La prestation télévisée de mi-mandat du président Hollande : il n’y aura pas de changement de sa politique droitière

Le président François Hollande est apparu jeudi soir pendant une heure et demie sur le plateau de TF1 dans une émission spéciale intitulée « En direct avec les Français ». Celle-ci avait été conçue comme une ultime tentative d’empêcher l’effondrement de la présidence de Hollande qui risque d’entraîner le Parti socialiste (PS) avec lui.

Cette prestation a eu lieu à la moitié précisément du mandat de cinq ans de Hollande alors que cinq millions de personnes sont sans emploi en France, que les prévisions économiques continuent d’empirer et que sa propre cote de popularité a sombré à 12 pour cent. Sa politique de l’emploi n’est soutenue que par 3 pour cent de la population. Ceci fait de Hollande de loin le président le plus impopulaire de France depuis la création de cette fonction par le général de Gaulle en 1958.

Et pourtant, Hollande a signalé qu’il n’y aurait pas de changement de cap dans son programme pro-patronal et pro-guerre. Poussé par les présentateurs à reconnaître ses erreurs afin d’en tirer les leçons, Hollande a refusé, disant seulement souhaiter que le chômage ne fût pas si élevé.

En réponse, il a exposé impudemment ses points de vue droitiers. Il a félicité les entreprises d’être les moteurs de la croissance économique, loué les coupes sociales de l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder et son propre Pacte de responsabilité avec ses 50 milliards d’euros de coupes sociales, et il s’est engagé à poursuivre les guerres menées par la France en Afrique.

Hollande a reconnu sans détours que son impopularité pouvait entraîner l’anéantissement du PS lors des prochaines élections présidentielles de 2017 où s’opposeraient au deuxième tour – comme le 21 avril 2002 – les conservateurs et le Front national (FN) néofasciste. « Un nouveau 21 avril est possible », a-t-il dit.

De façon significative, Hollande s’est également senti obligé de considérer la possibilité que le FN puisse carrément arriver au pouvoir. « La France serait regardée comme un pays qui sortirait de l’Europe, » a-t-il précisé en ajoutant, « Si l’Europe ne change pas, alors il y a un risque de populisme, partout. » Néanmoins, il n’a pas indiqué vouloir d’une manière ou d’une autre changer la ligne principale de sa politique.

Le gros de sa prestation télévisée a été consacré à des interviews avec quatre citoyens qui lui ont expliqué leurs difficultés économiques. TF1 avait réalisé une courte présentation vidéo de chacun d’eux; tous avaient évidemment été examinés sous toutes les coutures et triés sur le volet.

Il y avait une femme de 60 ans, chômeuse depuis deux ans, qui avait commencé à travailler à 16 ans et qui ne pouvait pas prendre sa retraite à cause du dernier allongement de la durée de cotisation et à qui manquait le nombre de trimestres requis pour avoir sa retraite à taux plein ; une chef d’entreprise d’une PME demandant une baisse d’impôt et craignant que les travailleurs ne fassent plus confiance aux syndicats; un diplômé en droit au chômage habitant les quartiers Nord de Marseille; et une mère de trois enfants vivant en zone rurale qui se bat avec le ministère de l’Education nationale contre la fermeture du collège que doivent fréquenter ses enfants. 

Dans une série de brefs échanges, Hollande a annoncé de nouveaux programmes censés régler leurs problèmes spécifiques. La personne proche de la retraite avait commencé à travailler suffisamment tôt pour pouvoir participer à une nouvelle formation à court terme lui permettant de travailler deux ans jusqu'à la retraite. Il a promis de nouvelles baisses d’impôts ; il a annoncé la création de 16.000 emplois jeunes supplémentaires et promis de faire profiter le collège de la mère de famille du lancement d’un « grand plan numérique » pour subventionner l’informatique.

Cet exercice démagogique visait à présenter Hollande comme étant « à l’écoute des Français » quand bien même les mesures qu’il a proposé sont totalement inadéquates pour lutter contre le chômage de masse, la pauvreté grandissante parmi les seniors en France et l’effondrement du service public dans les régions rurales, dus pour une bonne part à sa propre politique.

Il est significatif de noter que compte tenu des multiples conflits et des crises engendrés par les guerres que mène la France – en Afrique, en Syrie et en Irak, et avec l’OTAN contre la Russie au sujet de l’Ukraine – Hollande a aussi évoqué la possibilité que la France pouvait revenir au service militaire obligatoire pour les hommes et les femmes, une décennie après la fin du service militaire obligatoire pour les hommes. Il a précisé qu’il pourrait soumettre à un référendum public l’approbation d’une telle politique.

La prestation de Hollande témoigne de la faillite du PS et de la « gauche » traditionnelle française. Une situation surréelle et dangereuse est apparue où l’ensemble du soutien de la « gauche » bourgeoise pour le PS dont la politique pro-patronale est indiscernable de celle du parti droitier de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) a permis au FN de se présenter comme l’unique parti d’opposition en France.

La conférence de presse de Hollande est une véritable condamnation du soutien que les partis de la pseudo-gauche tels que le pabliste Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon ont apporté à Hollande au second tour des élections présidentielles de 2012.

« Le mot d’ordre, c’est de dégager Sarkozy [le président sortant de droite], » avait déclaré le candidat présidentiel du NPA, Philippe Poutou pour justifier son appel à voter pour Hollande au second tour en 2012, et « L’outil » pour cela « c’est Hollande. »

En fait, c’est le NPA qui a servi d’outil à Hollande – dont la politique est encore plus à droite que celle appliquée par Sarkozy – et donc à l’aristocratie financière en raison de l’illusion que ce parti a répandue que ce politicien réactionnaire pouvait être amené à faire une politique progressiste grâce aux « pressions exercées » sur lui.

La conférence de presse illustre le gouffre de classe qui sépare en France la « gauche » bourgeoise et les partis de la pseudo-gauche de la colère sociale explosive qui s’accumule contre le PS au sein de la classe ouvrière. Pendant que la désintégration de l’économie et du PS s’intensifie et que le FN augmente son électorat, le PS et ses alliés de la pseudo-gauche n’ont rien d’autre à offrir que davantage de guerres, une politique de libre marché et des attaques contre la population laborieuse.

(Article original paru le 7 novembre 2014)

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