Les Etats-Unis et l’OTAN utilisent la crise ukrainienne pour promouvoir un renforcement militaire en Europe de l’Est

Les communiqués publiés au cours du week-end dernier par la Maison Blanche et l’OTAN sur la crise ukrainienne, et comprenant des allégations selon lesquelles la Russie serait sur le point d’envahir plusieurs de ses voisins, signalent que les préparatifs de l'impérialisme américain en vue d'un renforcement militaire accentué partout en Europe de l’Est, sont à un stade avancé.

Le président américain Barack Obama entreprend aujourd’hui un voyage de quatre jours en Europe, qui débutera à La Haye en Hollande. En marge d’un Sommet sur la sécurité nucléaire préalablement programmé, Obama a convoqué une réunion sur l’Ukraine impliquant les dirigeants de la Grande-Bretagne, du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon – le G8 sans la Russie.

Après avoir oeuvré avec l’Allemagne pour organiser une opération de changement de régime en Ukraine, le but de Washington est d’isoler diplomatiquement le gouvernement de Vladimir Poutine en envisageant de nouvelles sanctions économiques préjudiciables à la Russie tout en mettant en même temps au point des mécanismes commerciaux et énergétiques qui amènent l’Ukraine et d’autres Etats de l’Europe de l’Est sous le contrôle stratégique des Etats-Unis et de l’UE. Obama rencontrera mercredi à Bruxelles des responsables de l’Union européenne ainsi que le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen.

Le commandant suprême des forces de l’OTAN, le général américain de l’armée de l’air Philip Breedlove, a publié hier une dénonciation belliqueuse de la Russie. Il a accusé le gouvernement Poutine de renforcer ses effectifs militaires à la frontière occidentale de la Russie et de préparer une intervention en Transnistrie, partie de l’ancienne république soviétique de Moldavie qui dispose d’une forte population appartenant à l’ethnie russe et qui avait tenté de devenir indépendante après la désintégration de l’URSS. Breedlove a aussi brandi le spectre de troupes russes envahissant les Etats baltes d’Estonie, de la Lituanie et la Lettonie.

« La force [russe] qui se trouve en ce moment à la frontière ukrainienne de l’Est est très, très importante et tout à fait, tout à fait prête, » a déclaré Breedlove lors d’un événement organisé par le groupe de réflexion German Marshall Fund. « Il y a un dispositif amplement suffisant déployé à la frontière orientale de l’Ukraine pour marcher sur la Transnistrie si la décision était prise, et c’est très inquiétant. »

Après avoir fait référence à l’annexion de la Crimée par la Russie, le commandant de l’OTAN a demandé, « Comment faire pour modifier notre déploiement ? Comment faire pour être fin prêt ? Comment faire pour modifier la structure de nos forces de manière à être prêt à l’avenir ? Nous devons penser à nos alliés, au positionnement de nos forces au sein de l’alliance et faire que nos forces soient prêtes au sein de l'alliance de manière à pouvoir être là pour les défendre si nécessaire, notamment dans la Baltique et ailleurs. »

Breedlove a ajouté que la Russie agissait à présent comme « un adversaire » de l’OTAN, soulignant la préparation active des Etats-Unis et de leurs alliés européens en vue de déclencher une guerre contre la Russie.

S’exprimant hier sur CNN, le conseiller national adjoint à la sécurité d’Obama, Tony Blinken, a appuyé les déclarations de Breedlove en disant être « profondément préoccupé à la vue du renforcement des troupes russes à la frontière. » Blinken a ajouté qu’il « est possible qu’elles se préparent à pénétrer [en Ukraine]. »

Le ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, a déclaré samedi que Washington « doit renforcer sa présence [militaire] en Europe, et aussi en Pologne. » La semaine dernière, lors de la visite du vice-président américain, Joe Biden, dans le pays, Siemoniak avait expliqué : « Il y avait une attente claire de notre part et aussi de tous les alliés de l’OTAN [en] Europe de l’Est, à savoir que nous comptons sur une présence militaire plus importante des Etats-Unis et que ce flanc oriental de l’OTAN doit être renforcé. »

Siemoniak a ajouté qu’il était « naturel », compte tenu des développements en Ukraine, d’examiner la possibilité d’une grande base américaine permanente en Pologne.

Ces déclarations, qui font suite au déploiement américain en Pologne, au début du mois, de douze avions de chasse F-16 et de 300 soldats, soulignent l’hypocrisie manifeste de la Maison Blanche et de ses alliés. Washington est actuellement en train de susciter une peur de la guerre à propos de prétendus mouvements de troupes russes à l'intérieur même des frontières du pays tandis que parallèlement les forces armées américaines sont déployées de manière provocatrice pour couper la Russie de ses voisins.

Le régime mis en place à Kiev fait aussi monter d’un cran la rhétorique. Le ministre des Affaires étrangères, Andrii Deshchytsia, est apparu hier à la télévision américaine pour déclarer que la possibilité d’un conflit militaire avec la Russie était « très grande » et « ne cessait de se développer ». Il a ajouté : « Nous sommes prêts à riposter… Il est très difficile de retenir les gens, ce sont des patriotes de leur pays… [Ce] serait difficile pour eux de se contenter d’attendre et de voir la Russie envahir leur pays. »

La référence de Deshchytsia aux « patriotes de leur pays » est une allusion aux forces d’extrême droite et nationalistes qui constituent la base de l’opération menée par Washington et l’UE en Ukraine, qui ont été nommées aux plus hautes fonctions gouvernementales et qui sont en train d'être intégrées aux forces armées.

Le ministre de la Défense Igor Tenioukh, l’une de ces quelques figures clé du gouvernement qui sont membres du parti fasciste Svoboda, s’est plaint hier de ce que les forces ukrainiennes en Crimée n’aient pas attaqué les troupes russes. Au cours du week-end, l’armée russe a pris le contrôle de la base aérienne de Belbek, l’une des quelques bases restantes en Crimée et encore occupées par des troupes ukrainiennes.

S’adressant à des journalistes à Kiev, Tenioukh a déclaré « nos commandants avaient la permission de recourir à la force. » Il a cependant déploré que : « Malheureusement, les commandants ont pris des décisions sur place. Ils ont choisi de ne pas utiliser leurs armes afin d’éviter un bain de sang »

Après avoir installé en Ukraine un régime qui comporte des forces déterminée à déclencher une guerre entre les Etats-Unis et la Russie, la Maison Blanche se prépare à présent à renforcer les capacités militaires de celles-ci. Le député républicain de la Chambre des représentants, et président de la Commission du renseignement, Mike Rogers, a dit hier lors de l’émission « Meet the Press » sur la chaîne NBC que le discours d’Obama ne « correspondait pas à la réalité sur le terrain. » Il a exigé une aide militaire que le gouvernement ukrainien « puisse utiliser pour vraiment se protéger et se défendre. »

Le conseiller national adjoint à la sécurité d’Obama, Tony Blinken, a réagi en déclarant que la perspective d’armer directement l’Ukraine était actuellement examinée.

(Article original paru le 24 mars 2014)

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