Alors que passe l'échéance du contrat

Les travailleurs de l'automobile américains dénoncent le sabotage par l' UAW de leur lutte pour les salaires

Un jour s'est écoulé depuis l'expiration des contrats couvrant 141.000 travailleurs de l'automobile à General Motors, à Ford et à Chrysler Fiat. Ignorant le vote de grève de 98 pour cent des travailleurs, l'UAW (Syndicat des travailleurs de l'automobile), a laissé passer la date limite avec seulement une déclaration laconique sur Facebook. 

Alors que le contrat expirait, 37.000 travailleurs de Chrysler, désigné comme « cible de grève » par le syndicat la nuit avant – n'avaient aucune idée de si oui ou non ils devaient se présenter au travail pour les postes de minuit et du matin. Ce jour-là, diverses sections syndicales avaient donné des instructions de grève et préparé des pancartes pour les travailleurs qui voulaient débrayer. 

A 00h11 mardi la page Facebook du syndicat a publié une déclaration d'une seule phrase: «L'UAW et FCA US LLC [Chrysler] a annoncé ce soir qu'ils prolongeraient la convention collective existante heure par heure au fur et mesure que les négociations de 2015 continuent". 

Des travailleurs à travers le pays ont exprimé leur dégoût et leur détermination à lutter. Les entreprises enregistrent des bénéfices records, mais les travailleurs n'ont pas vu d'augmentation de salaire depuis plus d'une décennie. Des dizaines de milliers de travailleurs embauchés après 2007 travaillent pour des demi-soldes en vertu du système haï de salaires à deux vitesses. 

Il y a une génération, le refrain des travailleurs était « pas de contrat, pas de travail ». Aujourd'hui, pour l'UAW, c'est « pas de contrat, pas de problème» ; les prolongations de contrat pour aider l'entreprise sont devenues la norme. Lundi, GM et Ford ont également annoncé des prolongations de contrat, alors qu'ils travaillent avec leurs «partenaires de l'UAW » pour parvenir à des contrats «compétitifs». 

L'UAW suit le modèle perfide de syndicats à travers le pays, qui ont soit prolongé des contrats, soit forcé les travailleurs à travailler sans contrat afin d'éviter des grèves à US Steel, ArcelorMittal, Verizon, la Poste, et les écoles à Chicago, à Pittsburgh et à Détroit. Les syndicats, alliés avec le gouvernement Obama, qui a mis le travail à bas coût au centre de sa politique économique, cherchent désespérément à bloquer toute grève qui pourrait devenir un catalyseur pour un mouvement plus large de la classe ouvrière contre la montée de l'inégalité sociale. 

A travers le pays, les travailleurs étaient furieux. «Je crois que les travailleurs de Chrysler sont prêts pour une véritable lutte contre les pouvoirs qui bloquent une vie meilleure », a dit un travailleur de Chrysler de Kokomo, Indiana au WSWS. « Nous n'avons de pouvoir que par le nombre ». 

Il y a une crainte tangible dans le syndicat et les entreprises qu'une profonde colère parmi les travailleurs explose hors de contrôle. La section 862 de l'UAW à Louisville, Kentucky a envoyé un message aux travailleurs hier pour dire : «S'il vous plaît soyez patients et continuez à effectuer votre travail jusqu'à nouvel ordre » ! 

La section 685 à Kokomo dit aux travailleurs que s'il y a grève, « QUITTEZ L'USINE ET RETREZ CHEZ VOUS si vous n'avez pas été prévus pour participer au piquet ». Bref, l'UAW dit: n'occupez pas les usines, ceci empêcherait la direction de faire fonctionner les sites avec des briseurs de grève. 

« Je suis d'accord avec vos articles et je suis si écoeuré que je peux à peine retrouver mes esprits » a dit un travailleur de chaîne chez Ford Louisville au WSWS. « Il semble y avoir beaucoup de tension à l'usine. Tous les gens à qui je parle sont très en colère à propos du choix de la société qui doit faire grève ».

Les travailleurs considèrent le choix de Chrysler comme une indication que l'UAW se prépare à une capitulation. Un travailleur de l’usine GM à Marion a dit, « Est-ce qu'ils se moquent de nous? L'UAW choisit comme cible l'entreprise avec les résultats financiers les plus faibles et le plus de nouvelles embauches. Je vois où on va avec ce dernier plan voué à l’échec : pas d’augmentation pour les plus anciens employés. Je suis sûr qu'ils mettront fin aux salaires à deux vitesses en éliminant la catégorie supérieure ». 

Il y a aussi une opposition généralisée au plan de l'UAW de transférer les régime de santé à une coopérative contrôlée par l'UAW. Le journal procapitaliste Detroit News a salué le projet en écrivant un éditorial ce week-end intitulé «L’accord d'UAW doit limiter le coût des soins médicaux ». 

«C’est affreux », a dit un autre travailleur de Louisville. « Ils nous enlèvent tout. Comment les travailleurs ont-ils fait aux années 1930 ? Ils se sont organisés. Ensuite, ils ont obtenu un salaire égal pour un travail égal, puis des soins de santé. Maintenant, ils reprennent tout. C’est irréel ». 

«Je n’ai parlé avec personne dans l'usine qui veuille la coopérative de santé. Personne. Demandez à un retraité ce qu'il pense de la VEBA [coopérative de santé gérée par le syndicat]. Pourquoi pensez-vous que l'UAW veut nous mettre tous dans la coopérative? Ils en sont tous les administrateurs et ils obtiendront tous des avantages et des pots-de-vin de Wall Street. [Les négociateurs de l'UAW] Jewell, Settles et Williams, ils reçoivent des dessous de table et des salaires à six chiffres. Et si l’on nous donne une augmentation, ce régime de coopérative de santé va l’engloutir ». 

Le syndicat sait qu'il confronte une opposition généralisée ; c'est pourquoi il garde les travailleurs dans l’ignorance la plus totale quant aux négociations en cours. 

Un travailleur de montage à Chicago avec quatre ans d’ancienneté a déclaré: «On nous a dit plutôt rien sur l’accord. Je n’ai pas confiance en le syndicat et en la façon dont je suis représenté ». 

Un troisième ouvrier de l’usine de montage de Louisville a dit, « nous ne savons rien » sur les négociations, « mais je sais ce qui va arriver compte tenu des choses que j’ai lues. J’ai lu tous les articles de l Autoworker Newsletter (Bulletin du Travailleur de l'automobile) du WSWS et j’aimerais que tous les travailleurs les lisent. Il faut qu’ils le lisent tous ». 

Un ouvrier de GM Wentzville, Missouri a dit, « l'UAW prolongera chaque accord parce qu'ils n'ont pas l'intention de lutter contre les entreprises ».

Face à la montée de l'opposition, l'UAW collabore avec les entreprises afin d'escroquer les travailleurs et d'imposer une trahison de plus. Comme toujours, il utilisera la menace de fermetures d'usine et de licenciements de masse pour écraser l'opposition. Mais les divers accords sur «la sécurité de l'emploi » signés par l'UAW n’ont jamais sauvegardé un seul emploi. 

L'UAW tentera sans doute d'utiliser l’appât d’une prime ponctuelle pour imposer un accord pourri. Plus grande est la prime, pire est le marché conclu. Comme un travailleur de Louisville l'a dit, « On prend la prime pour rembourser la dette, et on accumule la dette jusqu'à la prochaine prime. Pour la plupart, nous sommes tous fauchés, on s'en sort, mais la vie est chère ». 

L’UAW pourrait aussi appeller à des grèves limitées, soit dans des usines isolées, soit d’une durée courte, ou les deux. « Les travailleurs de Toledo disent qu’ils débrayent à minuit », a dit le même travailleur de Louisville. « On a eu une grande discussion au déjeuner, on se dit que le syndicat choisira une seule usine au lieu de nous appeler tous à faire grève, comme cela devrait être le cas ». 

Un autre travailleur de Louisville a dit: « Tout le monde veut une grève, sauf nos soi-disant représentants syndicaux ». 

Les travailleurs de l’automobile doivent être prévenus: Même si le syndicat appelait à une grève, ce ne serait qu'une manœuvre cynique servant de défouloir afin de ranimer sa propre crédibilité, tandis qu'en coulisse, il préparerait une autre trahison monumentale. Il a fait un tel coup en 2007, avec une fausse «grève de Hollywood » de deux jours chez GM, et une grève de six heures chez Chrysler. Ils ont ensuite signé l'accord qui a créé le système de salaires à deux vitesses et la coopérative VEBA. 

Les travailleurs doivent enlever le contrôle de cette lutte des mains de l'entreprise et des agents gouvernementaux dans l'UAW. Le Parti de l'égalité socialiste appelle à la formation de comités d'action de base, contrôlés démocratiquement par les travailleurs et libres de l'autorité de l'UAW et des politiciens bourgeois. Ces comités doivent se battre pour une action unie de tous les travailleurs aux États-Unis pour récupérer des décennies de la perte de salaire et lier cette lutte avec celles des travailleurs au Mexique, au Canada, en Europe, en Asie et dans le monde entier. 

(Article paru en anglais le 15 septembre 2015)

 

 

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