RISE: le « Syriza écossais » qui n'ose pas dire son nom

Au début de l'année, l'activité principale de Colin Fox et Jonathan Shafi, les ténors du Parti socialiste écossais (Scottish Socialist Party, SSP) et de la Campagne radicale pour l’indépendance (Radical Independence Campaign, RIC), avait été de promouvoir le parti grec au pouvoir Syriza comme modèle sur lequel un nouveau parti «de gauche» devait être fondé en Ecosse. 

Fox et Shafi, ont, invités par Syriza, rapporté avec enthousiasme depuis Athènes la victoire électorale de Syriza en janvier. Pour ces promoteurs du nationalisme écossais, le succès de Syriza était la preuve de la viabilité d'une perspective fondée sur un développement économique national dans le capitalisme et dans le cadre de l'Union européenne. 

Compte tenu du rôle éhonté de Syriza dans l’imposition de mesures d'austérité encore plus brutales que celles osées par la coalition de Nouvelle Démocratie et réalisées en dépit du vote massif du référendum de juillet contre l’austérité demandée par l'UE, il n’est guère étonnant que la Grèce fut à peine mentionnée à la conférence fondatrice du nouveau parti de Fox et Shafi, le week-end dernier. 

Envolées toutes les références au RISE (Respect, Independance, Socialism, Environmentalism) «Syriza écossais». Fox, Shafi ou d'autres, qui aspiraient à devenir les sommités de RISE n'ont jamais prononcé les mots de « Grèce » ou de « Syriza ». 

Dans la mesure où la catastrophe sociale infligée à la Grèce a été mentionnée par les quelque 700 personnes présentes, on en a parlé comme d’une chose embarrassante. 

Ainsi, l’orateur du parti allemand La Gauche (Die Linke, parti frère du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon en France), Andrej Hunko, député d'Aix-la-Chapelle, a déclaré que la crise en Grèce « a brisé nos cœurs ... parce que nous avons tout fait pour soutenir la tentative de Syriza. » 

Syriza est l'organisation sœur de Die Linke et Hunko n'a fait aucune critique de sa trahison. Au lieu de cela, il a affirmé que celle-ci était inévitable, puisqu'un «petit pays» comme la Grèce ne pouvait « changer l'ensemble de l'Union européenne ». Mais il a clairement exprimé la loyauté continue de Die Linke pour l'UE, l'instrument des grandes puissances européennes, dirigées par l'Allemagne, pour ravager la Grèce, comme exemple pour les travailleurs de toute l'Europe.

On ne pouvait indiquer plus clairement la perspective réactionnaire sur laquelle RISE a été formé. Ceux qui sont derrière cette nouvelle tentative de la pseudo-gauche de concocter une alliance pour les élections au parlement écossais ne veulent pas qu’on examine le rôle qu'ils ont joué pour faciliter la trahison de la classe ouvrière grecque, de peur qu'elle n'interfère avec leur préparation de nouvelles trahisons. 

Leur duplicité et leur indifférence envers la catastrophe infligée aux travailleurs grecs apparaissait aussi dans leurs points de vue sur la politique écossaise. 

RISE est une alliance entre le SSP, la RIC et d'autres organisations de la pseudo-gauche et de la bureaucratie syndicale. Pendant plus d'une décennie, ces couches ont été les défenseurs inlassables, en costume de « gauche », de l'indépendance écossaise. Leurs tentatives de semer la division nationaliste entre les travailleurs écossais et anglais expriment les intérêts d'une partie de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure écossaises cherchant à profiter de la création d'un Etat écossais distinct en tant que plate-forme d'investissement à faible fiscalité dans l'UE. 

Dans la période précédant le référendum sur l'indépendance écossaise de septembre 2014, Fox a siégé au conseil de la campagne officielle « Yes Scotland » (Oui l'Ecosse) aux côtés de l'ancien banquier et président de fonds d'investissement Sir George Mathewson, tandis que le SSP et la RIC cherchaient à mobiliser du soutien pour la campagne pour l'indépendance du Scottish National Party (SNP, Parti National Ecossais) dans les quartiers ouvriers. 

La proposition d'indépendance a été rejetée par 55 contre 45 pour cent des votes et l’espoir de Fox qu’il serait récompensé des services rendus au parti de la grande entreprise qu’est le SNP a été amèrement déçu. 

Il s’était vanté de ce que si le bloc nationaliste du SSP, des Verts et du SNP obtenait une majorité à l’élection parlementaire écossaise de 2016, « dès le lendemain nous prendrons tous le premier train d'Edimbourg et irons trouver David Cameron [le premier ministre conservateur] » 

Cela faisait allusion à l'intention du SSP de participer à la distribution aux différentes factions de l'élite dirigeante du butin issu du dépeçage prévu des actifs nationaux du Royaume-Uni.

Mais le SSP a été exclu de la Commission Smith, convoquée par le gouvernement conservateur suite au référendum avec mission d'élaborer de nouveaux arrangements constitutionnels pour le Royaume-Uni. 

De plus, les ouvertures de Fox vers le SNP pour une alliance électorale ont été rejetées par ce parti. A l’élection de mai au parlement de Londres, le SNP, qui gouverne l’Ecosse depuis 2007, a remporté tous les sièges écossais à Westminster (59) sauf trois. Sa rhétorique anti-austérité lui a permis de supplanter le Parti travailliste dont les pertes furent catastrophiques ayant perdu tous ses sièges en Ecosse (41) sauf un. Le SSP, qui a présenté seulement quatre candidats à cette élection –désespéré qu’il était de ne pas être considéré comme étant en conflit avec le SNP – a obtenu seulement 895 voix.

Malgré cela, Fox a proclamé à la conférence fondatrice de RISE que « depuis notre dernière rencontre dans cette même salle d'hôtel sous le nom de RIC, l'Ecosse a changé du tout au tout, et nous devrions être immensément fiers de ce que nous avons accompli et de ce qui a changé ».

Dans le même souffle, il a dit, « Et pourtant, malgré tout ce qui a changé politiquement, trop peu a changé socialement et économiquement en fait d’améliorations obtenues par la classe ouvrière en Ecosse. »

En fait, pour la pseudo-gauche cela n’a pas la moindre importance que peu de choses aient changé « socialement et économiquement » pour les travailleurs. Ceci n’est pas à cela que ces imposteurs petits bourgeois de «gauche» mesurent le succès.

Ce qui compte vraiment, ce qui les remplit d’une si «immense fierté», sont les changements «politiques» – par quoi ils entendent les progrès du nationalisme écossais dans les couloirs du pouvoir. Ils voient en cela la possibilité de leur propre promotion sociale, contre les intérêts de la classe ouvrière, et à ses dépens.

Les chefs de file de RISE savent bien que le soutien populaire pour le SNP ne peut durer. L'écart entre la rhétorique qui sonne à gauche, de moins en moins crédible, du SNP et sa mise en œuvre agressive de politiques de droite ne peut que produire une prise de conscience.

C’est pourquoi l’objectif de RISE est de sauver le projet d'indépendance de l’Ecosse – et les opportunités lucratives dont il espère profiter – face à un changement inévitable et hostile d’attitude de larges sections de travailleurs envers le SNP.

Fox a dit en insistant: «Nous voulons qu'il soit clair que le mouvement d'indépendance n’appartient pas au SNP ». RISE doit contester l'élection de l'an prochain en critiquant de façon limitée le rôle du SNP au gouvernement, tout en canalisant le mécontentement social grandissant derrière l'appel à un autre référendum sur l'indépendance.

Dans cette optique, l'attitude de RISE envers le succès possible du député vétéran travailliste de « gauche » Jeremy Corbyn dans la course à la direction du Parti travailliste était nettement distante.

La plupart des orateurs qui ont mentionné Corbyn ont soit voué sa campagne à l’échec, soit l’ont directement attaquée. Fox, par exemple, a déclaré, «Je suis un ami et grand admirateur de Jeremy Corbyn, et nous devrions tous lever nos verres à son étonnante réalisation. Mais ... nous devrions aussi reconnaître que Jeremy Corbyn ne soutient pas l'indépendance, il n’est pas pour donner plus de pouvoirs au parlement écossais et il ne soutient pas non plus un second référendum ».

La pseudo-gauche est violemment hostile à la lutte pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre le capitalisme et ses représentants politiques. En Ecosse, cela se manifeste dans leur insistance pour dire que les travailleurs anglais sont trop «conservateurs» et «arriérés» pour adhérer au socialisme. La seule façon d'avancer pour les travailleurs écossais est donc de faire une alliance avec leur propre bourgeoisie, former un État indépendant, et à une date remise aux calendes grecques, l’utiliser pour introduire des mesures «socialistes».

Le fait que les critiques de l’austérité et du « néo libéralisme » par Corbyn aient eu une certaine résonance et pourraient même le faire devenir prochain dirigeant travailliste perturbe leur discours diviseur.

De plus, comme Fox l’a indiqué, RISE et la campagne de Corbyn, dont les partisans comprennent le chef adjoint nouvellement élu du Parti travailliste en Ecosse, Neil Findlay, sont des concurrents potentiels dans la ruée vers les sièges parlementaires.

Dans l’éventualité où Corbyn remporterait l'élection, ses efforts visant à relancer un parti moribond et méprisé et à sauver ainsi les travaillistes comme principal instrument politique du capitalisme britannique, mettraient en péril la posture prise par RISE comme seule alternative électorale au SNP en Ecosse.

Lors de la séance plénière d'ouverture, Tam Brotherston a souligné les tensions que cela produisait. Brotherston était délégué syndical au chantier naval UCS (Upper Clyde Shipbuilders) à Glasgow, occupé par des travailleurs en 1971. Les travailleurs d’UCS furent trahis par la direction stalinienne du Parti communiste britannique (CPGB), une école à laquelle Brotherston a clairement été pendant de nombreuses années.

Parlant de l'élection possible de Corbyn, Brotherston a dit, « Je me fiche de savoir s’il formerait un cabinet ministériel avec Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Karl Marx et Friedrich Engels, j’exigerais toujours que l'Ecosse ait une voix indépendante ».

La campagne de Corbyn n'a pas la moindre chose à voir avec le marxisme, comme le savent très bien ceux qui étaient rassemblés à Glasgow. Mais les remarques de Brotherston, remplies d’une haine viscérale pour le socialisme révolutionnaire et l'unité de la classe ouvrière, furent accueillies par des cris de joie.

La pseudo-gauche ne veut peut-être plus réclamer publiquement le rôle d’un « Syriza écossais », mais la conférence de fondation de RISE ne laissait aucun doute sur la tradition dans laquelle ce parti se range.

(Article paru en anglais le 3 septembre 2015)

 

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