Les experts militaires allemands réclament des drones de combat

Selon un article paru dans le journal Welt am Sonntag, les responsables allemands en matière de sécurité et les experts militaires poussent à l’achat de drones de combat.

Le porte-parole pour les questions de défense du groupe parlementaire CDU/CSU, Henning Otte (CDU), a dit à ce journal, « L’année dernière, nous avons été les initiateurs d’un vaste débat sur la nécessité d’avoir des drones armés et nous nous sommes prononcés clairement en faveur de cette capacité. » Il a poursuivi en disant qu’il était maintenant temps « de passer à l’étape suivante et de garantir à l’armée allemande des drones disposant de ces capacités. »

Son homologue de la CSU, Florian Hahn, a exprimé un avis identique. Il a dit que la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, (CDU), devait « prendre d’urgence cette décision dans l’année. »

La question des drones était « une question clé pour la souveraineté [de l’Allemagne] en matière de politique de défense et un moyen essentiel pour une armée moderne et efficace, » a-t-il encore dit. D’autres défis de la politique militaire, comme celui de la livraison de l’avion de transport A4100M ne devaient pas avoir pour conséquence qu’on « perde de vue la décision d’acheter un drone, » a ajouté Hahn.

Selon le journal Die Welt, le Parti social-démocrate allemand (SPD) a lui aussi augmenté sa pression sur von der Leyen. Il cite Rainer Arnold, le porte-parole du SPD pour la Défense qui a dit « Nous attendons de la ministre qu’elle prenne rapidement cette décision ».

Les appels venus de la politique ont du soutien dans les rangs supérieurs de l’armée. Le président de l’association de la Bundeswehr (armée allemande), le lieutenant-colonel Andre Wüstner, a déclaré en rappelant les crises actuelles en Afrique, en Syrie et en Irak que les conflits futurs seraient réglés au moyen de drones. Le ministère de la Défense devrait enfin se préoccuper de l’achat et du développement de drones de combat, a-t-il souligné.

Le lieutenant général Karl Müller, inspecteur de l’armée de l’air, a averti que si l’Allemagne ne développait pas ses propres drones, elle serait à la traîne sur le plan international.

Selon Welt am Sonntag, la question n’est plus de savoir si l’achat de drones militaires aura lieu, mais quand. Un porte-parole du ministère de la Défense a dit qu’une politique était à cet égard en cours d’élaboration.

Le journal a affirmé que 323 millions d’euros impartis à une partie secrète du budget de la défense étaient déjà alloués à l’acquisition de trois drones pouvant être armés et de deux stations de contrôle sur le terrain. » Concrètement, il serait question, selon Die Welt, du modèle israélien « Heron TP » et du modèle américain « Predator B ». A moyen terme, l’objectif est le développement d’un drone européen.

L’acquisition de drones de combat par l’Allemagne démasque le mensonge des médias et des politiciens comme quoi la classe dirigeante et l’armée allemandes seraient forcées de faire la guerre pour défendre les droits humains ou la démocratie. Les drones sont l’armement typique pour les guerres de conquête sales et illégales menées par les Etats-Unis partout dans le monde.

Washington a surtout déployé des drones en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie et au Yémen. Selon le Bureau du journalisme d’investigation de Londres, l’armée américaine et la CIA ont déjà tué au Pakistan entre 2.400 et 3.000 personnes par le seul recours aux drones. Les victimes des assassinats ciblés, personnellement approuvés par le président Obama, sont fréquemment des femmes et des enfants, ou les innocents invités de fêtes d’anniversaire ou de mariage visées par les attaques de drone.

Le journal Bild a récemment révélé que l’Allemagne avait plus fréquemment utilisé de telles méthodes de guerre (interdites par le droit international) qu’on ne l’avait dit auparavant. Un « grand nombre de documents » de l’armée allemande et des services de renseignement (BND) montraient que le général Markus Kneip, qui commandait les troupes allemandes de l’ISAF en Afghanistan et actuellement à la tête du service de stratégie et de déploiement au ministère de la Défense, avait personnellement sélectionné des « cibles de personnes » pour le programme américain d’« assassinats ciblés ».

L’achat de drones permettrait à l’armée allemande d’effectuer ses propres assassinats ciblés. Bien que la vaste majorité des Allemands soient contre cette pratique illégale, on poursuit systématiquement depuis un certain temps, à l’insu de la population, des plans pour développer un programme de drones.

En 2009 déjà, le gouvernement CDU-FDP (chrétiens-démocrates et libéraux) avait déclaré dans son accord de coalition qu’il était « indispensable » qu’il y ait un « développement durable et une expansion des capacités nationales indépendantes – notamment des futurs systèmes aéronautiques. » Durant l’été 2012, le ministre de la Défense de l’époque, l’actuel ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière, avait décrit les drones comme des « armes éthiquement neutres. » Un peu plus tard, un document de stratégie intitulé « Puissance aérienne à l’horizon de 2030 » fut publié par l’armée de l’air, qui appelait au développement de la technologie relative aux drones.

« L’utilisation et le développement continu de la capacité des systèmes de véhicules aériens sans pilote doivent être améliorées dans tous les domaines, reconnaissance, direction, effet et soutien, et leur rayon de déploiement être étendu, » précise ce document. Selon lui, l’armée de l’air envisage « d’investir dans ces programmes qui sont si importants pour l’avenir parce que nous sommes convaincus de pouvoir ainsi renforcer l’armée allemande dans son ensemble. » L’armée de l’air augmenterait par là, « la capacité d’agir et l’efficacité du système militaire allemand tout entier » et pourrait à tout moment contribuer à des « interventions flexibles au niveau mondial de l’armée allemande. »

Depuis que le président allemand Joachim Gauck et d’autres politiciens ont annoncé au début de l’année dernière le retour de l’Allemagne à une politique étrangère agressive, une campagne systématique a été menée dans les médias en faveur de l’achat de ces instruments de meurtre. Herfried Münckler, professeur à l’université Humboldt de Berlin, s’est particulièrement distingué à ce propos.

En juin, il avait dit lors d’une émission « Mittagsmagazin » de la télévision publique allemande ARD : « les futures guerres seront un mélange de guerres classiques et d’interventions policières plus modernes. Les drones joueront un rôle croissant dans ce maintien de l’ordre dont sera chargée l’armée. »

Il a poursuivi en disant que les drones étaient « très bien équipés pour de telles missions de style policier, et certainement mieux que les hélicoptères de combat, les avions de chasse et éventuellement l’infanterie légère. »

Il a continué: « Je pense qu’il faut comprendre que la réalisation d’une capacité de combat a lieu à de nombreux niveaux. Les facteurs géopolitiques y jouent un rôle, la démographie, de combien de jeunes gens nous disposons, c’est-à-dire combien de victimes sommes-nous prêts à risquer, les développements technologiques, les innovations tactiques, les idées stratégiques. »

Il a ajouté, « les sociétés post-héroïques comme les nôtres, des sociétés qui ne sont pas cimentées par des idéaux masculins particuliers, par des idéaux d’honneur et de sacrifice » étaient tributaires « de moyens auxiliaires technologiques en tant que béquille afin de garantir leur capacité d’agir sur le plan militaire. »

Dans une autre interview au titre provocant « Interdire les drones serait absurde », Münckler a dit qu’on compensait l’incompétence en matière de politique sécuritaire par « une utilisation renforcée de la morale ».

Le passé de l’Allemagne faisait lui aussi problème. En raison « d’un fort sentiment de culpabilité, » les Allemands n’étaient pas enclins à développer un « sens poussé de la responsabilité » pour « s’engager dans des endroits où quelque chose comme un génocide est en train de se passer, » a-t-il déclaré. Le problème était que parce que « l’Allemagne s’était trouvée au cœur de deux guerres mondiales, » les Allemands ordinaires avaient tendance à se « croiser les bras et à ne rien faire ».

(Article original paru le 3 février 2015)

 

 

Loading