A une semaine des élections, coude à coude des conservateurs grecs et de Syriza

A une semaine des élections anticipées fixées au 20 septembre par le premier ministre Alexis Tspiras lors de sa démission le mois dernier, le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) progresse dans les sondages. Un sondage de MRB montre que Syriza (Coalition de la gauche radicale) ne mène plus qu’avec 25,9 contre 25,5 pour cent au ND. Trois autres sondages révèlent un écart de moins d’un point entre Syriza et le ND.

Ce dont on voit le dénouement en Grèce se sont les conséquences politiques de la trahison des promesses électorales de Syriza de mettre fin à la politique d’austérité imposée par l’Union européenne. Il y a neuf mois, Syriza était propulsé au pouvoir après que le gouvernement Nouvelle Démocratie, discrédité au bout de deux ans, s’est vu confronté à une vague montante de protestations étudiantes et de grèves. Hésitant à imposer un nouveau plan d’austérité de l’UE face à l’opposition de masse, ND avait appelé à de nouvelles élections.

La victoire électorale de Syriza en janvier et l’écrasante majorité du « Non » à l’austérité de l’UE au référendum du 5 juillet, semblait avoir porté des coups à ND, un instrument détesté du capital financier et l’héritier des partisans de la junte militaire grecque (1967-1974) soutenue par la CIA. Après le référendum, l’ancien premier ministre Antonis Samaras s’était vu obligé de démissionner de son poste de dirigeant du ND.

A chaque étape cependant, la politique anti-ouvrière de Syriza, reflet du soutien à l’UE de sa base sociale dans la classe moyenne aisée, a donné à ND le moyen de se regrouper. Syriza avait d’abord signé en février un accord prévoyant l’extension du mémorandum d’austérité de l’UE. Ensuite, le 13 juillet, il avait répudié les résultats du référendum du 5 juillet et imposé un plan d’austérité de l’UE en échange d’un renflouement sans précédent à hauteur de plusieurs milliards d’euros, dicté par Berlin.

Après la démission de Tsipras le 27 août, les médias ont pensé qu’il avait convoqué des élections anticipées parce qu’il était resté populaire par rapport au ND. Qu’il pourrait, avait-on suggéré, organiser des élections anticipées comme une manœuvre, avant que ses mesures d’austérité ne commencent à frapper l’opinion publique et à saper sa popularité, dans l’espoir de renforcer sa majorité parlementaire avant d’être confronté à l’opposition populaire au renflouement.

Mais alors que les électeurs contemplaient la perspective de coupes profondes dans les retraites, de hausses des taxes de vente et d’autres attaques sociales imposées par le soi-disant gouvernement de la « gauche radicale », Syriza commença à voir disparaître son soutien. L’écrasante opposition à l’austérité dans la classe ouvrière ne peut s’exprimer dans ces élections, ni à travers aucune section de l’establishment politique grec. L’une des manifestations de cette impasse pour la classe ouvrière est la relance de ND.

Comme Syriza et ND mènent des campagnes qui soutiennent le plan d’austérité de l’UE, il y a peu de différence entre les deux partis. La critique par Syriza du bilan réactionnaire de ND d’imposition de l’austérité de l’UE, manque de crédibilité étant donné qu’il a lui, imposé un sauvetage encore plus brutal.

« Nouvelle Démocratie est avec l’Europe de M. Schäuble [ministre allemand des Finances]. Nous sommes avec les forces qui veulent un changement social et le désengagement des doctrines néolibérales, » a dit hier Tsipras au quotidien Ethnos.

Non seulement Tsipras est « avec l’Europe de M. Schäuble », il ne veut pas plus que ND assister à un « changement social » qui favoriserait la classe ouvrière ou une répudiation de la politique de libre marché. Il mène une campagne explicitement pro-austérité et pro-UE. Il y a une semaine, il a dit que si Syriza était élu, il respecterait le plan d’austérité de l’UE qu’il a signé, le qualifiant de « seul moyen » de sortir de la crise.

En fait, des articles apparaissent d’économistes de tous bords disant que les mesures ne feront que provoquer un écroulement économique encore plus catastrophique. Tout particulièrement dans un pays où la plupart des jeunes sont au chômage et où de nombreuses familles ne vivent que des pensions versées aux retraités, les toutes récentes réductions des retraites condamneront des masses de gens à la misère. Comme des millions de Grecs souffrent de la faim et que le nombre des sans abri a été en forte hausse ces cinq dernières années sous l’austérité, il ne fait pas de doute que les mesures de Tsipras causeront la mort d’un nombre considérable de gens.

La faillite du Parti communiste grec stalinien (KKE) et d’Unité populaire, issue d’une scission de Syriza et dirigée par Pangiotis Lafazanis, favorise également la montée de DN. C’est ce qui est clairement apparu lors d’un débat entre Tsipras et sept candidats : le président de la Nouvelle Démocratie, Vangelis Meimaraks, Stavros Theodorakis du parti pro-UE La Rivière, la présidente du PASOK, Fofi Gennimata, Panos Kammenos du parti d’extrême droite des Grecs indépendants, Lafazanis d’Unité populaire et le dirigeant du KKE, Dimitris Koutsoumbas. 

Lafazanis a affirmé que son parti était « honnête » parce qu’il insistait sur le maintien de l’opposition initiale déclarée par Syriza contre l’austérité de l’UE. Il a ensuite plaisanté disant vouloir dérober de l’argent à la Monnaie grecque pour payer les dépenses de l’Etat et affirma que la Grèce pouvait éviter l’austérité en revenant à la monnaie nationale.

Lafazanis n’est pas moins impliqué que Tsipras dans les mesures d’austérité. Lafazanis et son groupe dans Syriza avaient œuvré pour garantir le vote des mesures d’austérité de Tsipras en rejetant un vote sur elles au Comité central de Syriza. Son groupe n’a quitté Syriza que lorsqu’il était devenu évident que Tsipras bloquerait sa réélection au parlement grec. 

Koutsoumbas a tenté d’en tirer parti en critiquant Lafazanis et Unité populaire pour avoir été des alliés de Tsipras avant de faire scission avec Syriza. Koutsoumbas a cependant alors décidé d’acclamer Manolis Glezos, membre de longue date de Syriza qui a rejoint Unité populaire et a lancé une tirade nationaliste avertissant du danger « djihadiste » et accusant Lafazanis d’« aimer la Russie ».

ND est sorti nettement renforcé de ce spectacle. La semaine passée, Meimarakis essayait encore de convaincre les électeurs en disant que s’il gagnait, il renoncerait au poste de premier ministre en l’offrant à un autre – une personnalité éminente qui ne serait pas un politicien de carrière. Samedi, toutefois, il a suggéré pour la première fois qu’il tenterait en fait de diriger un gouvernement dont ND serait le principal groupe.

« De toute évidence, je veux être premier ministre et je m’adresserai à d’autres forces si Tsipras ne le veut pas, a-t-il dit en fustigeant Tsipras pour ne pas accepter sa proposition de former un gouvernement ND-Syriza. Il a demandé à Tsipras s’il « avait l’intention de rester à l’extérieur et à commencer à jeter des pierres, » et ajouta, « Voulons-nous avancer ou reculer? En coopérant ou avec arrogance ? Avec la vérité ou les mensonges ? »

Ces platitudes suffisent pour marquer des points, dans des conditions toutefois où les promesses de Syriza se sont révélées être des mensonges et qu’aucune alternative à gauche n’est visible pour la masse des gens.

Un responsable de ND a dit au Financial Times que Meimarakis qui était auparavant considéré comme un « canasson de parti de deuxième classe », a stupéfait ND en s’avérant « notre meilleure arme contre Tsipras. »

Quiconque sortira vainqueur des élections du 20 septembre, devra affronter la classe ouvrière comme une ennemie irréductible. La question politique cruciale sera la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre ce gouvernement de banquiers, qu’il soit dirigé par Syriza ou par ND.

(Article original paru le 14 septembre 2015)

 

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