La dévaluation chinoise attise les turbulences sur les marchés mondiaux

Les marchés financiers du monde entier étaient dans la tourmente mercredi et les investisseurs, les spéculateurs, les analystes et les experts tentaient d’évaluer l’importance et les conséquences de la dévaluation de la monnaie chinoise et de la mise en place d’un nouveau mécanisme pour déterminer son taux quotidien. Après une baisse de 2 pour cent, mardi, le taux du renminbi (également connu sous le nom de yuan) avait baissé de 1,6 pour supplémentaire cent le lendemain.

Les marchés ont plongé dans toute l'Asie et certaines devises ont atteint leur plus bas niveau depuis la crise financière asiatique de 1997-98. Le ringgit malaisien est tombé de 2 pour cent à son plus bas niveau depuis 1998 et la roupie indonésienne de 1,4 pour cent, son niveau le plus bas depuis 17 ans. Les dollars de Singapour et de Taiwan étaient également en baisse, tandis que la monnaie vietnamienne a baissé de 1 pour cent après que les autorités financières ont élargi à 2 pour cent la fourchette dans laquelle elle peut se négocier.

Les marchés boursiers d’Europe ont également baissé de manière significative, reflétant la crainte que la dévaluation du renminbi puisse signifier que le ralentissement de l’économie chinoise est plus grave qu’on ne pensait et que la chute de la monnaie n’ajoute aux pressions déflationnistes dans l’économie mondiale.

L’indice FTSE Eurofirst 300 a chuté de 2,7 pour cent, suivant la tendance à la baisse des marchés asiatiques, un changement qui s’est traduit dans d’autres indices. L’indice paneuropéen Stoxx Europe 600 a chuté de 2,7 pour cent, tandis que le DAX allemand, sensible au commerce international, a plongé de 3,3 pour cent sur fond d’inquiétudes que la décision de la Chine, qui déprécie ses produits, créera des conditions plus sévères sur des marchés d’exportation déjà très compétitifs.

Wall Street a commencé la journée en suivant cette tendance; le Dow a chuté jusqu’à 277 points après une baisse de 212 points la veille. Il s’est rallié en fin de séance pour terminer inchangé pour la journée.

La décision de dévaluer des autorités chinoises est motivée par un ensemble de facteurs. Un facteur importante était sans aucun doute la tentative de donner une impulsion aux exportations en réaction à la tendance à la baisse des mois précédents – les exportations ont baissé de 8,3 pour cent en juillet – et d’alléger la pression sur les entreprises chinoises due à la hausse de la valeur du renminbi. Cette année, la monnaie chinoise a augmenté de plus de 10 pour cent, suivant la tendance à la hausse du dollar américain.

Un autre facteur sont les efforts du gouvernement chinois d’inclure le renminbi dans un panier de monnaies utilisées par le Fonds monétaire international (FMI) pour définir la valeur de ses droits de tirage spéciaux. Mais l’une des conditions de cette inscription, qui permettrait de renforcer le rôle international du renminbi, est que sa valeur soit déterminée par les forces du marché plutôt que par règlementation.

La Banque populaire de Chine a ainsi cherché à présenter la dévaluation comme une démarche pour accroître l’influence du marché. Lorsqu’elle a annoncé la décision, elle a déclaré que, dorénavant, le point médian de la bande de 2 pour cent dans laquelle la monnaie peut se déplacer sur une seule journée serait le point le plus bas atteint au cours du négoce de la journée précédente. En outre, le taux de départ quotidien serait aligné sur « les conditions de la demande et de l’offre sur les marchés de change et le mouvement des grandes monnaies. »

On pense en général que le FMI est d’accord avec l’initiative d’inclure le renminbi comme monnaie de réserve mondiale, mais la décision définitive ne sera prise que plus tard cette année et aura besoin du soutien des États-Unis.

Une partie importante de la direction du Parti démocrate s’y est opposé. Le plus haut sénateur démocrate, Charles Schumer, de New York, qui a attaqué la dévaluation dès son annonce, a été rejoint hier par Sander Levin, le plus haut démocrate à la Commission des voies et moyens de la Chambre des députés. Ce dernier a affirmé que la Chine avait une tendance historique à dévaluer sa monnaie pour obtenir un avantage injuste à l’exportation et qualifié ses dernières actions de « très préoccupantes ». « Il y a des raisons d’être sceptique... sur le fait que la plus grande dévaluation de la monnaie chinoise en plus de deux décennies ne concerne que le déplacement vers un taux de change fondé sur le marché », a-t-il dit.

Si l’opposition américaine conduit à l’exclusion du renminbi du panier de devises du FMI, cela accroîtra les tensions entre les deux pays après l’effort intense mais finalement infructueux des Etats-Unis d’empêcher certains de leurs proches alliés de participer à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB), promue par la Chine plus tôt cette année.

Si quelques commentaires ont dit que la décision de la Chine revenait à intensifier la guerre monétaire mondiale dans laquelle les pays cherchent à augmenter leurs exportations en réduisant la valeur de leurs monnaies, l’estimation générale est que ce n’était pas là l’objectif du gouvernement chinois. Cette décision pourrait toutefois, avoir des conséquences non escomptées.

Écrivant dans le Financial Times, George Magnus, le conseiller économique principal d’UBS, a qualifié l’affirmation que la Chine avait ouvert un nouveau front dans la guerre des devises d’« exagération, surtout à la lumière des mesures politiques plus spectaculaires prises à la fois dans des pays avancés et les économies émergentes, par le passé. »

La Chine, a-t-il noté, doit vouloir abaisser son taux de change lentement, à la fois par peur qu’une chute trop rapide ne déclenche d’importantes sorties de capitaux et aussi parce qu’elle ne voudrait pas risquer d’opposition des autorités financières du FMI, du Trésor américain et d’autres gouvernements.

« Pourtant, la Chine a créé un précédent dangereux », a-t-il poursuivi. « Il est peu probable qu’il s’agisse d’une action unique et le nouveau régime de change n’aura sûrement pas la vie facile du fait d’une plus grande incertitude sur les marchés de change. »

Le risque que les événements prennent un tour surprenant a été bien illustré par le récent krach des marchés boursiers chinois, quand le gouvernement est intervenu pour freiner les prêts sur marge sur le prix des actions et pour dégonfler un peu une bulle financière en train de se créer, déclenchant une chute des marchés que le gouvernement n’a réussi à stopper qu’après une intervention de grande envergure.

Jusqu’à présent, le gouvernement chinois semble avoir obtenu un certain soutien tant de l’administration Obama que du FMI. Le Trésor américain a déclaré mardi que la décision était en ligne avec les efforts visant à rendre le taux de change plus « déterminé par le marché. » Il a été rejoint hier par le FMI qui a déclaré que le nouveau régime était « une étape bienvenue, car elle devrait permettre aux forces du marché d’avoir un plus grand rôle dans la détermination du taux de change. »

Cependant, comme le Trésor américain, le FMI a réservé son jugement définitif, disant que « l’impact exact dépendra de la façon dont le nouveau mécanisme sera mis en œuvre en pratique. »

Si le gouvernement et les autorités financières, en Chine comme à l’étranger, sont soucieux d’éviter tout ce qui peut déclencher une crise, leurs efforts pourraient être compromis à tout moment par les puissantes et constantes tendances à la récession dans l’économie mondiale.

L’économie chinoise ralentit rapidement et il y a des doutes considérables que l’augmentation du PIB approche le taux officiel de 7 pour cent par an. Les secteurs clés de l’économie, tels que l’immobilier et la construction, sont en baisse, des informations apparaissant selon lesquelles certains centres régionaux connaissent non seulement une croissance plus lente, mais une contraction pure et simple.

En juillet, l’investissement global dans les biens immeubles a augmenté de 11,4 pour cent, la plus faible augmentation en 15 ans. La production de ciment a chuté de 5 pour cent en volume le mois dernier et la production de verre plat a diminué de 13,5 pour cent.

Selon des informations de Reuters, la production d’acier brut a chuté de 4,6 pour cent en juillet par rapport à l’an dernier. L’agence note que l’affaiblissement de la demande du au ralentissement de la croissance chinoise « a fait chuter le prix de l’acier jusqu’à 26 pour cent depuis le début de l’année plongeant de nombreuses usines dans les pertes et les forçant à réduire la production ou d’en transporter plus sur les marchés étrangers. »

(Article paru d'abord en anglais le 13 août 2015)

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