La Grande-Bretagne a préparé le terrain pour la nouvelle demande d’extradition d’Assange

La décision (voir decision en anglais) de la Cour d’appel de Stockholm de maintenir le mandat d’arrêt lancé contre le fondateur de WikiLeaks il y a quatre ans est le produit d’une collusion au plus haut niveau entre les autorités suédoises, britanniques et américaines.

Cette décision prise jeudi dernier, fut annoncée moins de 24 heures après que le parlement britannique a voté en toute forme la réadoption de l’antidémocratique et arbitraire règlement du Mandat d’arrêt européen (European Arrest Warrant - EAW), en vertu duquel Assange avait été initiallement arrêté à Londres en décembre 2010 sans qu’aucune accusation ne soit portée contre lui.

Le parlement a voté à 421 voix contre 29 en faveur de la demande officielle du gouvernement dirigé par les conservateurs de renouveler les 35 mesures de l’Union européenne concernant la Justice et les Affaires intérieures, dont fait partie l’EAW. Les conservateurs, le Parti travailliste, les Libéraux-démocrates et le Parti national écossais ont tous soutenu la demande.

La législation avait été soutenue lors d’un scrutin parlementaire la semaine précédente où s’était évanouie une rébellion dont on avait fait grand cas auparavant. L’EAW n’était cependant pas inclus dans le texte du statut parce que sa précédente forme existait déjà en tant que loi. La réadoption de l’EAW mercredi dernier donna à la cour suédoise le feu vert pour exiger qu’Assange soit extradé et qu’il soit interrogé à propos d’accusations, forgées, de viol. 

Assange est la victime d’un coup monté évident. Les mesures prises contre lui ont commencé après que WikiLeaks a publié, en avril 2010, une vidéo sous le titre de « Meurtre collatéral » montrant un hélicoptère américain en train de massacrer un groupe de civils en Iraq, dont deux journalistes employés par Reuters. En août de la même année, alors qu’Assange était en Suède, il avait eu, en deux occasions distinctes, une relation sexuelle consentie avec deux femmes. Le 20 août, la police suédoise ouvrait une « enquête pour viol » à son égard et alerta les médias suédois.

Après un jour d’investigation de ces allégations, la procureur général de Stockholm, Eva Finne annula le mandat d’arrêt en disant: « Je ne crois pas qu’il y ait une seule raison de soupconner qu’il ait commis un viol ». Finna a classé l’affaire quatre jours plus tard en déclarant : « Il n’existe aucun soupcon d’un crime quelconque. »

L’affaire fut ensuite reprise par Claes Borgstrom, un avocat et politicien social-démocrate suédois qui a engagé les services d’un autre procureur, Marianne Ny, ayant elleaussi des rapports avec les sociaux-démocrates.

Lors d’une récente enquête, John Pilger remarquait: « Un reporter suédois a demandé à Borgstrom pourquoi l’affaire continuait alors qu’elle avait déjà été classée, citant une des femmes disant qu’elle n’avait pas été violée. Il répondit : ‘Ah, mais elle n’est pas avocate’. »  

« Assange attendit pendant cinq semaines en Suède que la nouvelle enquête suive son cours. Le Guardian était alors sur lepoint de publier les ‘Journaux de guerre’ basés sur les révélations de WikiLeaks, et qu’Assange devait superviser. Son avocat à Stockholm demanda à Ny s’il elle avait quelque objection à ce qu’il quitte le pays. Elle dit qu’il était libre de partir. »

Assange a dit dans une déclaration assermentée écrite depuis l’amabassade d’Equateur en septembre dernier: « Mon avocat en Suède, Bjorn Hurtig, a obtenu l’accord de la procureur Marianne Ny que j’étais libre de quitter la Suède. J’ai quitté la Suède le 27 septembre 2010. »

Ce n’est qu’après qu’il eut quitté la Suède que Ny a lancé un mandat d’arrêt européen.

Le seul crime commis par Assange est le fait qu’il ait démsqué des crimes de guerre et des complots impérialistes contre la population du monde. Les autorités britanniques, suèdoises et américaines veulent qu’Assange soit extradé en Suède, d’où ils pourront l’envoyer aux Etats-Unis. Un grand jury aux Etats-Unis, constitué en 2010, reste actif dans le but de porter des charges secrètes, non spécifiées contre lui.

La Suède a un accord bilatéral avecles Etats-Unis qui lui permettrait d’extrader Assange sans suivre les règles traditionnelles ou respecter le standard des procédures d’extraditions normales. Un article du Svenska Dagbladet notait en 2011 que la Suède ne s’était pas opposée à une extradition aux Etats-Unis depuis 2000. Une extradition requise ne s’est pas produite à deux occasions seulement et cela parce que les autorités suédoises ne pouvait mettre la main sur les individus concernés.

Les efforts entrepris pour s’emparer d’Assange se sont poursuivis, malgré le fait que les autorités suédoises aient eu accès aux SMS envoyés par les femmes auxquelles Assange eut affaire. Ces preuves suffisent à montrer qu’Assange est la victime d’une odieuse machination. Ce dernier cite les messages SMS, passés en revue par deux de ses avocats suédois dans sa déclaration assermentée (voir : affidavit, en anglais).

Les parties en question de cette déclaration disent (les passages soulignés le sont dans l’original) :

« Alors que la plus jeune des femmes était au commissariat de police le 20 aout 2010, ses communications téléphoniques montrent qu’elle a écrit qu’elle : ne voulait pas porter plainte en aucune facon contre JA mais que la police était très intéressée à le contrôler et qu’elle fut ‘choquée lorsque celle-ci a arrêté JA parce tout ce que elle voulait, c’est qu’il fasse un test’ »

« La femme en question a dit à une amie qu’elle avait l’impression d’avoir été poussée dans une direction par la police et par d’autres gens autour d’elle’ selon la déposition faite par cette dernière à la police. »

« Selon les communciations téléphoniques de la plus jeune des femmes à laquelle sont liées les allégation de ‘viol’, celle-ci a écrit à 7h27 le 21 août 2010 qu’elle ne ‘voulait pas accuser AJ de quoi que ce soit’ et à 22h25 que ‘c’était la police qui avait formulé les accusations’ 

Bien qu’initialement la police ait ouvert une enquête pour ‘viol’ concernant la femme abbréviée AA, il n’y avait aucune allégation dans le témoignage de celle-ci qu’elle eût été violée. Elle dit dans sa déposition à la police qu’elle avait eu une relation consentante (en suédois: ‘frivilligt gått med på att ha sex med Assange’) et qu’elle avait ultérieurement écrit sur Twitter le 22 avril 2013, ‘je n’ai pas été violée’. »

Le World Socialist Web Site a noté la semaine dernière que le nom d’Assange n’avait jamais été mentionné lors du premier débat au parlement à propos de l’EAW, ou par Shami Charkrabarti de Liberty dans une critique de la mesure. Nonobstant cette conspiration du silence, avions nous dit, l’EAW a été principalement réadopté parce que les autorités britanniques, suédoises et américaines s’inquiétaient de ce qu’en n’incluant pas l’EAW à la législation du Royaume-Uni on pouvait permettre à Assange d’insister sur le fait que son mandat d’arrêt n’était plus valide. La décision de la cour d’appel de Stockholm a confirmé cette estimation des choses.

Ce qui est arrivé à Assange pourrait arriver à n’importe quelle personne que la classe dirigeante souhaite prendre pour cible ou réduire au silence. Dans le système de l’EAW, la disposition disant que l’Etat qui fait la demande d’extradition doit apporter des preuves prima facie d’un crime est abolie. Un fois lancé un EAW, il n’existe aucun appel possible contre lui.

La nature extrêmement arbitraire du système EAW fut révélée par les mots de Clare Montgomery, qui représentait les autorités suédoises et le service britannique des poursuites de la Couronne contre Assange en 2011. Elle dit devant le Haute cour de Londres, « Délit d’extradition signifie la conduite incriminée. Cela n’a rien à voir avec les preuves. »

Ce fut en grande partie dû à des inquiétudes publiques concernant les dispositions anti démocratiques du système EAW qu’une loi fut passée en juillet par le parlement britannique spécifiant qu’une accusation formelle devait être portée contre une personne avant qu’elle soit privée de sa liberté. Cependant, le Home Office britannique déclara que la nouvelle législation ne s’appliquerait pas à Assange ou à toute autre personne privée de ses droits sous le système précédent.

(Article original publié le 22 novembre 2014)

 

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