Perspectives

L’Arabie saoudite, le 11-Septembre et la «guerre contre le terrorisme»

Plus de 13 ans après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, des preuves mises en lumière par une poursuite judiciaire intentée au niveau fédéral et faite par les proches des victimes montrent de façon dévastatrice des événements et des relations qui sont depuis longtemps cachés par les médias et l'establishment politique: Al-Qaïda et les pirates de l'air du 11-Septembre ont été financés par la monarchie saoudienne, un allié de haut rang des États-Unis qui a des liens étroits avec les services de renseignements américains. 

Les affidavits qui ont été envoyés au juge de district fédéral, George P. Daniels, prouvent les allégations selon lesquelles des membres de haut rang de la monarchie saoudienne, incluant son ambassadeur de longue date à Washington, le prince Bandar Ben Sultan, un neveu du monarque saoudien actuel, le roi Salmane, ont financé Al-Qaïda. 

Les documents contiennent une déposition de Zacarias Moussaoui, la seule personne qui a été jugée coupable de participation directe dans le complot pour détourner des avions et les faire s’écraser dans le World Trade Center et d'autres cibles aux États-Unis le 11 septembre 2001. 

Moussaoui a témoigné que pendant qu'il travaillait pour le compte d'Al-Qaïda en Afghanistan dans les années 1990, il a préparé une base de données numérique des bailleurs de fonds du groupe qui incluait le Prince Bandar et deux autres princes saoudiens de hauts rangs: le prince Turki al-Faisal, le chef de longue date des renseignements saoudiens, et le prince Alwaleed Ben Talal, le président de la Kingdom Holding Company et le membre le plus riche de la famille royale. 

Il a aussi donné des détails sur son travail de messager pour Ben Laden. Il apportait des messages aux membres de la famille royale saoudienne, incluant le prince Salmane, qui était alors le gouverneur de Riyad et est maintenant le roi Salmane après avoir succédé au trône le mois dernier.

Le New York Times a publié la semaine dernière des articles qui mettaient l'accent sur les nouvelles allégations de soutien de l'Arabie saoudite pour les attaques du 11-Septembre. Cependant, cela ressemblait moins à une révélation qu'à une tentative semi-officielle de contenir l'impact du matériel qui est divulgué à travers la poursuite faite par les familles des victimes du 11-Septembre. 

C'est la raison apparente derrière le fait que les articles du Times se concentrent presque exclusivement sur Moussaoui, un témoin qui peut être plus facilement dénigré par l'establishment politique. Les documents légaux déposés à la Cour du district fédéral contiennent la déposition de Moussaoui, mais aussi bien d'autres documents, dont les allégations de complicité saoudiennes dans le 11-Septembre provenant de piliers de l'élite de Washington comme l'ancien sénateur Robert Graham de la Floride. Il a écrit: «Je suis convaincu qu'il y avait un lien direct entre au moins certains des terroristes qui ont été impliqués dans les attaques du 11-Septembre et le gouvernement de l'Arabie saoudite.» 

Graham est bien placé pour le savoir. Il a présidé la Commission du renseignement du Sénat en 2002 qui a produit un long rapport sur les attaques du 11-Septembre. Ce rapport contenait, entre autres, une section de 28 pages sur le soutien de l'Arabie saoudite aux terroristes du 11-Septembre qui a été classée secrète et ensevelie par l'administration Bush, un geste de censure qui a été appuyée et maintenue par l'administration Obama. Le sénateur Graham, qui préconisait la divulgation de ce matériel, a écrit: «Les 28 pages parlent principalement de qui a financé le 11-Septembre et elles pointent lourdement en direction de l'Arabie saoudite comme étant le principal bailleur de fonds.» 

Les preuves de la complicité saoudienne dans les attaques du 11-Septembre sont une exposition dévastatrice de la nature frauduleuse de la «guerre contre le terrorisme», l'axe de la politique de sécurité nationale des États-Unis pendant plus de 13 ans. 

L'administration Bush a utilisé les attaques du 11-Septembre comme un prétexte pour lancer une guerre contre l'Afghanistan, dont le gouvernement avait donné refuge à Oussama ben Laden, mais qui n’était aucunement impliqué dans le 11-Septembre. Le 11-Septembre a aussi été utilisé contre l'Irak, qui n'avait de lien ni avec le 11-Septembre, ni avec Al-Qaïda. Au même moment, l'Arabie saoudite, le pays qui a financé Al-Qaïda et fourni son principal chef ainsi que 15 des 19 pirates de l'air, était considérée comme un allié clé des États-Unis. 

Toute enquête officielle sur les attaques du 11-Septembre devait étouffer le rôle de l'Arabie saoudite ou bien être censurée, comme le rapport de la Commission du renseignement. Ce n'était pas seulement à propos du rôle réactionnaire de l'Arabie saoudite dans le financement et le soutien à Al-Qaïda, mais aussi des liens étroits entre les services de renseignements américains et le groupe terroriste prétendument antiaméricain – des liens qui ne sont absolument pas mentionnés dans les articles du Times.

Tout porte à croire que près de 3000 Américains ont été tués le 11 septembre 2001 avec la complicité active ou le soutien tacite de sections de l’appareil militaire et des services de renseignement américains. La CIA, le FBI et d’autres agences n’ont rien fait pour empêcher les opérations terroristes, bien que plusieurs individus impliqués étaient connus des agences de sécurité américaines et que plusieurs autres étaient activement surveillés lorsqu’ils ont planifié et exécuté le détournement simultané de quatre avions américains.

Plusieurs questions ont rapidement été soulevées à propos de la complicité des agences américaines dans les attaques du 11-Septembre. Certaines d’entre elles ont été détaillées dans une série d’articles du World Socialist Web Site il y a un peu plus de 13 ans. (Voir: Was the US government alerted to September 11 attack?)

Treize ans plus tard, ces questions demeurent sans réponse :

*Pourquoi a-t-on permis aux pirates de l’air d’entrer et sortir librement des États-Unis, même ceux qui, comme Mohammed Atta, étaient surveillés en raison de leurs relations avec Al-Qaïda?

*Pourquoi la CIA n’a-t-elle par informé le FBI de l’entrée aux États-Unis de deux associés d’Al-Qaïda au début de l’année 2001? Ceux-ci vivaient à San Diego, à la résidence d’un informateur du FBI, ont suivi des cours de pilotage, puis ont reçu des fonds provenant de donateurs saoudiens à Washington. Le nom d’un d’entre eux figurait dans le bottin téléphonique. Le 11 septembre 2001, ces deux individus faisaient partie des 19 pirates de l’air.

*Pourquoi a-t-on permis aux futurs pirates de l’air de suivre des cours de pilotage, y compris Moussaoui, qui a demandé d’apprendre à piloter un gros porteur, mais pas d’apprendre à le faire décoller ou atterrir? Lorsque les agents du FBI au Minnesota ont tenté d’enquêter sur les actions et les motifs de Moussaoui, un mois avant les attentats, les quartiers généraux du FBI ont rejeté les demandes d’inspection de son ordinateur.

*Pourquoi n’a-t-on pas réagi aux avertissements répétés des services de renseignements étrangers, y compris ceux de la Russie, d’Israël et de l’Allemagne, à propos de plans terroristes visant à détourner des avions américains pour les faire s’écraser sur des gratte-ciels?

Les crimes commis le 11 septembre 2001 ont fait près de 3000 victimes. Le 11-Septembre a ensuite été utilisé pour justifier des centaines de milliers sinon des millions de morts en Irak, en Afghanistan, au Yémen, en Syrie, en Libye et dans une dizaine d’autres pays. Puis le 11-Septembre a été utilisé comme prétexte pour la destruction des droits démocratiques aux États-Unis et dans les autres pays impérialistes, qui ont mis en place le cadre d’un État policier dans le but d’empêcher «un autre 11-Septembre».

La dissimulation des connexions saoudiennes est essentielle afin de cacher le rôle des agences américaines de renseignement dans les événements du 11-Septembre, mais aussi dans les opérations actuelles de l’impérialisme américain au Moyen-Orient, où Washington dépend de la monarchie réactionnaire saoudienne comme une de ses principales agences. Cela s’est exprimé le mois dernier lorsqu’Obama s’est rendu à Riyad pour rendre hommage au nouveau roi Salman – identifié comme l’un des bailleurs de fonds d’Oussama Ben Laden.

Les connexions saoudiennes ont été essentielles dans le développement des relations entre l’impérialisme américain et Al-Qaïda, ainsi que d’autres groupes fondamentalistes islamiques. Ces forces ont été mobilisées pour la première fois dans les années 1980 dans le cadre de la campagne de Carter et Reagan visant à renverser le régime afghan prosoviétique et favoriser la désintégration de l’URSS. Les moudjahidines – y compris Ben Laden – ont été armés et entraînés par la CIA, puis financés par l’Arabie saoudite. Plus récemment, ces forces ont été utilisées pour renverser le régime libyen de Mouammar Kadhafi et miner le gouvernement syrien du président Bashar al-Assad.

L’État islamique est lui-même un produit de cette relation insidieuse. Il a émergé dans le contrecoup fondamentaliste sunnite à l’invasion américaine de l’Irak en 2003 – avant l’invasion, il n’y avait aucune présence d’Al-Qaïda en Irak. Celui-ci est réapparu en tant que l’État islamique en Irak et au Levant, un des plus puissants groupes islamistes combattant le gouvernement syrien d’Assad, avec le soutien et la formation offerts par les États-Unis, l’Arabie saoudite et le Katar. C’est seulement lorsque les combattants de l’EI sont retournés en Irak et ont commencé à attaquer le régime fantoche soutenu par les États-Unis à Bagdad que le groupe est devenu la cible des bombes et de la propagande américaines.

Au centre de toute la «guerre au terrorisme» se trouve un mensonge monumental et éhonté: l’affirmation voulant que 19 pirates de l’air aient préparé et lancé une attaque majeure sur New York et Washington D.C sans que personne au sein du vaste appareil militaire et des services de renseignement américains n’en ait conscience. Les dernières révélations sur le rôle de l’Arabie saoudite dans les attentats du 11-Septembre est un nouveau coup porté à ce tissu de mensonges.

(Article paru d’abord en anglais le 6 février 2015)

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