Les funérailles de Sharon rendent hommage à un criminel de guerre

La cérémonie d’Etat et les funérailles qui se sont déroulées hier pour l’ancien général israélien et premier ministre, Ariel Sharon, était un rassemblement de gangsters politiques réunis pour rendre hommage à un collègue décédé et dont ils étaient tous complices des crimes et des abus commis. En première ligne, il y avait le vice-président Joseph Biden, l’ancien premier ministre Tony Blair et l’actuel premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Des délégations de seulement 21 pays ont assisté au service officiel à Jérusalem et qui a généralement été minimisé dans les médias mondiaux. Le sentiment de base était l’admiration pour Sharon, un criminel de guerre en série dont les guerres d’agression, les massacres et les assassinats ciblés de Palestiniens allaient de pair avec le vol des terres palestiniennes à grande échelle. Mais, les politiciens et les médias se sont sentis obligés de faire preuve d’une certaine modération en exprimant leur respect pour un homme qui est à juste titre méprisé par des millions de travailleurs et de gens opprimés non seulement au Moyen-Orient mais à travers le monde.

S'exprimant au nom de l’impérialisme américain Biden, et Blair, le porte-parole de la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale, avaient tout intérêt à couvrir les crimes de Sharon, vu que leurs gouvernements les avaient soutenus à l’époque et les ont utilisés depuis en étendant les mêmes méthodes pour en faire un élément standard de leur politique étrangère.

Aucun chef d’Etat, et seul un chef de gouvernement y a participé, le premier ministre tchèque, Jiri Rusnok. Aucune délégation du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Amérique latine ne figurait sur la liste officielle. Deux ministres des Affaires étrangères étaient sur place, ceux de l’Allemagne et de l’Australie. D’autres ministres ou ministres adjoints étaient venus d’Italie, de Bulgarie, de Grande-Bretagne, de Hollande, de Singapour, des Philippines, de France, du Canada, de Roumanie, de Grèce et de Chypre, et étaient présent aux côtés du président de la Douma russe.

Aucune référence n'a été faite au cours de la cérémonie aux nombreux crimes commis par Sharon, tel le meurtre par son unité militaire de 69 personnes, dont la moitié était des femmes et des enfants, dans le village jordanien de Qibya en 1953, l’un des nombreux raids effectués pour contraindre les Palestiniens à fuir leur maison ; son invasion du sud Liban en 1982 qui tua plus de 19.000 personnes ; et son soutien inlassable de l’expansion des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie. Le plus tristement célèbre était sa collusion personnelle avec la phalange fasciste libanaise lors des massacres de septembre 1982 de plus de 3.000 réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila à Beyrouth, un crime prouvé et pour lequel il ne fut jamais poursuivi en justice.

Selon les comptes rendus des médias, peu d’Israéliens ordinaires étaient venus dire adieu à Sharon, que ce soit à la cérémonie ou la veille sur son lit funèbre. Sharon était connu pour être le boucher des Palestiniens, tout comme pour sa politique réactionnaire de libre marché, son opposition féroce aux luttes de la classe ouvrière et pour la corruption de sa famille. Il était devenu le plus grand propriétaire terrien d’Israël, dans un pays qui occupe le pire classement dans le monde en matière de pauvreté et d’inégalité. Après la cérémonie d’hier, Sharon a été enterré dans sa propriété qui couvre 400 hectares près de la bande de Gaza.

Biden menait la plus grande délégation étrangère comprenant deux membres démocrates du Congrès, l’ambassadeur américain, le conseiller à la sécurité nationale de Biden et le directeur du Conseil national pour les Affaires israéliennes et palestiniennes. Dans son éloge funèbre, Biden a parlé au nom de l’ensemble des personnes rassemblées lorsqu’il a dit que la mort de Sharon était ressentie « comme un décès dans la famille. » Le vice-président américain a repris le surnom de Sharon, « bulldozer » pour le décrire comme un guerrier « indomptable » dont « le parcours de vie retraçait le chemin de l’Etat d’Israël. »

De même, Blair, qui avait envoyé des milliers de troupes britanniques pour participer en 2001 et en 2003 aux invasions menées par les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak et qui opère depuis 2007 comme l’envoyé pour un processus de « paix » frauduleux au Moyen-Orient parrainé par les Etats-Unis, les Nations unies, l’Union européenne et la Russie, a exprimé son admiration pour le « bulldozer » qui a laissé « des décombres considérables sur son passage. »

Netanyahu a salué Sharon comme un membre de la génération des « pères fondateurs » d’Israël qui pendant de nombreuses années ont combattu sur les lignes de front des Forces de Défense d’Israël (IDF) pour culminer dans la Guerre des six jours de 1967 et la Guerre du Yom Kippour de 1973. Ces guerres ont marqué à jamais l’apparition d’Israël comme une entité expansionniste soutenue par les Etats-Unis, transformant de manière permanente les Palestiniens en réfugiés.

Comme dans les hommages rendus à Sharon par les médias, Biden a fait une tentative cynique à la fin de son discours pour présenter Sharon comme un homme « essayant d’atteindre la paix ». C'était une référence à la décision de Sharon de retirer en 2005 des soldats et des colons israéliens de la Bande de Gaza.

En fait, cette décision de Sharon était la poursuite de son engagement de toujours de confiner les Palestiniens dans des ghettos tout en empêchant les Arabes de devenir une majorité au sein d’Israël, et de s’assurer le soutien des Etats-Unis pour une annexion permanente des terres palestiniennes de Jérusalem-est de la Cisjordanie.

La participation de Blair souligne le simulacre du « processus de paix » mené par les Etats-Unis et qui vise à établir Israël de façon permanente au Moyen-Orient comme un bastion armé pour les Etats-Unis et l’impérialisme occidental aux côtés d’un petit Etat palestinien tributaire, dirigé par une élite capitaliste palestinienne complaisante. Blair a rejeté « l’idée qu’il [Sharon] ait changé d’homme de guerre en homme de paix. Il n’a jamais changé. Son objectif stratégique n’a jamais faibli… Si cela signifiait des combats, il combattait. Quand cela signifiait faire la paix, il cherchait la paix avec la même détermination de fer. »

Sharon a été un précurseur du tournant de plus en plus radical des puissances impérialistes vers la criminalité et le néocolonialisme, notamment lors du renversement du régime de Kadhafi en Libye et de la décision de faire de même en Syrie.

Avant le début de la cérémonie à Jérusalem, des habitants du village de Qibya en Cisjordanie se sont souvenus du massacre de 1953. Hamed Ghethan, qui avait quatre ans lorsque le raid de l’unité de Sharon avait eu lieu, a dit aux journalistes qu’il se rappelait que des habitants plus âgés mettaient leur main devant la bouche des enfants pour ne pas qu’ils fassent pas de bruit. « Le nom de Sharon me rappelle… les martyrs de mon village, » a-t-il dit tout en regardant les ruines des bâtiments détruits par l’action militaire.

(Article original paru le 14 janvier 2014)

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