L’UE rejette les mesures d'austérité de Syriza, réclamant des coupes plus profondes

Le premier ministre grec Alexis Tsipras s’est exprimé lundi soir devant le parlement pour souligner une fois de plus sa volonté de mettre en œuvre les mesures d’austérité dictées par les créanciers internationaux de la Grèce.

Tsipras a déclaré que la dette héritée du gouvernement Nouvelle Démocratie (ND)/ Pasok était plus importante que précédemment prévue. Il était temps d’affronter la vérité, a-t-il dit. Syriza, selon lui, était prêt à chercher un « compromis honnête » avec les créanciers, sans pour autant agir simplement comme leur « porte-parole. »

Malgré le fait que c'était le but manifeste de la séance parlementaire, il n'a donné aucun détail sur les négociations qui s’étaient déroulées ce jour-là avec les créanciers de la Grèce : l’Union européenne (UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). S’il l’avait fait, cela aurait non seulement clairement révélé qu'il proposait des attaques contre la classe ouvrière, mais que les dirigeants de l'UE lui ordonnent de mener des attaques encore plus brutales.

Le dirigeant de ND, Antonis Samaras, s’est moqué de Tsipras en disant qu’il avait espéré recevoir de l’argent sans conditions attachées, mais avait reçu des conditions sans l'argent.

Conformément à l’accord du 20 février dernier, prévoyant la prolongation de quatre mois du programme d’austérité de la coalition gouvernementale précédente, Syriza a soumis vendredi une nouvelle liste de mesures d’austérité. Le gouvernement l'a approuvée dimanche soir.

Afin d’accéder aux prêts bloqués de 7 milliards d’euros, Athènes doit faire accepter les mesures par ce qu'il appelle maintenant le « groupe de Bruxelles ». Sans l’obtention de ces fonds, il sera incapable de rembourser sa dette, qui s’élève à 315 milliards d’euros.

En dépit de négociations intensives menées le weekend, dont une session de dix heures samedi, aucun accord ne fut trouvé.

Des modifications du droit du travail pour faciliter les licenciements, ainsi que de nouvelles réduction des retraites, font partie des principales mesures d’austérité que l'UE exige de Syriza. Selon le Financial Times, c’était là « deux domaines que les contrôleurs avaient qualifiés d’indispensables pour finaliser le plan de sauvetage. »

Cependant, dans une interview avec le journal RealNews Sunday, Tsipras a prétendu qu' « Il n’y a pas de perspective d’adopter la moindre mesure récessionniste, qu’il s’agisse de réduire les salaires et les retraites ou de libéraliser la règlementation sur les licenciements de masse. »

Selon Bloomberg News, la Grèce a présenté une liste de 15 pages « reposant sur la taxation des transferts de capitaux et la lutte contre l’évasion fiscale. » Ce document précise que les privatisations actuelles rapporteraient cette année 1,5 milliards d’euros, contre les 2,2 milliards d’euros prévus dans le budget préparé par le gouvernement précédent. Il prévoit un excédent budgetétaire d’au moins 1,2 pour cent du Produit intérieur brut (PIB) du pays.

De telles propositions n’ont que peu d’intérêt pour l’élite dirigeante européenne, qui exige que Syriza aille beaucoup plus loin en énumérant des coupes sociales qui dévasteront encore plus les conditions de vie des travailleurs et des pauvres.

Un haut responsable de la zone euro a dit à Reuters, « La Grèce n’a pas soumis vendredi une liste de réformes. » Il a ajouté que les propositions de Syriza « manquaient de détail, et qu'il faudra beaucoup plus de travail technique pour les étoffer en quelque chose de suffisamment complet et crédible pour être présenté à l’Eurogroupe. »

Un diplomate de l’UE a dit sous couvert d’anonymat, « La liste est bien trop vague, elle n’est pas crédible et pas vérifiable. »

Lundi, le ministère des Finances allemand a dit que Berlin ne paraphera des accords pour de nouveaux prêts à la Grèce que si le parlement grec adopte des mesures d’austérité concrètes. Le porte-parole du ministère, Martin Jäger, a dit, « Nous devons attendre que la partie grecque nous soumette une liste complète de réformes qui servirait de base de discussion avec les institutions, puis avec l’Eurogroupe ». Il a prévenu que tout progrès vers un accord « dépend de la qualité de la liste grecque et dans quelle mesure ils couvrent les éléments déjà mentionnés dans le protocole d’accord [pour prolonger l'austérité]. »

Selon la presse grecque, Syriza avait inclus des privatisations spécifiques dans sa liste. Le vice-premier ministre, Yannis Dragasakis, qui rentre tout juste d’un voyage en Chine, a déclaré à son retour que la vente d’une participation de 67 pour cent dans le port du Pirée serait réalisée en quelques semaines, rapportant quelque 500 millions d’euros. Le groupe chinois Cosco, qui contrôle déjà deux jetées à ce port stratégique, se trouve parmi les cinq enchérisseurs favoris. La vente de 14 aéroports régionaux devrait également être fixée.

La réunion du groupe de Bruxelles s’est terminée sans accord. Aucune réunion ne serait prévue pour cette semaine, laissant à Syriza le soin de proposer davantage de mesures d’austérité pour le mois d’avril. La chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré que pour les propositions grecques, « le compte doit y être ».

Syriza tente de resserrer ses liens avec la Chine et la Russie. D’influents représentants de Syriza ainsi que le ministre de la Défense grec, Panos Kammenos, qui est membre du parti d'extrême-droite les Grecs indépendants, ont averti que ces pays pourraient servir de source de financement pour la Grèce.

Panagiotis Lafazanis, le ministre de l'Energie qui dirige aussi la « Plateforme de gauche » de Syriza, est arrivé à Moscou. Le 9 avril, Tsipras s’y rendra pour des pourparlers avec le président russe, Vladimir Poutine.

L’agence de notation Fitch a abaissé la notation de la Grèce. Fitch a dit que les progrès accomplis depuis l’accord de février « sont lents », et qu’il n’était pas « sûr quand le premier décaissement pourrait avoir lieu et ce qu’il faudrait faire pour y arriver. »

Fitch a ajouté qu’il était « probable que l’Eurogroupe souhaiterait que le gouvernement grec prouve qu’il a mis en place une certaine partie de cette liste avant que les fonds ne soient versés. Ceci repousserait la date probable du décaissement au plus tôt courant avril. »

Depuis l'élection de Syriza, après sa campagne électorale axée contre l'austérité, la BCE a coupé systématiquement Syriza et les banques grecques des canaux de financement normal. Une fois l’endettement des banques et des sociétés prise en compte, le niveau de la dette s’élève à environ 500 milliards d’euros.

Holger Schmieding, économiste chez Berenberg Bank de Londres, a dit, « Après une fuite de capitaux de l’ordre de 50 milliards d’euros en trois mois, il est difficile de voir comment la Grèce pourrait être en mesure de générer une quelconque croissance cette année. Et après la chute des recettes fiscales en janvier et en février, la Grèce est en passe d’afficher un déficit primaire, et non un excédent. »

Depuis 2010, la Grèce sert de test pour l’imposition d’une austérité massive partout en Europe. L’élite dirigeante du continent insiste qu'il faut intensifier le pillage du peuple grec. La perspective de Syriza pour une restructuration à l’amiable de la dette grecque au sein de l’UE, basée sur les intérêts de sections de l’élite dirigeante et des classes moyennes aisées grecques, est en lambeaux.

(Article original paru le 31 mars 2015)

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