Le rédacteur en chef de la Frankfurter Allgemeine Zeitung défend son attaque du Partei für Soziale Gleichheit

A l’occasion d’une réunion-débat au Deutsches Theater de Berlin, le futur co-rédacteur en chef du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), Jürgen Kaube, a une fois de plus défendu son attaque contre le Partei für Soziale Gleichheit (PSG – Parti de l’Egalité sociale, Allemagne). Il a aussi dit que la FAZ ne publierait pas la prise de position du PSG à l’égard de son article. (« Le Partei für Soziale Gleichheit (Allemagne) répond à la Frankfurter Allgemeine Zeitung et sa défense de Jörg Baberowski »).

Le 1er décembre, Kaube avait écrit un commentaire diffamatoire dans les pages de la FAZ, s’en prenant au PSG. Le titre de l’article était « Harcèlement, façon trotskyste: un historien de Berlin diffamé ». Dans une lettre adressée à la rédaction de la FAZ, le PSG avait exigé que le journal imprime sa réponse. La FAZ n’a ni réagi à la lettre ni répondu aux appels téléphoniques du PSG.

Vendredi dernier, l’occasion se présenta toutefois de demander personnellement des explications à Kaube lors d’une tribune organisée au Deutsches Theater où il avait en effet été choisi pour traiter en expert du thème de la « culture du débat » dans le monde universitaire.

Lorsqu’un membre du PSG évoqua, lors du débat public, l’article de Kaube et la réponse du PSG, il fit une démonstration de ce que la FAZ entendait par « culture du débat ». Il tenta une fois de plus de présenter comme « diffamatoires » les critiques faites par le PSG des points de vue que l’historien Jörg Baberowski avait exprimés publiquement.

Kaube a dit: « Vous savez, c’est une technique lorsque quelqu’un dit que quelqu’un, un professeur, défend Ernst Nolte. Vous savez très bien que la citation à laquelle vous faite référence représente le Ernst Nolte de la querelle des historiens [c’est-à-dire la fameuse querelle des historiens (Historikerstreit) de 1986] et pas le Ernst Nolte qui a été publié dans le European ou quelque chose du genre. Je ne sais pas si vous étiez déjà né, c’était il y a 25 ans. »

En fait, le Ernst Nolte d’aujourd’hui est le même Nolte que celui de la querelle des historiens. Nolte a des années durant fait des déclarations publiques qui « ne [laissaient] malheureusement pas de doute sur le fait qu’il était de plus en plus devenu un partisan des extrémistes de droite » (comme l’avait souligné l’historien Heinrich August Winkler) et qui lui avait valu l’accusation (de la part de Roger Cohen, le chroniqueur du New York Times) d’être un « apologiste d’Hitler ». Les adversaires de Nolte dans la querelle des historiens de 1986 avaient raison de lui reprocher d’avoir représenté le nazisme comme une réaction compréhensible au bolchevisme, fournissant ainsi une justification au régime d’Hitler et à ses crimes. L’évolution ultérieure de Nolte l’a confirmé.

Baberowski est un adepte déclaré de Nolte. Dans le même article paru dans le magazine Der Spiegel et dans lequel Baberowski déclare « Nolte a été victime d’une injustice. Historiquement parlant, il avait raison, » Nolte fut lui-même longuement cité, faisant des commentaires droitiers. Selon Der Spiegel, Baberowski a dit avoir « été l’unique étudiant à défendre les thèses de Nolte durant le cours magistral. »

L’argument classique de Nolte – que le bolchevisme est le mal originel et le nazisme n’en est qu’une réaction compréhensible – est comme un fil rouge qui apparaît tout au long du travail de Baberowski. Sur la base de cette thèse, il minimise la guerre d’anéantissement menée par la Wehrmacht (l’armée allemande) contre l’Union soviétique. Selon Baberowski, cette guerre qui a été minutieusement planifiée et préparée par Hitler et ses généraux leur a été « imposée ». En 2007, il avait écrit dans un essai, « Staline et ses généraux imposèrent à la Wehrmacht un nouveau genre de guerre qui n’épargnait plus la population civile. »

Tout comme Nolte, Baberowski minimise le rôle d’Hitler. Der Spiegel le cite disant, « Hitler n’était pas un psychopathe, il n’était pas cruel. Il ne voulait pas que les gens parlent de l’extermination des juifs à sa table. »

Pour défendre ces propos scandaleux, Kaube recourt à l’argument classique de Nolte, déclarant que Baberowski n’avait finalement fait ces commentaires qu’en rapport avec Staline. Au Deutsches Theater, Kaube a dit : « Le contexte était, la question était, quelles étaient les différences entre Hitler et Staline? Et là, Baberowski avait précisé que Staline lui-même avait dressé des listes de victimes et y avait pris du plaisir, en disant qu’Hitler n’avait pas fait cela. » Les paroles de Baberowski, a ajouté Kaube étaient « juste une citation. »

Dans son article paru dans la FAZ, Kaube accuse le PSG de recourir à des « citations arrachées à leur contexte » pour « diffamer » Baberowski. En réalité, le PSG n’a fait qu’attirer l’attention d’un plus grand public sur le programme réactionnaire de ce dernier.

Politiquement, Baberowski promeut les méthodes utilisées dans les guerres d’anéantissement et qui sont contraires au droit international des peuples en les justifiant en tant qu’historien. Le 1er octobre, lors d’une réunion-débat (« Propagande de guerre au Musée historique allemand ») qui s’était tenue dans la cour Schlüter du Musée historique allemand de Berlin, sur le thème : « L’Allemagne force d’intervention? » et où on avait débattu des guerres menées contre les Talibans et l’EI (Etat islamique en Irak et au Levant), il avait dit : « Et si l’on ne veut pas prendre des otages, brûler des villages, pendre les gens et semer la peur et la terreur, comme le font les terroristes, si l’on n’est pas prêt à faire de telles choses, alors on ne pourra jamais gagner ce genre de conflit et il vaut mieux ne pas s’en mêler. »

Le PSG avait critiqué ces commentaires. Baberowski ne s’était pas exprimé pour mettre en garde contre les terribles méthodes utilisées lors des guerres impérialistes de conquête mais comme un défenseur acharné et impitoyable de la realpolitik. Son point de vue est que l’Allemagne ne doit intervenir militairement que lorsqu’elle est prête à agir plus brutalement que ses adversaires en vue de gagner la guerre.

Durant cette même réunion il avait déclaré : « Donc: Oui, bien sûr, l’Allemagne devrait jouer un tel rôle et il est important que l’Allemagne en accepte la responsabilité, surtout dans les conflits qui la touchent. Mais il faut prendre en considération (a) pour quel genre de guerre on est prêt, et (b) si on peut la gagner. »

A la réunion-débat du Deutsches Theater, les intervenants à la tribune s’efforcèrent d’étouffer rapidement la discussion sur cette question. Lorsqu’un visiteur étranger demanda à Kaube s’il voyait un lien entre les propos de Baberowski et la campagne pour la relance du militarisme allemand, Kaube a répondu : « C’est trop me demander. Je ne comprends rien à ces choses que vous venez de mentionner. Je suis sociologue. »

Christian Demand, l’animateur du débat et l’éditeur du magazine Merkur, a alors interdit toute nouvelle question « sur le sujet Baberowski. »

Dans sa réponse à la FAZ, le PSG avait posé la question « Pourquoi est-ce que personne ne s’oppose aux scandaleuses déclarations de Baberowski et pourquoi trouve-t-il un soutien en haut lieu? » Le PSG avait expliqué: « A notre avis, ceci est lié à l’actuelle orientation de la politique étrangère allemande. La « fin de la retenue militaire » exige une nouvelle narration réactionnaire de l’histoire. Des points de vue discrédités et rejetés de longue date trouvent actuellement un soutien et sont à l’abri de toute critique. Toute personne les attaquant est accusée de « diffamation. »

La réunion du Deutsches Theater qui portait paradoxalement le titre de: « Inhibition intellectuelle » a confirmé cette appréciation. Aucune parmi la soixantaine de personnes présentes et issues du monde universitaire ou du journalisme, ne paraissait s’inquiéter du fait que dans une importante université allemande et un journal réputé comme la FAZ, des professeurs et des journalistes œuvraient à la réhabilitation de Nolte et, avec lui, d’Hitler.

(Article original paru le 15 décembre 2014)

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