Victimes de la « Forteresse Europe », les réfugiés meurent en mer et sur les routes

Le bilan des victimes parmi les réfugiés désespérés qui fuient les zones de guerres du Moyen-Orient et d’Afrique continue de s’alourdir alors qu’on assiste à d’épouvantables scènes qui dépassent tout ce qu’on a vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

La grande majorité des réfugiés cherche à échapper à la violence déchaînée contre leurs foyers et leurs familles par les puissances impérialistes, les Etats-Unis et leurs complices, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas.

Ayant réussi à fuir leurs pays d’origine, Syrie, Irak, Afghanistan, Libye ou d’autres pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, les réfugiés rencontrent encore des violences à chaque moment. Aux mains des polices des frontières, des gardes-frontières et de passeurs comme ceux qui ont asphyxié des réfugiés dans les cales d’un bateau ou la remorque d’un camion, et de la part de bandes néo-nazies en Saxe, que la police allemande a laissé faire.

Plus de 300.000 réfugiés ont déjà franchi la Méditerranée cette année, plus déjà qu’en 2014 selon l’ONU et les statistiques de l’UE. Ceci inclut les quelque 180.000 qui ont tenté la courte traversée de la côte turque jusqu’aux îles grecques et ont transité à pied par la Grèce, la Madédoine et la Serbie pour rejoindre la Hongrie et de là, le reste de l’Europe.

La prévision de l’ONU cette semaine, que 3.000 migrants par jour prendrait cette route des Balkans, représente un taux annuel de plus d’un million de personnes, la plupart fuyant la guerre civile en Syrie fomentée par Washington et entretenue par les armes livrées par ses alliés comme l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie.

100.000 autres réfugiés ou plus ont fait la traversée, plus dangereuse encore, de la Libye à l’Italie. 2.500 personnes au moins y ont déjà perdu la vie cette année. Ce bilan s’est encore alourdi jeudi et vendredi dernier lorsque deux nouveaux bateaux ont chaviré au large des côtes libyennes.

150 corps au moins ont été retrouvés après ces deux catastrophes affectant un petit rafiot avec peut-être une centaine de personnes et un chalutier transportant plus de 400 personnes. Le Croissant rouge libyen a dit vendredi à des représentants de l’ONU ne pas disposer de suffisamment de sacs mortuaires pour toutes les victimes, plus nombreuses, du deuxième naufrage.

La plupart des victimes embarquées sur le chalutier étaient enfermées dans la cale du bateau lorsqu’il a coulé peu de temps après avoir quitté le port de Zuwarah et furent pris au piège. Une centaine furent secourus à temps. Ces migrants étaient principalement des Africains ont dit les responsables.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a dit que les 22 et 23 août, 4.400 migrants avaient été repêchés en Méditerranée près de la Sicile, ce qui en fait l’un des week-ends les plus chargés de l’année en fait de sauvetage.

L’horrible tragédie de l’autoroute A4 entre Budapest et Vienne montre les dangers mortels affrontés par les réfugiés sur les itinéraires soi-disant plus sûrs de la terre ferme. Les corps de soixante et onze personnes, cinquante-neuf hommes, huit femmes et quatre enfants (une fillette de moins de deux ans et trois garçons entre huit et dix ans) ont été retrouvés dans un camion frigorifique abandonné.

Un employé de la société autrichienne d’autoroute Asfinag, appelé pour une panne près du Lac de Neusiedl, avait découvert le camion en stationnement sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute; des fluides de corps en décomposition coulaient déjà du véhicule. La police a remorqué le camion jusqu’au service vétérinaire de Nickelsdorf, près de la frontière hongroise, où des enquêteurs ont sorti les morts et examiné le véhicule avant de transporter les corps à l’Institut médico-légal de Vienne.

La cause des décès serait la mort par asphyxie. Le compartiment frigorifique du camion, destiné au transport de viande de volaille, ne disposait pas de bouches d’aération. Des bosses sur une paroi du véhicule témoignent des scènes horribles qui ont du se passer à l’intérieur alors que les réfugiés tentaient désespérément d’échapper à la suffocation.

Vendredi, suite à l’analyse des informations livrées par la vidéosurveillance de plusieurs postes de péage, la police hongroise a interpellé quatre personnes, trois Bulgares et un citoyen hongrois, propriétaires et chauffeurs présumés du camion. Depuis, médias et politiciens multiplient les tirades contre les passeurs criminels. Selon des estimations, chacun des 71 réfugiés a dû payer son voyage jusqu’à mille euros.

Les passeurs ne peuvent faire ce trafic juteux que parce que les Etats membres de l’UE ont hermétiquement fermés leurs frontières. Ces derniers cherchent à empêcher ceux qui fuient la guerre et le terrorisme de franchir les frontières à l’aide de clôtures et de fils de fer barbelés et par de sévères contrôles policiers et des chiens d’attaque.

« Quiconque veut vraiment mettre fin au trafic des passeurs les priverait de leur base d’activité, c’est-à-dire qu’il ouvrirait les frontières aux réfugiés, » a écrit à juste titre Florian Hassel dans le Süddeutsche Zeitung. « Les politiciens européens, » a-t-il ajouté, « ne sont pas prêts à le faire. »

Le camion rempli de cadavres a été découvert alors que se tenait au palais impérial de Vienne le sommet des dirigeants des Balkans de l’Ouest. La chancelière Angela Merkel, le chancelier autrichien Werner Faymann et la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini y rencontraient les dirigeants de six pays des Balkans. L’objectif de la réunion était d’arriver à un accord sur un meilleur contrôle des itinéraires des réfugiés et un renforcement des frontières extérieures de l’UE.

Merkel a réagi à la nouvelle de la tragédie en disant qu’il était nécessaire d’aborder la question des migrants « rapidement et dans l’esprit de solidarité propre à l’Europe. » Dans la pratique de son gouvernement, cela se traduit par le fait que celui-ci veut déclarer le Kosovo, le Monténégro et l’Albanie « pays d’origine sûrs » afin de déporter plus rapidement les gens venant en Allemagne depuis ces pays.

C’est ce que le ministre allemand de l’Intérieur, de Maizière avait exigé deux jours auparavant. Il veut aussi accélérer la déportation des réfugiés, réduire les prestations sociales et remplacer les prestations en argent par des prestations en nature dans le but de décourager les réfugiés de venir en Allemagne.

En Autriche, le gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs réagit lui aussi durement envers les réfugiés. La ministre de l’Intérieur Johanna Mikl-Leitner a réagi à la récente crise des réfugiés en exigeant des contrôles aux frontières encore plus restrictifs et des sanctions encore plus sévères contre les passeurs.

La veille, le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, avait réclamé au journal télévisé « Zeit im Bild » une politique d’asile plus sévère, « des contrôles frontaliers plus intenses » et des « procédures rapides » pour les demandeurs d’asile. Il a cité la Hongrie, qui construit une clôture de quatre mètres de haut sur les 175 km de sa frontière sud, comme modèle et a menacé que d’autres membres de l’UE « et pas seulement les Hongrois, prendr[aient], nous aussi peut-être, des mesures qui ne sont pas tellement agréables. »

Un plan en cinq points présenté par Vienne inclut également le recours à la force pour combattre les bandes criminelles et les forces de l’EI au Moyen-Orient. L’UE avait déjà soumis un plan en mai prévoyant une intervention militaire en Libye. Ceci reviendrait à une nouvelle extension des guerres qui sont la principale cause de la fuite forcée de ces millions de gens.

L’attitude des puissances impérialistes à l’égard de la population syrienne est particulièrement cynique. Il y quatre ans, elles avaient avancé le meurtre de Syriens par le gouvernement Assad comme prétexte pour intensifier une campagne de subversion et de violence en vue de renverser le régime Assad. Mais lorsque des millions de Syriens fuient les champs de la mort que cela a produit, ils sont diabolisés comme des envahisseurs, une menace pour les emplois et le système d’assistance sociale de la population européenne, à déporter ou à emprisonner.

Les soixante et onze réfugiés trouvés morts en Autriche venaient probablement de Syrie car un document de voyage syrien aurait été trouvé parmi les corps. Cela signifie qu’ils avaient accompli un périple exténuant de 3.500 kilomètres. Un nombre croissant de Syriens fuient vers la Turquie, puis vers les Balkans en traversant la Mer Egée, et de là se dirigent vers l’Europe occidentale depuis que la route de l’Afrique du Nord vers l’Italie s’est révélée si dangereuse et que la Méditerranée devient de plus en plus un véritable charnier.

Voir aussi:

La crise des réfugiés et l’inhumanité du capitalisme européen [29 août 2015]

(Article original paru le 29 août 2015)

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