Un groupe australien de la pseudo-gauche salue la victoire de Syriza en Grèce

L’organisation capitaliste d’Etat australienne Alternative socialiste (Socialist Alternative, SA) figure parmi les tendances de la pseudo-gauche qui se sont empressées sur le plan international à saluer l’issue des élections grecques. Comme en Europe et ailleurs, SA cherche à masquer les profonds dangers que renferme pour la classe ouvrière la victoire de Syriza et la formation d’une coalition gouvernementale avec le parti nationaliste d’extrême droite des Grecs indépendants.

Comme le WSWS avait averti dans la perspective du 27 janvier: «Mais la victoire électorale de Syriza n’exprime pas pour la classe ouvrière grecque ou de sa part un développement politique, une avancée, un progrès ou quoi que ce soit de ce genre. Par son origine, sa composition sociale et politique, Syriza est un parti bourgeois, un de ces partis parmi tant d’autres qui, comme les démocrates du président Obama aux Etats-Unis, arrivent au pouvoir grâce à des promesses d’ “espoir” et de “changement”, et imposent ensuite une politique d’austérité et de guerre. Syriza trahira inéluctablement, et ce, plus tôt que tard, l’aspiration cyniquement exploitée à une fin des privations et de la souffrance sociales.» (Voir: «http://www.wsws.org/fr/articles/2015/jan2015/psgr-j29.shtml»

La réponse de SA est l’exact opposé. Le 26 janvier, la publication de SA, RedFlag, avait salué cette élection comme une «victoire éclatante de la gauche en Grèce». Elle avait déclaré que Syriza s’était engagé à lancer «une série de réformes décisives» qui représentaient un «défi direct au programme néolibéral qui a dominé le capitalisme occidental au cours de ces 30 dernières années».

SA a affirmé: «Si Syriza ne fait pas marche arrière et poursuit son programme anti-austérité, cela suscitera des espoirs et des aspirations partout en Europe en risquant de provoquer un brusque virage à gauche.»

L’enthousiasme de SA découle d’années de mensonges et de falsifications visant à promouvoir des illusions dans Syriza en présentant ce parti, sur le plan international, y compris en Australie, comme un modèle pour les nouvelles formations de «gauche». Le pendant grec de SA, la Gauche ouvrière internationale (DEA), fait partie de Syriza et de son groupe Plateforme de gauche. Certains membres influents de DEA siègent au comité central de Syriza.

SA a tout fait pour étayer les affirmations de DEA comme quoi Syriza, avec Alexis Tsipras à sa tête, pourrait être poussé à gauche, sous la pression exercée par de soi-disant socialistes et «révolutionnaires» opérant au sein de cette formation bourgeoise. Les conférences de SA étaient tenues par des orateurs de DEA tandis que RedFlag publiait des recommandations enflammées de leurs activités au sein de Syriza.

Le rôle véritable joué par DEA et la Plateforme de gauche est celui d’aider la direction de Syriza à limiter toute résistance à l’austérité à des grèves générales et des rassemblements symboliques. Le potentiel révolutionnaire de l’opposition des travailleurs grecs fut bloqué, et la classe ouvrière canalisée derrière l’illusion selon laquelle les attaques à l’encontre de ses conditions de vie peuvent être inversées par l’élection d’un gouvernement capitaliste mené par Syriza.

La décision de Syriza de s’allier aux Grecs indépendants ultranationalistes, anti-immigration, favorables à l’église et jouissant de liens avec les oligarques, est un témoignage accablant pour DEA et la Plateforme de gauche, tout comme pour SA et l’ensemble du milieu international de la pseudo-gauche. Syriza est déterminé à défendre l’Etat capitaliste grec et la propriété grecque. Le choix de l’extrême droite comme partenaire indique que le parti n’hésitera pas à recourir à la violence d’Etat contre une opposition de ces mêmes travailleurs qui ont voté pour Syriza. C’est ce que souligne le fait que le dirigeant des Grecs indépendants, Panos Kommenos, a été nommé ministre de la Défense. Il jouit d’étroits liens avec l’armée, c’est-à-dire la même armée qui a dirigé d’une main de fer la Grèce de 1967 à 1974.

Le 27 janvier, le dirigeant de DEA et membre du comité central, Stathis Kouvelakis, a affirmé que la participation au parlement de Syriza «d’un seul ministre même» issu des Grecs indépendants «symboliserait la fin de l’idée d’un “gouvernement anti-austérité de gauche”». Il a remarqué que les Grecs indépendants étaient essentiellement préoccupés par la protection du «noyau dur» de l’appareil d’Etat, à savoir l’armée et la police. Il a conclu en disant que pour Syriza, «il n’existe pas de voie intermédiaire entre confrontation et capitulation» et que «le moment de vérité est à portée de main».

Le moment ne dura même pas 24 heures. Le 28 janvier, DEA a exposé sa propre capitulation devant la coalition de Syriza avec les Grecs indépendants. En faisant savoir clairement qu’il continuera de faire partie de Syriza et en restant au service de sa direction, DEA a déclaré: «Dans ces circonstances nouvelles, le rôle de Syriza en tant que parti politique est irremplaçable. Le fonctionnement de ses organes organisationnels et de ses adhérents avec une participation collective et la démocratie au sein de l’ensemble du parti n’est pas un accessoire en option, mais une condition préalable à la victoire finale de Syriza, et la victoire finale de l’ensemble de la gauche et de notre peuple.» En déclarant que Syriza était «irremplaçable», le DEA indique clairement qu’il n’y a pas de ligne qu’il ne franchira pas pour soutenir ce gouvernement bourgeois.

Les affirmations de DEA comme quoi la classe ouvrière doit être limitée à chercher à influencer Syriza, posent d’immenses dangers. Maintes et maintes fois comme tout dernièrement en Egypte, les affirmations avancées par de faux socialistes selon quoi les gouvernements bourgeois de «gauche» pourraient être incités à appliquer des réformes sociales et démocratiques n’ont servi qu’à politiquement désorienter les masses et à fournir à la classe dirigeante le temps de préparer une répression de masse et des formes dictatoriales de gouvernement. Les expériences stratégiques faites dans un pays après l’autre ont prouvé que sans un authentique parti marxiste, la lutte pour le socialisme international et l’indépendance politique totale de la classe ouvrière de toutes les factions de la bourgeoisie, la classe ouvrière subira une défaite.

SA et RedFlag sont prêts à jouer le même rôle traitre en Australie. Durant ces dernières années, SA a consacré une grande partie de son énergie à tenter de rassembler une soi-disant «gauche» unifiée qui serait en mesure d’intégrer une version australienne de Syriza. Au cours d’un séminaire conjoint avec un dirigeant de DEA et qui eut lieu lors d’une conférence en avril dernier, le membre du comité national de SA, Mick Armstrong avait déclaré: «[P]artout où des opportunités se présentent, nous devons les saisir… Il n’y a rien de semblable à Syriza actuellement à l’ordre du jour en Australie, mais à un moment donné ceci offrira une occasion, à un moment donné les choses évolueront.»

Cela signifie que toute tentative de la part d’éléments du Parti travailliste ou de l’appareil syndical en vue de regrouper l’opposition politique au sein de la classe ouvrière derrière un nouveau parti de «gauche» autoproclamé en Australie trouverait des collaborateurs enthousiastes au sein de SA. Dans des conditions d’aliénation de masse, tant du Parti travailliste que du Parti libéral traditionnel pro-patronal, la perspective n’est pas exagérée. Alors que la situation économique mondiale et nationale s’aggrave et que les dangers de guerre augmentent en Asie-Pacifique en raison du pivot américain contre la Chine qui est soutenu par l’Australie, la politique est en train de devenir de plus en plus tendue. D’ores et déjà, des divisions au sein des cercles dirigeants et des antagonismes sociaux plus larges ont vu l’établissement d’un éventail de formations populistes, chauvines et nationalistes de droite, tel le mouvement politique Palmer United Party.

En Grèce, l’homologue de SA, DEA, est directement complice de la subordination de la classe ouvrière à Syriza. La promotion prolongée de la part de SA de l’intégration de DEA au sein de Syriza fait partie de ses préparatifs pour rendre le même service pour la défense de l’Etat capitaliste australien.

(Article original paru le 29 janvier 2015)

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