Les élections européennes en Grèce

Le résultat des élections européennes en Grèce reflète la ferme opposition de la population au gouvernement grec et à la politique d'austérité de l'Union européenne. Le soutien pour le parti au pouvoir, Nouvelle démocratie (ND), et son partenaire dans la coalition, le PASOK (Mouvement socialiste panhellénique) est tombé au plus bas. Pour la première fois, le Front social uni (SYRIZA EKM) a émergé comme le plus fort parti en lice. La troisième place a été prise par les fascistes d'Aube dorée. 

Les deux partis au gouvernement ont perdu plus de 10 pour cent par rapport aux élections parlementaires grecques d'il y a deux ans. ND n'a reçu que 22,7 pour cent des votes (contre 29,7 il y a deux ans). Bien que le PASOK se soit associé à d'autres partis dans la ‘Coalition de l'olivier’, ce rassemblement n'a reçu que 8 pour cent (contre 12,3 pour cent pour le PASOK en 2012). Par rapport aux dernières élections européennes il y a cinq ans, les partis au pouvoir ont perdu près de 40 pour cent, bien au-delà de la moitié de leurs électeurs.

L'organisation DIMAR (Gauche démocratique), une scission de SYRIZA (Coalition de la gauche radicale), qui faisait partie du gouvernement de coalition jusqu'il y a un an, s'est également effondrée. Il y a deux ans, elle avait obtenu 6,3 pour cent des voix. Dans cette élection, elle n'a obtenu que 1,2 pour cent des voix, bien en-dessous des 3 pour cent exigés pour entrer au Parlement. 

SYRIZA est maintenant le parti le plus fort sur le plan électoral. Il a été en mesure de maintenir ses résultats des élections précédentes avec seulement de faibles pertes (26,6 pour cent contre 26,7). Cependant, son succès dans des élections locales organisées en même temps a été plus limité. SYRIZA a gagné dans les îles ioniennes et dans la région d’Attique, où vit plus d'un tiers de la population grecque. Les candidats des partis au pouvoir ont pu dominer dans sept régions, mais quatre autres ont élu des candidats indépendants. 

Les fascistes d'Aube dorée ont pu augmenter leur part des voix aux européennes par rapport aux élections parlementaires d'il y a deux ans. Ils sont maintenant le troisième parti le plus important. 

Aube dorée, qui a mené des attaques répétées contre ses opposants politiques, les immigrés et les homosexuels, a bénéficié de la publicité que lui a fait l'appareil d'état et a des liens bien établis avec le parti ND au pouvoir. Les analyses de scrutin révèlent que plus de 50 pour cent des policiers grecs ont voté pour Aube dorée. 

Pour la première fois, le nouveau groupe libéral Potami (la rivière) a obtenu 6,6 pour cent des voix et enverra deux députés à Bruxelles. L’archi-stalinien Parti communiste grec (KKE) a obtenu 6,1 pour cent, augmentant un peu ses résultats par rapport aux dernières élections parlementaires (4,5 pour cent). Les populistes de droite des Grecs indépendants (ANEL) sont tombés de 7,5 à 3,5 pour cent. 

Ces résultats électoraux mettent le gouvernement de coalition sous une forte pression. Au cours des deux dernières années, la majorité, au départ confortable, de la coalition a diminué de 27 députés. Actuellement, elle ne s'appuie que sur 152 députés sur un total de 300. Si les résultats des européennes se répétaient dans une élection parlementaire, les partis de la coalition au pouvoir perdraient 94 sièges. 

Malgré ces résultats désastreux, le Premier ministre Antonis Samaras a exclu toute perspective d'élections anticipées. « Ceux qui ont tenté de transformer les élections européennes en plébiscite ont échoué, » a déclaré Samaras au cours d'une brève intervention télévisée. « Ils ne sont pas parvenus à créer des conditions d'instabilité, d'incertitude et d'impossibilité politique de gouverner. » 

Le Premier ministre a dit qu'il savait ce qu'il devait faire. « Nous agirons aussi vite que possible, » a-t-il dit, sans être plus spécifique. D'après les articles de presse, Damaris prépare une réorganisation radicale de son gouvernement. Jeudi, il rencontrera le président Karolos Papoulias pour discuter de la suite des événements. Cela sera suivi par des négociations déjà prévues au sein de la coalition. 

Lundi après-midi, le président de SYRIZA, Alexis Tsipras a rencontré le président grec qui joue un rôle purement symbolique. Après la rencontre, Tsipras a déclaré : « Nous devrions organiser des élections nationales dès que possible d'une manière calme et organisée pour restaurer la normalité démocratique. » Il a ajouté que Samaras avait perdu sa légitimité démocratique pour mener de nouvelles négociations avec l'Union européenne et imposer de nouvelles mesures d'austérité. 

Le résultat des élections signifie un rejet clair de la politique du gouvernement Grec, qui a imposé les diktats d'austérité de Bruxelles à la population pendant les deux dernières années. Au cours de cette période, les salaires ont baissé d'un taux allant jusqu’à 60 pour cent, les impôts ont augmenté pour la plupart des gens, et le chômage a dépassé les 27 pour cent. Les systèmes de santé et d'éducation sont sur le point de s'effondrer. Près de 40 pour cent des travailleurs sont déjà exclus du système de santé car ils ne peuvent pas payer les traitements dont ils auraient besoin. 

Les travailleurs sont très largement opposés à cette politique. Depuis 2010, 6300 manifestations et actions de protestation ont eu lieu rien qu'à Athènes, soit 14 par jour. Il y a eu 36 grèves générales, qui ont parfois vu la participation de centaines de milliers de travailleurs. Jeudi 20 mai, les enseignants ont manifesté devant le ministère de l'Education contre les plans du gouvernement de réduire les emplois et de faire des fusions ou des fermetures supplémentaires d'établissements. 

Cette opposition populaire s’exprime dans les résultats pour les partis au pouvoir, qui ces dernières semaines ont une fois de plus été ouvertement soutenus par le gouvernement allemand et les responsables de l'UE. Au vu d’une participation autour de 60 pour cent, seul un cinquième de l'électorat a voté pour l'un des partis au pouvoir. 

L'intention de Samaras de poursuivre la politique du gouvernement sans la changer constitue une claire mise en garde pour la classe ouvrière. Dans les dernières élections, seul le système électoral anti-démocratique a pu permettre à la coalition de conserver sa majorité. Depuis, cette coalition a systématiquement amputé les droits démocratiques des travailleurs. Les ouvriers en grève ont été soumis à la loi martiale, les manifestations ont été interdites et les bandes fascistes encouragées. Les attaques sociales qui ont été lancées en Grèce ne peuvent pas être imposées par des moyens démocratiques. 

L'opposition des travailleurs, cependant, ne trouve aucune expression dans le programme du principal parti d'opposition, SYRIZA. Bien que ce parti utilise ses campagnes électorales pour prendre la pose d’un adversaire de la politique d'austérité, il soutient activement l'UE et son programme brutal de réaction sociale. 

Il y a encore deux semaines, Tsipras déclarait lors d'un congrès du Parti de gauche allemand qu'un gouvernement de SYRIZA reconnaîtrait le principe la dette grecque et demanderait à la chancelière allemande Angela Merkel de négocier les termes d'un nouvel accord de prêt. 

L'an dernier, Tsipras a fait plusieurs voyages aux États-Unis et dans d'autres pays européens pour rencontrer des représentants de l'UE, du FMI et de divers gouvernements. À chaque fois, il a assuré ses hôtes qu'ils n'avaient rien à craindre d'un gouvernement SYRIZA. Au contraire, Tsipras a affirmé qu'un gouvernement sous sa direction apporterait plus de stabilité au pays. 

Un gouvernement de SYRIZA serait un régime complètement à droite. Il continuerait sur la lancée du gouvernement Samaras et suivrait les diktats de Bruxelles. Comme dans le cas de la France dirigée par le Parti socialiste de François Hollande, les politiques de droite d'un gouvernement qui se présenterait ostensiblement comme de gauche en Grèce ne feraient que renforcer les fascistes. Et SYRIZA a déjà collaboré avec les populistes de droite d'ANEL à plusieurs occasions. 

(Article original paru le 29 mai 2014)

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