Le réarmement de l'OTAN augmente le risque de guerre en Europe

Le réarmement de l'OTAN en Europe de l'Est prend de plus en plus la forme de préparatifs de guerre ouverts contre la Russie et accroit le risque d'une guerre nucléaire entre les puissances occidentales et Moscou. 

L'alliance militaire occidentale a achevé vendredi 10 avril une première mise à l’épreuve de sa nouvelle force de réaction ultra-rapide, la Very High Readiness Joint Task Force (VJTF – Forces interarmées à très haut niveau de préparation). Dans le cadre des manœuvres « Noble Jump » [noble bond] on a testé la chaîne de commandement depuis le siège de l'OTAN en Belgique, via le commandement de l'OTAN à Naples, le Corps germano-néerlandais à Münster, et des unités stationnées en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège et en République tchèque. Il y a eu des mouvements de troupes aux Pays-Bas et en République tchèque. 

L'exercice fait partie du réarmement militaire systématique de l'OTAN en Europe de l'est suite au coup pro-occidental en Ukraine et à l'offensive militaire ultérieure de Kiev dans l'est du pays. 

Des chefs d'État et de gouvernement occidentaux ont convenu de la mise en place de la VJTF au sommet de l'OTAN en septembre dernier au Pays de Galles. Elle appartient à la Force de réaction de l'OTAN (NRF), la force de réaction rapide de l'Alliance atlantique, dont les effectifs ont été doublés au début de février et atteignent présent 30.000 soldats. En cas d'urgence, le soi-disant « fer de lance » de la NRF, fort de 5.000 soldats, peut être opérationnel dans les 48 heures. 

Un total de 1.500 soldats ont participé aux manoeuvres, dont 900 pour la seule Allemagne. Le noyau de la NRF comprend le 371e bataillon d'infanterie de Marienberg, en Saxe. Selon l'Armée allemande, cette unité a participé aux manoeuvres et s'y est préparée à Marienberg. Le transfert du groupe de bataille en Pologne est prévu dans la deuxième partie de l'exercice « Noble Jump, » en mai. 

Sur son site web, la Bundeswehr (armée allemande) a diffusé une vidéo de propagande sur « le programme d'exercice exigeant » du bataillon, sous le titre « Des grenadiers prêts pour tous les scénarios ». Le texte qui accompagne la vidéo dit: « Ils vont en patrouille dans une zone de crise fictive, trouvent et désamorcent des bombes d'accotement, tombent dans une embuscade et font leurs preuves dans la guerre urbaine. » La vidéo explique elle-même que les Panzergrenadiers doivent « être prêts pour tous les scénarios de crise... comme élément de la réaction rapide de l'OTAN aux crises. » 

Les principaux dirigeants militaires de l'OTAN ne font pas mystère du fait que l'un de ces « scénarios » est une guerre contre la Russie. « Le scénario concerne les pays baltes.Vous pouvez imaginer le contexte vous-même », a déclaré le major-général tchèque Jiri Baloun, selon des informations des médias. 

Le commandant de l'OTAN en Europe, le général Philippe Breedlove, s'est félicité dans un communiqué officiel du fait que: « les planificateurs militaires de l'OTAN ont travaillé sans relâche pour améliorer la Force de réaction de l'OTAN et porter les Forces interarmées à un très haut niveau de préparation [VJTF], et aujourd'hui nos progrès se manifestent dans les déploiements rapides que nous voyons se produire à certains endroits dans toute l'Alliance ». Ces mesures étaient

« défensives », mais un signe clair que « notre alliance a la capacité et la volonté de répondre aux défis de sécurité émergents sur nos flancs sud et oriental ». 

En réalité, l'étendue et la poussée de l'exercice de l'OTAN indiquent clairement qu'elles sont tout sauf « défensives » et dirigées principalement contre la Russie. Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung, « Noble Jump » est seulement « une parmi au moins 200 manœuvres de l'OTAN prévues cette année. »

Sur son blog « Eyes Straight Forward » [regarder droit devant soi], le journaliste militaire Thomas Wiegold a compilé une « liste des exercices multinationaux à venir... auxquels participe la Bundeswehr cette année principalement pour ce qui est de l'OTAN-Est et du renforcement de la dissuasion face à la Russie. »

Parmi eux il y a: « Présence persistante 15 », une série de manœuvres sur toute l’année en Pologne et dans les États baltes; « Falcon Viking », un exercice de déploiement longue distance pour les VJTF provisoires; « Noble Jump »; « Steadfast Javelin » en Estonie; « Saber Strike 2015 » en Pologne, Estonie, Lettonie et Lituanie; « Iron Wolf » en Lituanie; « BALTOPS 2015 », un exercice naval américain dans la mer Baltique; « Swift response » en Allemagne, Italie et Bulgarie; et « Silver Arrow» en Lettonie.

Le point culminant sera la « Supermanœuvre » Trident Juncture, qui se déroulera en Italie, au Portugal et en Espagne entre le 28 septembre et le 6 novembre. Cette manœuvre, en cours de préparation par la «Direction du commandement des opérations multinationales » de la Bundeswehr à Ulm est, selon les informations de l'OTAN « la plus grande opération de l'OTAN depuis la fin de la guerre froide » et un exercice de guerre à grande échelle contre la Russie.

Officiellement, au moins 30.000 soldats de toutes les armes seront mobilisés, y compris 3.000 de la Bundeswehr. Mais on parle déjà en interne d’une participation de 35.000 soldats. « Si la situation politique est propice, les Américains vont également envoyer un porte-avion – qui constitue à lui seul déjà 5.000 hommes », a déclaré dans le tabloïd Bild le lieutenant-colonel Harald Kammerbauer, le porte-parole du commandement à Ulm.

Selon le script officiel de l'OTAN, il s’agit dans cette manœuvre « d’une guerre de frontières » dans la région fictive de Cerasia, qui « doit être arrêtée avant qu’elle ne s’étende à l'ensemble de la région ». Kamon, « le pays agresseur dans la région, refuse l'arbitrage international et envahit Cesaria par le sud afin de saisir des barrages clés en Lakuta, prise au dépourvu et mal préparée pour contrer l'invasion. »

Le scénario, appelé Sorotan, « envisage un face-à-face en Cerasia orientale et une foule de problèmes, notamment une instabilité régionale croissante, la violation de l'intégrité territoriale et une situation humanitaire qui se détériore. »

Bien que le scénario se joue en Afrique, il ressemble à s’y méprendre à un modèle pour une éventuelle intervention de l'OTAN contre la Russie en Ukraine

Le commandant Tristan Lovering, de la British Navy, a déclaré que le scénario était « une bataille pour le narratif ». La « dictature militaire agressive de Kamon, avec ses forces par procuration et ses systèmes de missiles sol-air, mène une guerre hybride dans la région, tout en procédant simultanément à un narratif négatif de ‘communication stratégique’ qui cible son propre peuple et l'opinion internationale ».

C’est exactement la propagande que l'OTAN utilise pour cibler la Russie. Bien que ce soit l’OTAN qui ait provoqué le conflit en Ukraine et ait encerclé militairement la Russie, elle accuse Moscou de mener une « guerre hybride » s’appuyant sur les « séparatistes pro-russes » dans l'est de l'Ukraine et de menacer toute la région.

Le lieutenant-général allemand Richard Rossmanith, commandant du « Commandement multinational » d’Ulm, a indiqué sans ambiguïté contre qui était dirigée cette manœuvre. « Il est vrai que relativement indépendamment du lieu où l'exercice est organisé il a des messages stratégiques, en termes de performance, sur ce que l'Alliance peut faire », a-t-il dit; il a ajouté sur un ton menaçant, « Et il est sûr que ce message sera reçu par Monsieur Poutine ».

Le président russe avait récemment accusé l'OTAN d'essayer de changer en sa faveur l'équilibre militaire en Europe et de mettre en danger l'équilibre nucléaire. Mais « personne n'a été en mesure de nous intimider ou de faire pression sur nous », a-t-il menacé, et il a annoncé que les dirigeants de Moscou « réagiraient en conséquence » à de telles expériences.

Pour dompter la Russie et faire respecter leurs intérêts géostratégiques et économiques en Europe de l'Est et en Asie, les puissances impérialistes sont prêtes à risquer le danger d'une guerre nucléaire. Dans le cadre de l'opération «Atlantic Resolve» (détermination atlantique), qui sert principalement à accroître le soutien militaire aux pays d’Europe de l’est membres de l’OTAN, l'Alliance occidentale intensifie actuellement ses patrouilles aériennes au-dessus les États baltes.

Un article récent de l'AFP illustre comment pendant des vols d'entraînement, des avions de combat américains ont, visibles de la frontière russe, simulé le largage de bombes. L’article met en garde contre les dangers de « rodomontades ». Chaque camp pourrait mal interpréter une action de l'adversaire, donnant lieu au « déclenchement d'un conflit entre deux puissances qui possèdent d’importants arsenaux nucléaires ».

L'article intitulé « Les jeux de guerre américano-russes ravivent les tensions de la Guerre froide » cite Ian Kearns, directeur du groupe de réflexion Réseau de Leadership européen, basé à Londres: « On joue maintenant à un jeu dangereux de corde raide militaire en Europe ... Si un commandant ou un pilote fait une erreur ou prend une mauvaise décision dans cette situation, nous pouvons avoir des victimes et un cycle d’escalades à haut risque qu’il sera difficile d’arrêter ».

(Article original paru le 11 avril 2015)

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