En amont du référendum, l’Allemagne menace de « nuire massivement » à la Russie

Avant la tenue du référendum de dimanche au sujet de l’indépendance de la Crimée, Berlin et Washington intensifient une campagne de menaces et de sanctions contre la Russie au risque d'une guerre civile en Ukraine et d'une guerre avec la Russie.

S’adressant jeudi au parlement allemand, la chancelière Angela Merkel, a mis en garde contre une « catastrophe » à moins que la Russie ne fasse marche arrière. « Mesdames, Messieurs, si la Russie continue sur la voie de ces dernières semaines, ce ne sera pas seulement une catastrophe pour l’Ukraine, » a-t-elle dit. « Nous ne le ressentirions pas seulement comme une menace en tant que voisin de la Russie. Et cela ne changerait pas seulement les relations entre l’Union européenne et la Russie… Non, cela nuirait aussi massivement à la Russie, économiquement et politiquement. »

Merkel a reproché à Moscou de se livrer à des actions illégales en recourant à des méthodes employées aux 19ème et 20ème siècles. « La loi du plus fort est opposée à la force de la loi, les intérêts géopolitiques unilatéraux sont placés au-dessus de l’entente et de la coopération, » a-t-elle dit.

On marche sur la tête. L'hypocrisie de Merkel est stupéfiante. Ce sont l’Allemagne et les Etats-Unis qui agissent comme agresseurs en soutenant et en organisant le coup d’Etat mené par les groupes fascistes en Ukraine, les descendants des forces politiques dont l’Allemagne nazie s’est servie pour commettre des crimes odieux durant la Deuxième Guerre mondiale. Et, ce faisant, ce sont les puissances occidentales qui sont en train de relancer les méthodes criminelles utilisées par la politique impérialiste du 20ème siècle dans le but de sauvegarder leurs objectifs géopolitiques en Europe.

Maintenant Berlin et Washington veulent contraindre Moscou à faire marche arrière sur la question de la Crimée qui dispose d’une population majoritairement russophone et qui héberge la flotte russe de la Mer noire. Merkel a averti que l’UE persisterait à appliquer des sanctions économiques à moins que Moscou accepte de négocier « d’ici les prochains jours ». Elle a dit : « Aucun d’entre nous ne souhaite en arriver à de telles mesures. Cependant, nous sommes tous prêts et résolus à les adopter si elles devaient s’avérer inévitables. »

Tandis que les Etats-Unis et l’OTAN sont en train de renforcer les forces militaires dans la région, la Russie réagit en pratiquant des exercices militaires qui impliquent plus de 8.000 soldats près de la frontière ukrainienne. La Biélorussie, un allié de la Russie, a aussi demandé des avions de combat et de transport militaire supplémentaires.

Dans leur course à la guerre, les puissances impérialistes comptent sur les forces les plus droitières en Ukraine. Hier, le parlement ukrainien a approuvé une proposition du président non élu Oleksandr Turchynov prévoyant la création d’une garde nationale forte de 60.000 hommes. Celle-ci se composera des troupes du ministère de l’Intérieur, de recrues issues des écoles militaires et des unités d’« auto-défense », c’est-à-dire de troupes paramilitaires venant du groupe fasciste Secteur droit ou des milices ultra-droitières qui avaient dirigé le 22 février le coup d’Etat contre le président Viktor Ianoukovitch qui bénéficie du soutien de la Russie.

Mercredi, lors d’une conférence de presse, le secrétaire du Conseil national de Sécurité et de Défense, Andriy Parubiy, a affirmé avoir « d’excellentes raisons de croire » que « l’Ukraine était maintenant confrontée à la menace d’une invasion à grande échelle. » Il a « appelé tous les groupes qui se trouvaient sur le Maïdan [à] garantir la sécurité de l’Etat, à défendre les frontières et à éliminer les groupes terroristes. »

Parubiy s’est également servi de la conférence de presse pour demander aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de respecter leurs engagements en tant que garants de la sécurité de l’Ukraine en évoquant le Mémorandum de Budapest signé en 1994 et en vertu duquel l’Ukraine avait renoncé à son stock d’armes nucléaires en échange de garanties pour sa sécurité.

Parubiy fut l’un des fondateurs du Parti social-national néo-nazi d’Ukraine qui devint plus tard le parti Svoboda. Il joua un rôle crucial lors de la « Révolution orange » en 2004 qui avait été financée par l’Occident. Préalablement au coup d’Etat de 2014, il avait coordonné les forces de sécurité volontaires sur le Maïdan qui étaient constituées de vétérans de guerre et de policiers à la retraite.

L’adjoint de Parubiy au sein du nouveau gouvernement, Dmytri Yarosh, est le dirigeant de la milice instaurée par le groupe fasciste Secteur droit et de l’organisation pan-ukrainienne Tryzub (Trident) dont le héros est le collaborateur nazi de la Deuxième Guerre mondiale, Stepan Bandera.

Mercredi, le magazine d’information américain Newsweek a publié une interview avec Yarosh disant : « Mes gars poursuivent leur formation militaire partout en Ukraine, prêts à débarrasser le pays des occupants. » Il a ajouté, « Nous coordonnons nos action avec le conseil pour la Sécurité nationale et la Défense ainsi qu’avec les quartiers généraux de l’armée. Nous négocions actuellement la mise en place d’un cadre juridique adéquat pour nos forces. »

Jeudi, dans le centre industriel de Donetsk, près de la frontière russe, des affrontements ont éclaté entre des manifestants pro-russes et un groupe allié du nouveau gouvernement comprenant des forces de Secteur droit. Une personne au moins a été tuée.

A la question de savoir si le régime ukrainien hisserait le drapeau de Bandera, Yarosh a répondu par l’affirmative : « Nous nous sommes tenus sous des drapeaux rouges et noirs durant toute la révolution. Le sang rouge ukrainien versé sur la terre ukrainienne noire, ce drapeau est le symbole de la révolution nationale. Je suis convaincu que ce drapeau nous apportera la liberté. »

Yarosh a indiqué qu'il aurait recours à la force si la Crimée votait dimanche pour faire sécession de l’Ukraine : « Secteur droit ainsi que tous les autres citoyens ukrainiens sont prêts à défendre par tous les moyens possibles l’intégrité territoriale de l’Ukraine. »

La création de la garde nationale et la transformation des troupes de choc fascistes de la « révolution » en institutions d’Etat officielles jouit du soutien des puissances impérialistes. Le vote sur la création de la garde nationale n'a eu lieu qu’un jour après que le premier ministre par intérim, Arseny Iatseniouk, eut rencontré le président américain Barack Obama à Washington et qui a mis l'accent sur son soutien pour le nouveau régime ukrainien et proclamé de nouvelles menaces à l’encontre de Moscou.

Alors que la garde nationale ukrainienne vise la Russie, l’autre objectif clé visé est la classe ouvrière ukrainienne. Bien qu’elle ne fasse pas le poids face à l’armée russe, la garde nationale ukrainienne est suffisamment importante pour tenter d’intimider, voire même d'écraser, les protestations contre le programme réactionnaire du régime droitier et pro-impérialiste de Kiev.

Durant sa rencontre avec Obama, Iatseniouk a promis d’imposer les exigences du FMI, de supprimer les subventions aux prix du gaz et d’être « le premier ministre le plus impopulaire de toute l’histoire. » Les subventions sur le gaz, qui rendent le prix du chauffage relativement abordable pour les travailleurs ukrainiens, représentent au total 7,5 pour cent de l’économie. Leur suppression acculerait à la faillite de vastes sections de la population.

Une indication de l’impopularité de ces mesures est le fait que Ianoukovitch avait refusé, à l'automne dernier, de signer l’accord d’association avec l’Union européenne qui incluait de telles coupes, par crainte qu’elles ne provoquent des protestations et la chute de son régime.

(Article original paru le 14 mars 2014)

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