Les actions de protestation se multiplient en Italie contre le gouvernement Renzi

Les actions de protestation se sont multipliées ces dernières semaines contre le gouvernement PD (Parti démocrate) du président du Conseil Matteo Renzi et sa politique anti-ouvrière, révélant la profonde colère qui existe dans la classe ouvrière italienne. La réaction du gouvernement a été de déclencher une violente répression policière contre les manifestants.

Le 29 octobre, quelque 600 sidérurgistes de ThyssenKrupp ont protesté à Rome contre la décision de l’entreprise de supprimer 550 emplois sur le site de Terni. La police a chargé avec une grande brutalité les travailleurs qui se rendaient au ministère du Développement économique après s’être rassemblés devant l’ambassade d’Allemagne (voir: police violently charged). Quatre ouvriers au moins et deux responsables syndicaux ont été blessés suite à cette agression policière.

Le ministère de l’Intérieur du vice-premier ministre Angelino Alfano a réagi à cet indicent en falsifiant les faits et en accusant les travailleurs de vouloir occuper la principale gare ferroviaire de Rome.

Le jour de la manifestation, le secrétaire général du Fiom, le syndicat des métallurgistes, Maurizio Landini, qui fut blessé lors de l’attaque, avait invité Renzi à « dire un mot » sur la répression, mais le premier ministre n’a rien dit sur l’incident.

Cependant, les dirigeants syndicaux, dont Landini et la secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail (CGIL) Susanna Camusso, ont rencontré Renzi le lendemain de l’assaut policier, démontrant en pratique le soutien continu apporté par les syndicats au gouvernement soi-disant de « centre-gauche. »

« Il doit présenter ses excuses aux travailleurs, » a dit Landini en ajoutant aussitôt, « Nous ne demandons à personne de démissionner. »

Camusso a fait savoir que son syndicat avait l’intention de « ne pas changer le gouvernement mais d’obtenir plutôt une politique pro-ouvrière. »

L’attaque policière du 29 octobre fut suivie samedi dernier d’une manifestation de masse à Rome contre la politique d’austérité de Renzi. Cette manifestation fut menée par les travailleurs du secteur public en opposition aux « réformes » pro-marché du gouvernement. Elle faisait suite à une manifestation tenue il y a deux semaines et qui avait rassemblé dans la capitale un million de travailleurs venus des quatre coins d’Italie.

Des responsables syndicaux ont dit que 100.000 personnes avaient défilé samedi de la Piazza della Republica vers la Piazza del Popolo pour revendiquer une importante augmentation de salaire et des effectifs supplémentaires pour le service public où les salaires sont gelés depuis six ans. Sur les 3 millions de travailleurs du secteur public, 300.000, c’est-à-dire 10 pour cent, ont été licenciés. Un manque de personnel et des cadences de travail infernales sont la norme dans chaque hôpital, chaque école et dans les bureaux.

Durant le rassemblement, la CGIL de Camusso a réitéré ses précédentes menaces de grève générale. Elle a dit que la confédération syndicale soutiendrait un référendum sur l’annulation de la « réforme » des retraites introduite en 2011 par le gouvernement de technocrates de Mario Monti. La soi-disant « Legge Fornero » (réforme Fornero) a considérablement reculé l’âge de départ à la retraite et entraîné une hausse de la pauvreté chez les personnes âgées.

La direction de la CGIL envisage de coopérer avec la Ligue du Nord (Lega Nord) pour un référendum contre la réforme des retraites. La Ligue du Nord avait en tant que parti d’opposition initié cette proposition. Le parti est connu pour son racisme et son chauvinisme anti-immigration.

Des activistes de gauche ont jeté des pierres et s’en sont pris samedi à Bologne à la voiture du dirigeant de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, alors que le parti organisait une campagne raciste contre un campement de Roms.

Le premier ministre Renzi a réagi aux récentes actions de protestation en rendant la population responsable des problèmes du pays. Lors de l’inauguration d’un nouveau tunnel, il avait déclaré que l’Italie était « sortie du tunnel de l’inertie et de la résignation. » Il a encore une fois annoncé que les « réformes » de son gouvernement seraient rapidement mises en vigueur. Il a ajouté avoir l’intention de réformer la loi électorale avec le soutien de l’ancien premier ministre de droite, Silvio Berlusconi.

Renzi a déjà mis en oeuvre une soi-disant loi « Jobs Act » (une réforme du travail) qui supprime des protections de longue date pour les travailleurs licenciés. Elle fait partie d’un programme plus général exigé par les banques, l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire International (FMI) pour déréguler le marché du travail.

Le gouvernement envisage de poursuivre l’année prochaine le gel des salaires dans le secteur public et de réduire une fois de plus drastiquement les dépenses consacrées aux services publics. Le Jobs Act rend plus facile encore une élimination supplémentaire des emplois dans la fonction publique en permettant le recours aux contrats de travail intérimaire pour une durée de 35 mois. Ces mesures serviront à réduire davantage les salaires et à accélérer les cadences de travail.

Les responsables des trois principaux syndicats – Camusso de la CGIL, Annamariat Fulan de la Confédération italienne des syndicats de travailleurs (CISL) et Carmelo Barbagallo de l’Unione italiana del Lavoro (Union italienne du travail, UIL) – se sont adressés samedi à la foule rassemblée sur la Piazza del Popolo. Ils n’ont nullement l’intention d’organiser une opposition sérieuse visant la politique du gouvernement. Au contraire, ils cherchent à contenir et à désamorcer une opposition de masse en appelant des manifestations tout en faisant pression sur Renzi pour que celui-ci implique les syndicats plus directement dans l’élaboration de la politique gouvernementale.

Ces mêmes fonctionnaires avaient salué l’arrivée au pouvoir de Renzi il y a six mois. Un grand nombre de ses « réformes » furent conjointement préparées par les syndicats et l’organisation patronale Confindustria. La principale crainte des responsables syndicaux est que les attaques perpétrées par le gouvernement ne déclenchent une opposition sociale qu’ils ne seraient pas en mesure de contrôler et d’étouffer.

La crainte est justifiée. En raison de la profonde crise économique, le taux officiel du chômage des jeunes de 45 pour cent, l’accroissement de la pauvreté et les relations sociales ont atteint un point de rupture. Durant les premiers neuf mois de cette année, un million de travailleurs ont commencé un travail intérimaire, la majorité d’entre eux sur la base de contrats ne garantissant pas un nombre minimum d’heures de travail. Ils perçoivent leur revenu de la Cassa Integrazione (caisse d’allocations aux chômeurs) qui doit être supprimée dans le cadre du Jobs Act.

En raison d’une météo extrêmement mauvaise dans le Nord de l’Italie et qui a causé des inondations, des dégâts et la mort de quatre personnes, des manifestations spontanées ont éclaté contre des politiciens auxquels il fut reproché de négliger de façon inadmissible le bien-être de la population. A Carrare, la mairie fut occupée. Des centaines d’habitants qui avaient tout perdu dans les inondations et suite à la grêle ont exigé la démission du maire.

Lors de l’inauguration d’un nouveau site de production pour le constructeur aéronautique Piaggio Aero près de Gênes, le premier ministre Renzi fut confronté à des protestations imprévues de la part des travailleurs. Ceux-ci l’ont reçu avec des pancartes et des mots d’ordre. Ils protestaient contre la délocalisation de davantage de services et la suppression de 400 emplois.

Les salariés d’une filiale d’Alcatel à Vimercate étaient tellement en colère contre les licenciements que le premier ministre fut contraint de sortir par une porte dérobée pour éviter les insultes et les accusations des travailleurs.

Les indications sont nombreuses que les travailleurs sont en quête d’un autre moyen pour lutter indépendamment des partis politiques traditionnels et des syndicats officiels. La CGIL, la plus grande confédération syndicale, avait publié le 14 octobre une étude pour montrer que les travailleurs faisaient encore confiance aux syndicats. Mais l’étude indiquait en fait le contraire.

Il en est sorti que 45 pour cent des travailleurs non syndiqués et 23 pour cent des membres d’un syndicat pensaient que les syndicats ne servaient à rien. En cas d’un conflit de travail, seuls 36 pour cent des travailleurs non syndiqués ont dit vouloir s’adresser aux syndicats. Quarante-trois pour cent ont dit vouloir faire appel aux tribunaux. Seul 1 pour cent a dit vouloir se référer aux partis politiques.

(Article original paru le 12 novembre 2014)

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