La Commission d'enquête des travailleurs révèle le complot politique derrière la faillite de Detroit

Des travailleurs et des jeunes de Detroit, du reste des États-Unis et d’à travers le monde se sont réunis samedi à l'Université Wayne State (WSU) pour assister à la Commission d'enquête des travailleurs sur la faillite de Detroit et l’attaque contre le musée d'art (Detroit Institut of Arts, DIA) et les retraites.

Plus de 100 personnes ont participé à la réunion, y compris des étudiants de l'Université Wayne State et d’autres campus, des travailleurs de la ville de Detroit, des enseignants, des artistes et des locataires qui luttent contre leur éviction des appartements Griswold au centre-ville de Detroit. Des délégués de l’Illinois, de New York, de Virginie, de Californie et d’autres États ainsi que de l’Allemagne et de l'Australie ont aussi participé.

La commission, parrainée par le Parti de l’égalité socialiste et les Étudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (EJIES), était le résultat d’une campagne de plusieurs mois visant à organiser l’opposition de la classe ouvrière à la faillite de Detroit. Les rapports présentés ont exposé en détail la conspiration politique impliquant les deux partis politiques principaux, les tribunaux et les grands médias.

Le président de la commission d'enquête, Lawrence Porter

Le président de la Commission d'enquête des travailleurs, Lawrence Porter, a ouvert la rencontre en expliquant: «Il s’agit d’un rassemblement historique, une véritable investigation ouvrière sur un des crimes de ce siècle: le plan prémédité visant à installer un administrateur spécial muni d’immenses pouvoirs et provoquer la faillite de la ville dans le but d’éliminer des droits gagnés au cours de 80 années de lutte.»

L’enquête comprenait des témoignages en profondeur sur le contexte historique, économique et juridique de la faillite de Detroit. Un rapport s’est aussi penché sur la signification de la décision de privatiser les œuvres d’art du DIA.

Jerry White, correspondant pour le WSWS et candidat présidentiel du PES en 2012, a offert un premier témoignage avec un rapport sur «Le contexte social et historique de la faillite de Detroit». Il a expliqué que ce qui prenait place à Detroit devait être compris comme faisant partie d’une contre-révolution sociale internationale visant à détruire tous les droits de la classe ouvrière.

«La faillite de Detroit représente un point tournant dans les rapports de classe», a expliqué White. «Cela crée un précédent pour une intensification de la guerre contre la classe ouvrière aux États-Unis et internationalement, de la même manière que Reagan l’a fait en 1981 lorsqu’il a mis à pied 13.000 contrôleurs aériens qui faisaient grève.»

White a expliqué que le rôle de l’administration Obama dans le soutien à la faillite de Detroit visait à établir un précédent pour d’autres villes. «Obama utilise la crise de Detroit comme le modèle d'une attaque nationale sur les retraites des employés de la fonction publique», a dit White.

L’assaut sur la classe ouvrière a mené à une croissance extraordinaire de l’inégalité sociale au cours des cinq dernières années. White a expliqué le mécanisme derrière ce processus, notant que 85 individus possèdent maintenant plus de richesses que la moitié de la population mondiale.

Detroit est une cible particulière, a dit White, en raison de son histoire de lutte de classes. «La classe dirigeante procède avec une telle vengeance maintenant précisément parce qu’elle n'a jamais accepté les succès remportés par les travailleurs de Detroit au cours des luttes de masse industrielles et sociales des années 1930 jusqu’aux années 1970 qui ont tant affecté l’ensemble de la société américaine.»

Lawrence Porter a parlé de «La conspiration politique derrière la faillite de Detroit: l’anatomie d’un crime». Il a présenté une ligne du temps des événements clés ayant mené à la faillite, y compris les rencontres secrètes entre le maire de Detroit, David Bing, et le gouverneur du Michigan, Rick Snyder, l’embauche du bureau d’avocats Jones Day pour orchestrer la faillite ainsi que de l'administrateur spécial Kevyn Orr.

Porter a détaillé le rôle des syndicats de la ville qui, bien qu’affirmant s’opposer à l’attaque sur les travailleurs, «ont accepté toutes les prémisses fondamentales partagées par Orr, le juge-commissaire Steven Rhodes, Snyder et Obama: que la classe ouvrière doit payer pour la crise économique et que la situation financière de Detroit justifie des coupes majeures dans les retraites et autres acquis».

Un participant prend la parole

Il a conclu son rapport en disant que «La seule voix qui n’a pas été entendue est celle de la classe ouvrière, la vaste majorité de la population de Detroit.»

Tom Carter, correspondant aux affaires juridiques pour le WSWS, a donné un rapport, «La faillite de Detroit: une parodie de démocratie», expliquant en détail d'un point de vue juridique les événements ayant mené à la déclaration de faillite.

Il a expliqué que dans le but de mener leur conspiration et de mettre en œuvre les diktats des grandes sociétés et des riches malgré une vaste opposition, les comploteurs avaient dû transgresser la légalité et la constitutionnalité. Cela fait «partie d’un virage plus important vers des formes de gouvernement autoritaires aux États-Unis et internationalement».

Carter a démontré que la faillite de Detroit était, à chaque étape, une opération criminelle et que les «conspirateurs responsables (du gouverneur Snyder et de la firme Jones Day au juge Rhodes et Kevyn Orr) devaient être destitués, accusés, arrêtés et poursuivis».

Le rédacteur Arts et Culture du WSWS, David Walsh, a discuté du thème «L’art et la classe ouvrière: les implications de l’attaque contre le musée d'art de Detroit». Il a expliqué que l’attaque sur la culture et le DIA était un élément déterminant dans l’offensive politique et idéologique contre la classe ouvrière.

Walsh a expliqué comment le DIA est actuellement forcé par le gouverneur Snyder, les tribunaux et l’administrateur Orr d’accepter le soi-disant «grand compromis» selon lequel le musée devra trouver les moyens de payer 100 millions de dollars sur vingt ans.

Walsh a donné une vue d’ensemble de l’histoire du DIA et a expliqué comment, au cours de la première moitié du vingtième siècle, plusieurs des plus grandes œuvres au musée avaient été achetées avec les fonds publics. Il a raconté le rôle de William Valentiner, qui est devenu le directeur du DIA en 1924, dans la mise sur pied de la collection du DIA, y compris les grandes murales de l’artiste et socialiste mexicain Diego Rivera.

En lien avec l’argument selon lequel les œuvres d’art du DIA doivent être sacrifiées pour défendre les retraites des travailleurs municipaux, Walsh a affirmé, «Qu’est-ce qui empêche la population d’avoir et un musée d'envergure et des retraites et acquis décents? Ces démagogues n’attaquent jamais les milliardaires qui volent tout le monde. Ils essaient toujours de dresser une section de la population contre une autre; les retraités contre les visiteurs du musée par exemple.»

Barry Grey est rédacteur national américain du WSWS. Le rapport de Grey, «Le viol de Detroit, la désindustrialisation, la financiarisation et le parasitisme», a expliqué les processus économiques qui ont mené au déclin et à la faillite de Detroit. Il a passé en revue de manière détaillée l’appauvrissement d’anciennes villes industrielles comme Detroit aux mains des grandes sociétés et des banques.

Debra Miller, une locataire des appartements Griswold

Se penchant sur la situation de Detroit, Grey a mis la ville dans le contexte du déclin du capitalisme américain. «En 1960, il y avait 35 grandes usines automobiles à Detroit et dans les environs, y compris le complexe de Ford Rouge, l’usine Cadillac de GM et Dodge Main, lesquelles employaient plus de 110.000 travailleurs. Aujourd’hui, il en reste 14, qui emploient moins de 22.000 travailleurs.»

Grey a ensuite expliqué le rôle criminel des banques et des grandes sociétés dans le déclin des grandes villes américaines. Il a noté qu'«usant de chantage, les sociétés ont profité de la crise des villes pour forcer ces dernières à leur offrir des allègements et incitatifs fiscaux toujours plus grands en échange du maintien en fonction des usines existantes ou de la localisation des nouvelles installations sur leur territoire».

Le secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste, Joseph Kishore, a conclue la Commission d'enquête en mettant l'accent sur l'importance objective de la Commission d'enquête des travailleurs. «Il n’y a vraiment rien de tel, a-t-il dit. Une réunion de travailleurs provenant de la région de Detroit et d’ailleurs au pays convoquée dans le but d’examiner de manière concrète et détaillée le contexte social, politique et économique de la faillite de Detroit.»

Le secrétaire national du PES, Joseph Kishore

«C’est la réponse de la classe ouvrière à la conspiration politique, aux mensonges des médias, aux actions illégales et anticonstitutionnelles des représentants de l’État. Il s’agit d’une réunion basée sur l’idée révolutionnaire voulant que pour lutter, les travailleurs ont besoin de connaissances, de connaître la vérité. Ils ont besoin d’une perspective politique et historique».

Kishore a dit que des réunions et d’autres initiatives feraient suite à la Commission d'enquête des travailleurs au cours de la prochaine période, puis a exhorté tous les participants à s’impliquer au sein du Comité ouvrier de Detroit et de prendre la décision d'adhérer au PES et à l'EJIES.

(Article original paru le 17 février 2014)

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