L'accord de sauvetage pour la Grèce met en évidence la monumentale trahison de Syriza

Le Premier ministre Alexis Tsipras a signé un accord qui transforme la Grèce en une colonie de fait de l'Union européenne et soumet le pays aux diktats de l'Allemagne. 

Ce qui reste de l'économie grecque, ses actifs les plus précieux surtout, doit être pillé pour qu'Athènes puisse continuer à rembourser les prêts de l'UE, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international. 

La Grèce va être placée sous contrôle direct de fonctionnaires de l'UE. Le rôle du parlement grec sera d'entériner le transfert à Bruxelles et à Berlin de la véritable autorité. Il a jusqu'à aujourd’hui pour passer une série de lois mettant en œuvre les exigences de l'impérialisme allemand et de l'UE. 

Syriza, élu il y a à peine six mois sur la base d'une promesse de mettre fin à l'austérité, va approuver à une large majorité de ses députés des mesures qui vont bien au-delà de celles approuvées par le gouvernement de Nouvelle Démocratie et du PASOK, qu'il a remplacé. 

Quelques jours seulement après le soutien de deux tiers de l'électorat pour un «non» à de nouvelles coupes, Tsipras fait des plans pour former une alliance avec les partis ayant fait campagne pour le «oui» et pour mettre le peuple grec à la merci de l'impérialisme allemand. L’histoire s’en souviendra comme de l'équivalent au début du 21e siècle des dirigeants collaborationnistes de la Seconde Guerre mondiale Pétain et Quisling. 

En échange de l'imposition d'une austérité permanente et plus brutale à des millions de travailleurs ayant déjà terriblement souffert des diktats de l'UE et des banques, Tsipras n'a obtenu pour aujourd’hui que la réalité de la dictature financière et pour demain, des promesses vides. 

Le document des dirigeants de la zone euro est extraordinaire. Il a fallu 17 heures pour le formuler, non pas parce que Tsipras montait une lutte de dernière minute pour s’y opposer, mais parce que l'Allemagne a insisté pour que les termes de la reddition soient formulés dans le moindre détail. 

La proposition de « dépolitiser l'administration grecque » signifie que toutes les décisions sur les mesures d'austérité et les privatisations relèveront de la compétence d’inspecteurs désignés par l'UE. Ces agents pourront opposer leur veto à toute législation future et la législation adoptée par Syriza depuis sa prise de fonctions et qui sera jugée contraire aux termes de la nouvelle convention d'austérité, sera annulée. 

Il ne reste en tout cas rien des « lignes rouges » de Syriza sur la fiscalité, les retraites, le marché du travail et la privatisation. 

Le « programme de privatisation accru de façon significative avec une gouvernance améliorée » signifie que des « actifs grecs de valeur seront transférés à un fonds indépendant qui monétisera (vendra) ces biens ... » Le fonds sera géré à partir d'Athènes, mais « sous la supervision des institutions européennes compétentes. » 

Le document appelle également à « des réductions de dépenses quasi-automatiques en cas d'écarts par rapport à des objectifs d'excédent primaire ambitieux » -- ce qui veut dire que la Grèce devra lever davantage de recettes que le gouvernement ne dépense chaque année, même après paiement des intérêts sur sa dette. 

La précision des mesures économiques attendues est extraordinaire et comprend des stipulations pour « le commerce du dimanche, les périodes de soldes, les propriétaires de pharmacies, le lait et les boulangeries ... les médicaments en vente libre, » ouvrant les professions « macro critiques fermées (par exemple, le transport par ferry) », « la privatisation de l'opérateur de réseau de transmission d'électricité, » et plus encore. 

Les mesures attaquant directement la classe ouvrière, dont la restriction des négociations collectives et du droit de grève et l'éviscération des protections contre les licenciements, sont regroupées sous le titre « Libéralisation du marché du travail. » Elles comprennent « un examen rigoureux et la modernisation de la négociation collective, des mouvements sociaux et, en conformité avec la directive et la pratique optimale de l'UE, les licenciements collectifs ».

Le parlement doit également accepter « la rationalisation du système de TVA et l'élargissement de l'assiette fiscale pour accroître les recettes », une augmentation de l'âge légal de la retraite à 67 ans d'ici 2022 et l'élimination progressive de l'aide aux retraités les plus pauvres d’ici la fin de 2019.

La proposition initiale de l'Allemagne était que le nouveau fonds de privatisation soit administré à partir du Luxembourg, à travers une banque d'investissement sous contrôle allemand. L'autre « concession » supposée à la Grèce est que le chiffre indiqué de €50 milliards pour la valeur du fonds sera réparti de sorte que 50 pour cent aillent vers la recapitalisation des banques grecques, 25 pour cent au remboursement des créanciers de la Grèce et 25 pour cent aux investissements en Grèce.

Ceci est salué par Tsipras comme preuve que son engagement était « un combat qui, au bout du compte, sera justifié ». Il a encore dit que « nous avons empêché le transfert des biens publics à l'étranger, nous avons empêché l'asphyxie financière et l'effondrement du système financier [et] nous avons réussi à obtenir la restructuration de la dette et un processus de financement pour le moyen terme ».

Ce ne sont là que des mensonges

Les actifs seront toujours transférés hors du pays, seul l'emplacement de l'entreprise criminelle a été changé. En outre, à ce jour, la seule chose convenue est que la Grèce financera sa propre dette par des privatisations. Aucun financement externe n’a été prévu, seulement la promesse de négociations en vue d'un troisième plan de sauvetage.

La déclaration des chefs de gouvernement de la zone euro « souligne que des réductions modiques de la dette ne peuvent être entreprises », et que « les autorités grecques réitèrent leur engagement sans équivoque à honorer leurs obligations financières à leurs créanciers pleinement et en temps voulu ».

Tout ce qui est effectivement promis par les dirigeants de la zone euro est « d’envisager, si nécessaire, d'éventuelles mesures supplémentaires » tels que « des délais de grâce et de paiement plus longs ».

La déclaration « prend note de possibles besoins de financement de programmes entre €82 et €86 milliards, tel qu’évalué par les institutions ». Mais aussitôt elle « invite les institutions à explorer la possibilité de réduire l'enveloppe de financement, à travers une politique fiscale alternative ou plus des recettes provenant des privatisations ».

En d'autres mots, l’actuelle tournée de démembrement d’actifs n’est qu’un début. Comme le fait remarquer Larry Elliott dans le Guardian, « En vérité, il n'y a pas la moindre perspective permettant à la Grèce de collecter €50 milliards par des privatisations dans les trois prochaines années. L’objectif de €50 milliards a été annoncé pour la première fois en 2011; depuis, la valeur du marché boursier grec a chuté de 40 pour cent, ce qui réduit beaucoup la valeur de ses actifs. Au cours des quatre dernières années, les recettes de privatisation ont recueilli un peu plus de €3 milliards ».

Le document « prend note » également des « besoins urgents de financement » de la Grèce de l’ordre de €7 milliards dès le 20 juillet et de 5 milliards en août. C’est en échange de cette somme initiale que Tsipras a été chargé de mettre son gouvernement au pas, ou, ce qui est plus probable, d’initier une lutte qui finira par la formation d'un gouvernement d'unité nationale.

Son délai pour cela et pour l’acceptation par le parlement des hausses de TVA, des modifications des retraites, de l'indépendance de l’Institut des statistiques nationales et des mesures de « consolidation fiscale » du pays est ce soir. Avant cela, la Banque centrale européenne a accepté de ne maintenir que les € 89 milliards de financement d’urgence des banques grecques, celles-ci restant fermées et le pays sous rationnement jusqu'à ce qu'il fasse comme on lui a dit.

Si un accord était conclu sur ces termes, la dette globale de la Grèce passerait à environ €400, c'est-à-dire 200 pour cent du produit intérieur brut comparé à 175 pour cent actuellement. Le FMI a admis plus tôt ce mois-ci que même la dette précédente était insoutenable et ne pouvait jamais être remboursée.

Tsipras a déjà perdu sa majorité parlementaire une fois. En coalition avec les nationalistes de droite Grecs indépendants, il comptait 162 sièges sur 300. Mais huit députés de Syriza se sont abstenus, deux ont voté «non», et sept se sont absentés lors du vote de vendredi pour approuver les négociations juste conclues.

Les Grecs indépendants ont dit qu'ils ne soutiendraient pas l'accord, mais resteraient dans le gouvernement. Cependant, cela pourrait évoluer.

En outre, pour tenter de sauver leur réputation en lambeaux, il se peut qu’une partie ou toute la Plateforme de Gauche de Syriza votent par prudence, contre les propositions, ce qui conduirait probablement à leur expulsion par Tsipras. Dans ces conditions, il se peut que Tsipras propose à To Potami et à PASOK de former un nouveau gouvernement avec lui ou de former, avant de nouvelles élections législatives, une administration d'unité nationale incluant Nouvelle Démocratie.

L'envergure même de l'assaut mené contre ​​les travailleurs va inévitablement provoquer une opposition de masse dirigée contre la trahison de Syriza. Anticipant la réaction qui va se développer, ADEDY, la confédération syndicale des fonctionnaires de l’Etat, a appelé pour aujourd’hui à une grève de 24 heures contre les réformes économiques sur lesquelles le parlement doit voter ce jour même.

(Article paru en anglais le 14 juillet 2015)

 

 

 

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