multinationales la capacité de transférer la production vers des régions du monde où la main-d’œuvre est moins chère, a coupé l'herbe sous le pied de ces organisations ancrées dans l'État-nation. Dans tous les pays, les syndicats ont répliqué en abandonnant toute résistance aux fermetures d'usines, licenciements de masse et réductions de salaire afin de rendre leurs «propres» capitalistes plus compétitifs.

Cela fait maintenant plus de 30 ans que les syndicats américains ont fait appel à une grève nationale d'importance. Ils ont imposé aux travailleurs des ententes à rabais désastreuses l'une après l'autre.

Même si la transformation des syndicats s'est d'abord faite rapidement aux États-Unis, le même processus est le même dans tous les pays. Plus tôt ce mois-ci, les représentants du syndicat allemand IG Metall qui sont membres du conseil exécutif de Volkswagen ont livré un rapport de 400 pages précisant comment l'entreprise pourrait supprimer des emplois, réduire les coûts du travail et tripler ses profits pour fin 2017.

Sur une échelle mondiale, les classes dirigeantes sont engagées dans une contre-révolution sociale dont le but est un retour en arrière de plus d'un siècle et la destruction de tous les acquis passés de la classe ouvrière. La ville de Detroit a été sélectionnée en partie pour le rôle historique de ses travailleurs de l'automobile dans les luttes industrielles de masse des années 1930.

Mais aujourd'hui les syndicats sont alignés avec les dirigeants d'entreprises et le gouvernement contre les travailleurs. Afin de mener une contre-offensive, les travailleurs doivent construire de nouvelles organisations de lutte menées démocratiquement par la base.

En même temps, la faillite de Detroit démontre que les travailleurs doivent rompre avec les démocrates et entreprendre une lutte indépendante contre le système politique et le système économique capitaliste qu'il défend. 

(Article paru d'abord en anglais le 30 octobre 2014)

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