Québec presse les syndicats d'imposer une entente pourrie aux employés du secteur public

Sous la menace à peine voilée d'une loi spéciale, le gouvernement libéral de Philippe Couillard presse les syndicats du Front commun d’imposer à leurs membres une nouvelle convention collective comportant des reculs majeurs.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Soleil, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a déclaré qu’il voulait arriver à une entente avant noël: «Les prochaines semaines, je ne parle pas des prochains mois, sont déterminantes». Coiteux a ensuite exhorté les syndicats à «faire des propositions concrètes et nous dire à quelle vitesse ils sont prêts à faire bouger les paramètres».

Coiteux a réitéré que le gouvernement demeurait intransigeant sur ses principales demandes, que ce soit la hausse salariale minimale de 3% sur cinq ans, l'augmentation de l’âge de la retraite ou la réduction du montant des pensions.

Dans le langage trompeur de ces négociations bidon, Coiteux a annoncé qu’il était prêt à «assouplir» certaines de ses demandes. En réalité, il s'agit de promesses vagues et d'un possible délai dans l'entrée en vigueur des profondes coupes exigées dans les conditions de travail et les services à la population.

Sur la question des retraites, «le plus important pour nous», a dit le président du Conseil du trésor, «n'est pas que ça s'applique le premier janvier 2017, c'est qu'on fasse un mouvement significatif». Il a aussi promis de voir aux «problèmes d'équité entre différentes catégories d'emploi» par un remodelage de certaines échelles de salaire – ce qu’il nomme la «relativité salariale».

Toutes ces mesures seraient largement compensées par des coupes à d’autres niveaux. Coiteux a souligné qu’il n’était pas question pour le gouvernement de «retourner en déficit» ni d'augmenter les taxes ou les impôts pour assurer leur financement.

Le gouvernement est déterminé à imposer une défaite au demi-million d’employés de l’État afin d'ouvrir la voie à la privatisation des services publics et à un assaut tous azimuts contre toute la classe ouvrière. Bien qu’il préfère une entente négociée avec les syndicats, le gouvernement Couillard n’hésitera pas un instant à imposer une loi spéciale si les travailleurs continuent de refuser les mesures d’austérité.

Il y a deux semaines, avant même qu'un mouvement limité de grèves partielles ne soit déclenché, le gouvernement présentait à l’Assemblée nationale une motion – qui n’a finalement pas été adoptée – exigeant que les services de garde en milieu scolaire demeurent ouverts malgré la grève.

Au cours des dernières années, les gouvernements péquistes et libéraux successifs ont criminalisé pratiquement tous les mouvements d’opposition, y compris les grèves étudiantes de 2012 et 2015 et une grève de 75.000 travailleurs de la construction en 2013. Pas plus tard que le mois dernier, Martin Coiteux admettait qu’il était prêt à imposer une loi spéciale aux officiers mécaniciens et de navigation de la Société des traversiers du Québec, en grève depuis une semaine, s’ils rejetaient les offres patronales.

Les syndicats ne font rien pour avertir leurs membres de la menace d’un décret, ni pour les préparer à défier les nombreuses lois anti-ouvrières du gouvernement. Ce silence démontre que les syndicats prévoient invoquer une loi spéciale, comme ils l’ont fait en 2005, pour justifier une capitulation immédiate.

La stratégie des syndicats n’est pas de faire de la défense des services publics et des emplois le fer-de-lance d’une lutte politique de toute la classe ouvrière contre le programme d’austérité de l’élite dirigeante québécoise et canadienne. Au contraire, ils font tout depuis le début du conflit pour contenir les travailleurs et éviter une confrontation sérieuse avec le gouvernement.

Le programme d’austérité exigé par la grande entreprise touche tout le monde du travail. Les libéraux ont déjà coupé des milliards dans les services publics, mis la hache dans les retraites des employés municipaux et imposé des hausses significatives des frais de garderie et des tarifs d'électricité. Alors que les employés du secteur public font face à une lutte politique qui concerne toute la classe ouvrière, le Front commun veut les limiter à une simple protestation dans le cadre de négociations avec un gouvernement intransigeant.

De plus, les syndicats continuent de subordonner les travailleurs au Parti québécois – l’autre parti de gouvernement de la grande entreprise – en cherchant l’appui de son nouveau chef, l’anti-syndicaliste et ultra-droitier notoire, Pierre-Karl Péladeau.

Les «actions» syndicales, comme le port de vêtements noirs, les chaînes humaines autour des écoles ou le boycott de Loto-Québec, sont complètement futiles face à l’ampleur des attaques qui prennent place. Sous la pression de la base, le Front commun a été forcé d’aller plus loin, mais les six jours de grève sur une base «rotative et régionale» sont conçus uniquement pour évacuer la colère des membres et pour les diviser.

Les mesures d’austérité auront un impact terrible si le gouvernement réussit à les imposer. La réalité, toutefois, est que de vastes coupures budgétaires ont déjà été mises en œuvre au cours des derniers mois et des dernières années dans les écoles, les hôpitaux et ailleurs, sans que les syndicats ne s’y soient sérieusement opposés.

Une résolution adoptée en septembre dernier par le Conseil central du Montréal Métropolitain, lié à la CSN, démontre que les syndicats vont plier l'échine à nouveau devant les lois anti-ouvrières. Le CCMM écrit qu’«advenant une loi spéciale décrétant un retour au travail lors de la grève du secteur public prévue cet automne», il organisera «une action pour dénoncer le gouvernement dans les 48 heures ouvrables». Autrement dit, les syndicats voient un décret comme un fait accompli qu’il faudra dénoncer en paroles, sans mobiliser les membres de la base et l'opinion publique ouvrière pour s’y opposer.

Comme partout à travers le monde, les syndicats sont devenus l'instrument d'une couche de bureaucrates privilégiés dont les intérêts financiers sont diamétralement opposés à ceux des travailleurs qu’ils prétendent représenter. Ce qu’ils craignent avant tout, c’est que la vive colère des employés du secteur public n'échappe à leur contrôle pour s’étendre à toute la classe ouvrière et déclencher un mouvement anti-austérité qui menacerait le système de profit.

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