L’EJIES de l’Université Humboldt commence une série de séminaires sur le retour du militarisme allemand

Lundi dernier, le premier d'une série de séminaires de l'EJIES (l’organisation des Etudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale) s'est déroulé à l’université Humboldt à Berlin (UH) sur le thème «Le retour du militarisme allemand et la falsification de l'histoire». L'EJIES présente des candidats lors des élections de l'union des étudiants du 14 au 15 janvier et a organisé une série de séminaires à l'Université dans le cadre de sa campagne.

La réunion à l’Université Humboldt

Même s'il s'agissait du premier jour de classe après les congés de Noël, une cinquantaine d’étudiants et de travailleurs ont assisté à la conférence et l’ont suivie avec un grand intérêt. L'EJIES avait invité Peter Schwarz, rédacteur en chef en Allemagne du World Socialist Web Site, qui a donné la conférence intitulée «Le débat sur la culpabilité dans la Première Guerre mondiale et la continuité de la politique étrangère allemande».

Ouvrant la réunion, Sven Wurm, le président de l'EJIES à l’UH, a expliqué pourquoi son organisation présentait quatre candidats aux élections de l'union des étudiants. Dans le passé, a-t-il expliqué, l’intérêt pour ces élections a été extrêmement faible, avec moins de 10 % des étudiants qui votaient. Cela était dû au fait que ce sont pour l’essentiel des groupes manquant de sérieux qui ont présenté des candidats.

«Nous nous présentons aux élections de l'Union des étudiants pour lutter contre le retour du militarisme allemand et nous menons notre campagne sous le slogan, «De la recherche, pas de la propagande de guerre!». Wurm a décrit comment certains professeurs essayaient de réécrire l'histoire et de relativiser les crimes de guerre de la dictature nazie. Il a cité le Professeur de l’UH, Jörg Baberowski, qui a déclaré au journal Der Spiegel il y a un an que «Hitler n'était pas un psychopathe, il n'était pas cruel. Il ne voulait pas que les gens parlent de l’extermination des juifs à sa table.»

«Nous voulons empêcher que l’Université Humboldt ne se transforme en un centre idéologique du militarisme et de la dictature», a expliqué Wurm.

Peter Schwarz a poursuivi sur ce thème, expliquant que seuls ceux qui s’appuient sur une compréhension du passé peuvent être en mesure de s'opposer à des falsifications historiques et à la propagande de guerre. Schwarz a fait référence à l'ouvrage de David North, «La Révolution russe et le XXe siècle inachevé», qui sera publié en traduction allemande au printemps. Il a cité un passage de la préface, où North écrit, «L'histoire est devenue un champ de bataille... Les conflits et les crises sans cesse croissants du XXIe siècle sont invariablement empêtrés dans des litiges concernant l'histoire du XXe siècle. Alors que les luttes politiques contemporaines évoquent des questions historiques, le traitement de ces questions est de plus en plus ouvertement déterminé par des considérations politiques. Le passé est falsifié dans l'intérêt de la réaction politique d’aujourd’hui...» La recherche historique est sans cesse davantage et vergogne subordonnée aux intérêts financiers et politiques de la classe dirigeante.

Schwarz a ensuite expliqué les débats historiques qui ont suscité de vifs conflits dans la deuxième moitié du siècle dernier. Le premier a été la dénommée «controverse de Fischer». Dans son livre de 1961, «Griff nach der Weltmacht : die Kriegszielpolitik des Kaiserlichen Deutschland, 1914-18» (Les buts de guerre de l'Allemagne impériale 1914-1918), l'historien Fritz Fischer a montré la continuité entre les aspirations géopolitiques du Reich allemand lors de la Première Guerre mondiale et les buts de guerre de Hitler lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Le deuxième débat a été le «Historikerstreit» ou «Conflit des historiens». Il a été déclenché en 1986 par un article d’Ernst Nolte, qui soutenait que les crimes nazis devaient être considérés comme une réponse compréhensible à la Révolution d'octobre, à la guerre civile russe de 1918-1921 et à la barbarie supposée du bolchevisme soviétique.

Schwarz a cité Nolte, qui décrit les actions des nazis comme une «réaction engendrée par la crainte des processus destructeurs de la Révolution russe». Nolte a soutenu que la «diabolisation du IIIe Reich ne peut être acceptée».

Dans les deux controverses, les historiens qui soutenaient que l'Allemagne soit partageait ou portait la responsabilité principale pour les deux guerres mondiales ont prévalu. Dans le premier débat, Fritz Fischer a influencé une jeune génération d'historiens qui ont ensuite considérablement contribué à la compréhension de la Première Guerre mondiale et de ses causes. Dans le second, ce furent les opposants à Ernst Nolte qui ont rejeté la relativisation qui inévitablement conduisait à la justification des crimes nazis.

«Tout cela a maintenant complètement changé», a déclaré Schwarz. La vision de l'histoire est maintenant présentée en conformité avec les nouveaux objectifs de la politique étrangère allemande, a-t-il dit.

Le professeur de théorie politique à l’Université Humboldt, Herfried Münkler, s’emploie à attaquer Fischer, a déclaré Schwarz, tandis que Jörg Baberowski, qui occupe la Chaire d'histoire de l'Europe orientale à l’UH, se concentre sur la réhabilitation de Nolte. Ce n'est pas un hasard si Baberowski a déclaré à Der Spiegel en février dernier, «Nolte a été injustement traité. Historiquement, il avait raison.»

Schwarz s’est ensuite axé sur la controverse de Fischer et a réfuté point par point les arguments de Herfried Münkler. L'affirmation selon laquelle l'Allemagne a «glissé dans» la Première Guerre mondiale ou «y est entrée comme un somnambule», comme l’a affirmé récemment l'historien australien Christopher Clark, a été réfutée par les nombreux faits et documents que Fischer a recueillis.

Schwarz a cité, entre autres, une directive du Kaiser Wilhelm de 1905, qui établit clairement que le militarisme et les préparatifs de guerre avaient également eu une fonction domestique, servant à dévier les tensions de classe croissantes et à réprimer le mouvement ouvrier socialiste. Le Kaiser Wilhelm craignait la propagation de la révolution russe en Allemagne et a ordonné à son chancelier Bülow en 1905: «Tire d'abord sur les socialistes, décapite-les et rends-les inoffensifs, si nécessaire au moyen d'un bain de sang, et ensuite fais la guerre à l'étranger.»

Schwarz a souligné d’autres éléments de preuve plus décisifs encore cités dans le livre de Fischer. En 1912, l'historien militaire Friedrich von Bernhardi a publié un livre qui a été un best-seller, intitulé «L’Allemagne et la prochaine guerre». De l’avis de Fischer, les considérations et revendications qu'il contenait reproduisaient «avec une grande précision, les intentions de l'Allemagne officielle».

«Pour assurer la percée qui devait permettre à l'Allemagne de devenir une puissance mondiale, Bernhardi répertorie trois objectifs: l'élimination de la France, la fondation d'une Union centrale d'États allemands sous direction allemande, et l’expansion de l'Allemagne comme puissance mondiale par le biais de la conquête de nouvelles colonies.»

«C'était deux ans avant le déclenchement de la guerre», a déclaré Schwarz, ajoutant que, «les présumées somnambules avaient clairement et fermement en tête les buts de guerre de l'Allemagne.»

En conclusion, Schwarz a indiqué que «Les attaques de Münkler contre Fischer sont destinées à empêcher l'étude et la compréhension des modèles historiques qui sous-tendent la politique étrangère actuelle. Ils servent à empoisonner le climat intellectuel et à étouffer l'opposition au militarisme.»

C'est précisément à cette évolution que s'oppose l’EJIES, a-t-il dit.

La présentation a suscité un intérêt considérable et des membres de l'auditoire ont posé plusieurs questions. Cela a conduit à une discussion sur pourquoi la lutte contre la guerre nécessitait la mobilisation de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste international.

La série de séminaires va se poursuivre avec une conférence intitulée, «La relativisation des crimes nazis à l'Université Humboldt». La présentation portera sur la question: pourquoi des vues qui ont provoqué à une époque une farouche opposition sont-elles maintenant largement acceptées sans critique dans le monde universitaire?

(Article paru d'abord en anglais le 7 janvier 2015)

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