WikiLeaks et Assange sont la cible d'une investigation active du FBI

Des documents judiciaires publiés cette semaine confirment que le FBI et le ministère de la Justice américain poursuivent une enquête « criminelle/de sécurité nationale » sur WikiLeaks et son fondateur, Julian Assange. 

Ces documents ont été fournis à la Cour fédérale de Washington DC en réponse à une action du Electronic Privacy Information Center (EPIC) américain conformément à la Loi sur la liberté de l'information (Freedom of Information Act – FOIA). Ils révèlent que la persécution politique du gouvernement Obama contre Assange et WikiLeaks continue, plus de quatre ans après que ce site médiatique ait provoqué une première fois la colère de Washington. WikiLeaks avait alors mis en ligne la vidéo « meurtre collatéral », prise depuis un hélicoptère d'attaque américain au cours d'une opération à Baghdad en 2007 et durant laquelle des enfants irakiens, des journalistes et d'autres civils furent abattus. 

La diffusion de « meurtre collatéral » fut suivie de la publication de milliers de documents détaillants les crimes de guerre américains, puis de communications diplomatiques exposant les machinations de Washington sur toute la planète. 

EPIC a déposé sa requête en novembre 2011 après l’ouverture par le gouvernement américain d’une enquête criminelle contre WikiLeaks et à la suite des pressions exercées par celui-ci sur les hébergeurs internet et les compagnies de paiement en ligne pour qu'ils cessent toutes relations avec le site. Il fut aussi révélé que le gouvernement tentait d'identifier ceux qui ont eu accès à ces documents et donnait directement des ordres au personnel de l'armée et aux fonctionnaires civils de ne pas se connecter à ce site. 

L'enquête américaine a été lancée après l'arrestation en mai 2010 du soldat Chelsea Bradley Manning, qui a été jugé pour actes d'espionnage et « aide à l'ennemi. » Manning a été ensuite condamné à 35 ans de prison, la peine la plus draconienne jamais imposée à un lanceur d'alerte qui révélait les méfaits d’un gouvernement. 

L'action en justice sur la base du FOIA demandait communication de toutes les informations concernant « des individus surveillés » dans l'affaire WikiLeaks, toutes les listes de noms compilées concernant des personnes qui avaient soutenu ou indiqué leur intérêt pour cette organisation et tous les enregistrements des communications entre le gouvernement et les compagnies de médias sociaux, comme Facebook et Google, ainsi que les compagnies de services financiers, dont Visa, MasterCart et PayPal, concernant WikiLeaks. 

Depuis le dépôt de cette demande, des révélations du lanceur d'alerte de la NSA Edward Snowden ont montré que celle-ci espionne toutes les personnes qui ont visité le site Web WikiLeaks, y compris les citoyens américains. 

Dans un des documents communiqués à la Cour de Washington DC lundi, les procureurs américains affirment que rendre public les documents demandés causerait « des dommages certains » à l'enquête en cours du FBI et du ministère de la Justice et qu'ils devraient rester secrets « en l'attente d’un procès. » 

Ce document montre que la version passée en novembre dernier au Washington Post par des responsables du ministère de la Justice est un mensonge. Selon celle-ci, il n'était pas question de faire un procès à Assange, parce que cela aurait soulevé la question de savoir pourquoi les grands journaux et organes d'information qui ont publiés des articles s’appuyant sur les documents de WikiLeaks ne figuraient au banc des accusés. 

Sur la base de cette fausse affirmation fut montée une campagne médiatique pour dépeindre Assange comme un « paranoïaque » et un « prétentieux » parce qu'il avait demandé l’asile politique à l'ambassade d'Équateur à Londres et parce qu’il avait résisté à une extradition vers la Suède, où on l’avait convoqué pour interrogatoire sur des allégations d'agression sexuelle montées de toutes pièces. 

Voilà près de deux ans qu’Assange est enfermé dans cette ambassade. Le mois dernier, la police londonienne a révélé, en réponse à une autre demande dans le cadre de la loi sur la liberté d'information, que les salaires et les heures supplémentaires occasionnés par le siège monté 24 heures sur 24 par la police autour de l'ambassade ont déjà coûté plus de 9 millions de dollars. 

Assange et ses avocats ont résisté à l'extradition au motif que la Suède se conformerait vraisemblablement à une demande d'extradition des États-Unis pour espionnage et trahison. Assange a insisté sur l'idée qu'il y avait « 99,97 chances sur cent » qu'il soit envoyé aux États-Unis pour y être jugé, s'il quittait l'ambassade d'Équateur. Le refus des procureurs suédois d'auditionner Assange à Londres sur ces allégations – il n'a jamais été formellement mis en examen – montrent clairement qu'il y a un motif caché derrière cette demande d'extradition. 

Les documents qui figurent dans la réponse du gouvernement américain à la requête d’EPIC décrivent la surveillance dont fait l'objet WikiLeaks de la part du ministère de la Justice et du FBI comme « active et toujours en cours » et « une enquête criminelle sur plusieurs sujets. » Ils ajoutent qu'il y a eu « des développements dans l'enquête au cours de l'année écoulée. »

Les documents publiés par Edward Snowden en février dernier révélaient que la NSA collectait les adresses IP de tous les ordinateurs qui visitent WikiLeaks et avait placé Assange sur une de ses « listes de chasse à l'homme » où figurent des personnes considérées comme terroristes et pouvant faire l'objet d'un assassinat par drone. Elle a également proposé de classer le fondateur de WikiLeaks comme « agent étranger malveillant, » une désignation qui permettrait à la NSA d'imposer une surveillance tous azimuts de WikiLeaks, sans être encombrée par aucune restriction pour ce qui est d’espionner des citoyens américains.

(Article original paru le 21 mai 2014)

 

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