Grèce: grèves et protestations commencent contre le programme d'austérité de Syriza

La résistance grandit au programme d'austérité du soi-disant de gauche gouvernement Syriza en Grèce. Dans la semaine écoulée, des travailleurs des ferries et des transports, des enseignants et des étudiants ont débrayé et protesté contre l’attaque de leurs conditions de travail et de leur niveau de vie, contre des coupes dans l'éducation et d'autres services, imposées par Syriza et l'Union européenne (UE) au nom de l'élite financière. 

Un débrayage de 48 heures des travailleurs des ferries du 2 au 4 novembre a eu un impact sévère, bloquant des dizaines de milliers de personnes sur les îles grecques. Le transport des produits agricoles a également été touché. 

Les marins sont membres de la Fédération nautique panhellénique. Ils protestent contre la destruction de leur caisse de retraite, les coupes dans les retraites, les réductions d’effectifs des équipages des ferries pour passagers, qui mettront ceux-ci en péril, et contre la réduction de la couverture d'assurance médicale et des prestations sociales pour le personnel marin, retraité et actif. 

Après un vote sur la poursuite de la grève, le syndicat a presque immédiatement annulé toute action, et les services de ferry ont repris normalement le 6 novembre au matin. 

Mardi soir, les travailleurs du métro d'Athènes, du Chemin de fer Athènes-Pirée, du tramway et du rail de la ville ont organisé une grève pour protester contre le projet de fusion de leurs services sous un même opérateur dans le cadre d'une restructuration. Le personnel craint que les réductions de main d'oeuvre et de budget dues aux fusions entraîneront l'utilisation d'entrepreneurs extérieurs. 

Le 2 octobre, des collégiens et des lycéens de la région d’Attique ont protesté à Athènes contre les coupes dans l'éducation. Ils exigent l'embauche d'enseignants supplémentaires et une hausse des dépenses pour les livres et d'autres ressources vitales. Les membres de la Fédération grecque de l'enseignement secondaire ont débrayé trois heures en soutien aux étudiants, rejoignant leur rassemblement.

Le 5 novembre, des élèves du secondaire et des étudiants ont protesté au plan national contre des coupes de 20 pour cent du budget de l'éducation. Comme à Athènes, des élèves et des étudiants ont manifesté dans la deuxième plus grande ville grecque, Thessalonique, et à Héraklion, en Crète. 

Les étudiants exigent, outre un budget en hausse, l'embauche de plus d'enseignants et professeurs d'université. Un étudiant qui protestait à Athènes a dit que les coupes imposées à l'Institut d'enseignement technique du Pirée ont fait qu'un certain nombre de départements avaient cessé de fonctionner. 

Les manifestations de cette semaine précèdent une grève générale prévue pour le 12 novembre. La grève a été appelée par la GSEE (Confédération des travailleurs du secteur privé) et l'ADEDY (Confédération des syndicats du public). 

Dans son appel à la grève, ADEDY, qui compte environ 650 000 membres, a dit: « Il est clair que le gouvernement a pris le rôle de redistribuer la pauvreté. » 

A vrai dire, ce n'est que grâce à la démobilisation de la classe ouvrière par les appareils syndicaux que Syriza peut imposer une nouvelle vague de coupes sombres dans son niveau de vie. Ces dernières semaines, Syriza a finalisé avec des responsables de l'UE une série de coupes à mettre en œuvre en échange de seulement €2 milliards sur les €86 milliards du prêt total sur trois ans déjà agréé. 

Tôt le 6 novembre, le parlement grec a adopté un projet de loi imposant une série de «mesures préalables» en suspens à mettre en place avant qu'Athènes ne reçoive les €2 milliards. Parmi elles, la levée des obstacles à la vente du plus grand port grec, le Pirée, l'abandon des allégements fiscaux des agriculteurs, un nouveau système de calcul des pensions et la conformation de la Grèce aux règles d'efficacité énergétique de l'UE. 

Le projet de loi a été adopté par 153 voix contre 118, appuyé par les votes combinés des députés de Syriza et de son partenaire de coalition, les Grecs indépendants, de droite. Les députés de la Nouvelle Démocratie conservatrice, de l'Aube dorée fasciste, de l’alliance PASOK /DIMAR social démocrate et du Parti communiste de Grèce (KKE) stalinien, ont fait un simulacre d’opposition.

Le gouvernement d’Alexis Tsipras devait finaliser, avant la date limite du 9 novembre, une législation supplémentaire exigée par l'UE comprenant le durcissement des règles hypothécaires pour permettre l'expulsion de 320.000 ménages grecs en retard dans leurs remboursements de prêts immobiliers.

Le Financial Times a écrit après le passage du projet de loi, «Le ministère des Finances est à la recherche d'un compromis sur les saisies des maisons des primo-accédants qui pourraient affecter des milliers de détenteurs de prêts immobiliers après le rejet de sa première proposition considérée trop généreuse par les contrôleurs du sauvetage financier ».

Il ajoute: «Même si les législateurs approuvent les mesures supplémentaires dans une session parlementaire d'urgence ce week-end, il y a encore des obstacles en vue pour le gouvernement. De nouvelles coupes dans les retraites et des hausses d'impôts pour les agriculteurs sont parmi les prochaines réformes à être adoptées d'ici la fin du mois, avant que le gouvernement Syriza puisse poursuivre les discussions sur l'allégement de la dette, sa priorité politique pour 2016 ».

Parlant au nom du ministère allemand des Finances, Martin Jaeger a dit, « La troïka [UE, Banque centrale européenne, et Fonds monétaire international] examine à l'heure qu’il est dans quelle mesure les Grecs ont rempli les conditions nécessaires au déboursement des prochains 2 milliards [d'euros]. Il y a encore des lacunes considérables à combler ».

Il a averti qu'aucune concession ne serait proposée à la Grèce: « En juillet, le gouvernement grec a conclu un accord spécifique avec ses partenaires... Il n'y a absolument aucune raison de modifier notre trajectoire ».

Les élites financières exigent que Tsipras intensifie l'austérité, et ne permettent à rien d’entraver cet objectif.

Cette année, des centaines de milliers de réfugiés désespérés et démunis sont venus du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord déchirés par la guerre sur les îles de la Grèce. Selon l'ONU, 218,394 personnes ont fait la traversée périlleuse de la Méditerranée le mois dernier, presque tous, sauf 8000, sont arrivés en Grèce; 609.000 réfugiés sont arrivés en Grèce au total cette année. Plus de 350 000 sont arrivés sur l'île de Lesbos, qui a compte seulement 86.000 habitants.

Mais les appels du gouvernement Tsipras à l’adresse de l'UE pour une aide financière ont été ignorés.

Parlant à la presse jeudi, le commissaire européen Pierre Moscovici a déclaré: «La Commission n'a qu'une seule boussole – celle du pacte de la croissance et de la stabilité, et les règles doivent être appliquées ».

Interrogé pour savoir si l'aide devait être imminente pour la Grèce et d'autres pays qui sont les plus touchés par la crise des réfugiés, Moscovici a répondu: «En ce qui concerne la Grèce, nous avons une autre boussole, l'adoption du protocole d'accord et le programme [d'austérité]. Rien ne doit nous faire relâcher ces réformes ».

Les travailleurs et les jeunes doivent engager une lutte contre le gouvernement Syriza qui a montré sa détermination à faire passer en force des coupes plus sévères que celles imposées par les gouvernements précédents de Nouvelle Démocratie et du PASOK.

On ne peut pas faire confiance aux syndicats qui se comportent envers les travailleurs et la jeunesse en force hostile. Ils ont passé les cinq dernières années à faciliter les programmes d'austérité imposés par divers gouvernements. La bureaucratie syndicale est surtout constituée de partisans de Syriza, du PASOK, du KKE et d'innombrables partis de la pseudo-gauche. Leurs grèves répétées de protestation d'un jour n’ont jamais été conçues pour mobiliser la force collective de la classe ouvrière, mais seulement comme moyen de dissiper sa colère tandis qu’on imposait les coupes sociales.

Bien que les syndicats ADEDY et GSEE aient appelé à plus de 30 grèves générales depuis 2010, l'arrêt de travail de cette semaine est la première grève générale qu'ils ont appelée en presque un an. Ils ont refusé de faire quoi que ce soit quand Syriza a conclu son accord d'austérité avec la troïka.

(Article paru en anglais le 7 novembre 2015)

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