Des soldats tirent sur les réfugiés qui tentent d’entrer en Macédoine

Des soldats et des policiers macédoniens ont tiré vendredi sur des milliers de réfugiés massés devant un poste frontalier, faisant plusieurs blessés. Cette attaque est intervenue un jour après que le gouvernement de Skopje a déclaré l'état d'urgence et dépêché des troupes à la frontière avec la Grèce pour endiguer le flux des réfugiés qui cherchent à rejoindre l’Europe du Nord en traversant les Balkans.

Après avoir bouclé la frontière avec des barbelés, les forces de sécurité macédoniennes, appuyées par des véhicules blindés, ont tiré gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et balles en plastic dans une foule où il y avait beaucoup de femmes et d’enfants. La police a tabassé des réfugiés à coup de matraques et de boucliers.

L’agitation a cru chez les réfugiés après que les autorités macédoniennes ont annoncé qu'elles permettraient à « un nombre limité de migrants illégaux parmi les plus vulnérables » de traverser la frontière et qu’elles laisseraient entrer quelques centaines de réfugiés, surtout des familles avec des enfants et des femmes enceintes.

L’annonce a intensifié les demandes de passage de la part des autres réfugiés, piégés dans un no man 's land le long de la frontière et dormant dehors, dans le froid et l'humidité, sans nourriture ni abri.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur macédonien Ivo Kotevsky a justifié l'assaut brutal sur des réfugiés sans défense. Les soldats et policiers étaient « stationnés sur ​​notre territoire et défendaient la frontière » a-t-il dit. L'objectif, était de «réduire au minimum le passage illégal de la frontière ».

Le gouvernement macédonien traitait les réfugiés « selon [ses] capacités » et l'Union européenne devait faire davantage pour aider à résoudre ce qui était un « problème mondial » a-t-il ajouté

L’intransigeance de la politique du gouvernement de droite du premier ministre Nikola Gruevski envers les réfugiés est perçue par beaucoup comme une tentative de diversion devant le tollé populaire croissant à propos d’un scandale d’écoutes téléphoniques massives et de la corruption endémique, en amont d’une prochaine élection.

La violence contre les réfugiés a été condamnée par des groupes de défense des droits de l'homme qui ont traité les actes de la Macédoine de violation du droit international.

« Les autorités macédoniennes réagissent comme si elles avaient affaire à des émeutiers plutôt qu’à des réfugiés ayant fui les conflits et la persécution», a déclaré le directeur adjoint d'Amnesty International Europe, Gauri van Gulik.

« Tous les pays ont le devoir de protéger ceux qui fuient la guerre et la persécution, et la Macédoine n’y fait pas exception», a ajouté M. van Gulik. « Lorsque le système n’y arrive pas, vous améliorez le système, vous n’empêchez pas bêtement les gens d'entrer ».

L'agence des Nations Unies pour les réfugiés a publié un communiqué déclarant qu'elle « était particulièrement inquiète au sujet des milliers de réfugiés et migrants vulnérables, surtout les femmes et les enfants, massés du côté grec de la frontière dans des conditions qui se détériorent ».

Beaucoup de réfugiés fuient la mort et la destruction créées par les interventions impérialistes au Moyen-Orient. Des 42.000 réfugiés enregistrés comme transitant par la Macédoine le mois dernier – le double du mois précédent – plus de la moitié venaient de Syrie, d’où la guerre de changement de régime soutenue par l'Occident a chassé quelque quatre millions de personnes.

Devant le poste frontalier macédonien plusieurs personnes tenaient des pancartes avec ce message, « Aidez-nous, en Syrie ».

« Nous sommes très en colère parce que la police nous avait dit qu'elle nous laisserait passer aujourd'hui. Nous ne sommes pas des animaux » a déclaré à l'AFP Jad, un Syrien de 25 ans.

Jacob, syrien lui aussi, a dit à l'Agence de presse, « Nous sommes pourchassés en Syrie parce que nous sommes chrétiens. Ils voulaient nous tuer. Pourquoi ne veulent-ils pas nous laisser passer ici »?

La Macédoine n’est que le tout dernier point chaud dans une campagne de mesures répressives lancées à travers l'Europe contre les réfugiés. Le gouvernement de Syriza en Grèce a lui aussi envoyé des policiers anti-émeute pour chasser du pays des réfugiés désespérés ayant traversé la Méditerranée et rejoint les îles grecques depuis la Turquie.

La Hongrie, pays de l'UE bordant les Balkans, a commencé la construction d'une barrière de quatre mètres de haut pour bloquer les réfugiés venant de Serbie. La Grande-Bretagne elle, a renforcé la sécurité dans le port de Calais pour empêcher les réfugiés de traverser depuis la France.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande doivent se réunir ce lundi à Berlin pour discuter la question des réfugiés. En amont de cette réunion, le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maiziere et son homologue français Bernard Cazeneuve ont appelé à une réaction accélérée et coordonnée au flux croissant de réfugiés lors d’une conférence de presse à Berlin jeudi.

« Il est inacceptable pour les institutions européennes de continuer à travailler au rythme où elles fonctionnent actuellement », a dit de Maiziere. Lui et son homologue français avaient convenu que l'UE devait aider l'Italie et la Grèce à mettre en place des « zones d'attente » pour emprisonner les réfugiés. Il a également demandé à la Commission européenne de faire pression sur les pays bordant l’UE pour qu’ils reprennent les réfugiés refusés d'asile ou expulsés de l'UE.

Une porte-parole de la Commission européenne a répondu aux critiques de Maizière en disant aux journalistes à Bruxelles que le problème ne provenait pas de l'UE, mais plutôt de ses gouvernements membres, qui n’ont pas soutenu les plans existants.

« Les propositions sont toutes sur ​​la table », a déclaré la porte-parole, Annika Breidthardt. « Il est temps que les Etats membres les adoptent ».

« Nous ne pouvons réussir qu’en coopérant et non en agissant les uns contre les autres », a-t-elle ajouté.

La construction d’une « forteresse Europe » pour refouler les réfugiés intensifie les conflits nationaux entre les différents pouvoirs européens. Les politiques divergentes envers les réfugiés et les nombres de réfugiés acceptés par chaque pays entraînent des récriminations de plus en plus vives.

Dans ce contexte, la droite et les éléments néo-fascistes mènent une campagne de plus en plus violente contre les réfugiés et les immigrés; des politiciens bourgeois appellent dans certains pays à l'abandon de l'accord de Schengen qui permet actuellement les déplacements dans l’UE sans visa.

(Article original publié le 22 août 2015)

 

 

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