Perspectives

L’impérialisme « humanitaire » de Washington démasqué

Le gouvernement Obama a annoncé mardi la reprise des livraisons d’armes à la dictature militaire en Egypte, à commencer par le transfert de 12 avions de chasse F-16, de missiles et de pièces détachées nécessaires à la construction de 125 chars. Lors d’un appel téléphonique passé au dirigeant égyptien, le général Abdel Fattah al Sissi, Obama a promis de reprendre le versement annuel de $1,3 milliards d’aide militaire.

La Maison Blanche n’a même pas tenté d'affirmer que l’Egypte avait « fait des progrès crédibles vers la formation d’un gouvernement civil inclusif et démocratiquement élu » – la condition nécessaire à la levée du moratoire sur l’aide militaire imposé en octobre 2013. Il s’est référé à une dérogation approuvée à la fin de l’année dernière par le Congrès, annulant cette disposition.

La reprise de l’aide militaire à l’Egypte répond « aux intérêts de sécurité nationale des Etats-Unis, » déclare un communiqué publié par la Maison Blanche. Obama a dit à al Sissi que l’Egypte et les Etats-Unis devaient « redéfinir leur relation en matière d’assistance militaire pour qu’elle soit mieux à même de relever les défis communs auxquels sont confrontés les Etats-Unis et l’Egypte… »

Washington ne pouvait même pas prétendre que l’Egypte évoluait vers la démocratie. Le régime sanguinaire d’al Sissi n’a pas adouci d’un iota sa répression meurtrière. Depuis son arrivée au pouvoir, il a brutalement réprimé toute manifestation. Les adversaires politiques sont roués de coups, tués, ou arrêtés en masse. Selon un rapport, plus de 41.000 personnes ont été emprisonnées depuis le coup qui a renversé le président islamiste, Mohamed Morsi. Plus d’un millier d’opposants politiques ont été condamnés à mort.

La reprise des livraisons d’armes à l’Egypte n’est survenue que deux jours après l’annonce faite par le ministre de l'Intérieur ukrainien, Arsen Avakov, que le Pentagone commencerait à entraîner les milices droitières de la Garde nationale organisée par le régime de Kiev, y compris le bataillon fasciste Azov. Cette milice, fondée et dirigée par des néonazis, joue un rôle clé dans le guerre en Ukraine de l’Est contre les séparatistes pro-russes.

Il ne s’agit là que de deux des chefs d'accusations les plus accablants contre l'affirmation que la politique étrangère américaine défend les « droits de l’homme ». Avec toujours plus d'impudence, les Etats-Unis servent de fer de lance du militarisme et de la réaction. Cherchant à asseoir leur domination mondiale par la force, ils soutiennent les régimes les plus brutaux.

La reprise des envois d’armes à l’Egypte est dictée à court terme par la guerre aérienne menée contre le Yémen par l’Arabie saoudite, soutenue par Obama. L’Egypte et l’Arabie saoudite ont annoncé des projets pour une éventuelle invasion terrestre et pour une intensification des bombardements pour expulser les forces Houthi appuyées par l’Iran. L’équipement militaire supplémentaire que Washington envoie en Egypte serait certainement utilisée lors d’une telle attaque terrestre.

Les deux alliés des Etats-Unis dans cette offensive en résument le caractère. La brutalité du régime égyptien n'est égalée que par celle de la monarchie saoudienne, qui gouverne le pays d’une main de fer, décapite régulièrement les condamnés, et achemine des fonds vers al Qaïda et d’autres groupes islamistes qui participent à la guerre par procuration américaine en Syrie.

En Ukraine, le soutien ouvert pour les forces fascistes est la marque de fabrique de l’opération qui a débuté en février dernier avec le renversement du président pro-russe. Ce coup fut mené par les Etats-Unis avec l'aide du parti néonazi Svoboda et du Secteur droit. Washington s’appuie partout en Europe de l’Est sur des forces et des régimes de droite, nationalistes, racistes et antisémites pour mener leur offensive diplomatique militaire et économique pour isoler, saper et, finalement démanteler la Russie.

A l’autre bout du monde, au Honduras, le régime pro-américain de Juan Orlando Hernández fait régner la terreur à l’aide d’escadrons de la mort qui s’en prennent aux étudiants qui manifestent contre les coupes massives dans le budget de l’éducation, contre les enlèvements, la torture et le meurtre d'au moins quatre jeunes gens. Hernández avait succédé au président Porfirio Lobo, installé au pouvoir en 2009 par un coup d’Etat appuyé par les Etats-Unis.

Les Etats-Unis versent chaque année des dizaines de millions de dollars à la police et à l’armée honduriennes, dirigées par un régime que le magazine Foreign Policy a qualifié dernièrement de « cloaque corrompu et mafieux ». Hernández et Lobo ont guidé le développement de milices policières étroitement liées aux trafiquants de drogue et encouragé l’armée à s'impliquer dans la répression interne.

La coopération de la police, de l’armée, des escadrons de la mort et de trafiquants de drogue – financés par Washington – s'étend à travers l'Amérique latine, en particulier au Mexique. L’ensemble de l’Etat mexicain est complice du meurtre l’année dernière de 43 étudiants ; l’envoyé spécial de l’ONU sur la torture a déclaré au début du mois que le recours à la torture s’était « généralisé » dans tout le pays. Ceci n’a influé pas négativement sur le soutien apporté par Obama au gouvernement du président mexicain Peña Nieto, qui impose des « réformes » économiques visant à ouvrir le secteur énergétique au capital étranger.

L’on pourrait citer des dizaines d’exemples identiques. L’aristocratie financière américaine exporte le sang, la boue et la criminalité ancrés partout où elle cherche à dominer. Aucune région du monde n’est épargnée.

Dès le début de la montée de l’impérialisme américain, la classe dirigeante a cherché à formuler ses ambitions prédatrices dans un langage de « paix », des « droits de l’homme » et de « valeurs américaines ». Comme le remarquait Trotsky en 1924, « l’Amérique libère toujours quelqu’un. C’est, en quelque sorte, sa profession. » Pourtant, à aucun autre moment les justifications idéologiques pour cette agression n’ont été aussi creuses.

Un dernier point. La révélation de plus en plus évidente de la criminalité de l’impérialisme américain coïncide avec un nouveau virage à droite des organisations de la classe moyenne aisées – des partisans libéraux et de pseudo-gauche du gouvernement Obama.

Ceux qui jadis s’étaient présentés comme des « anti-guerre » ont profité de l’élection d’Obama pour se ranger derrière l’impérialisme américain, en soutenant, entre autres, des guerres en Libye, en Egypte, en Syrie, en Ukraine et en Irak. Ils ont rejoint le mouvement de « l’impérialisme humanitaire » au moment précis où celui-ci est exposé de manière décisive devant la population des Etats-Unis et du monde entier.

(Article original paru le 2 avril 2015)

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