Élections au Sri Lanka: Les nationalistes tamouls appuient l'opposition soutenue par les États-Unis

L'Alliance nationale tamoule (Tamil National Alliance – TNA), principal parti nationaliste tamoul au Sri Lanka apporte son soutien inconditionnel à Maithripala Sirisena, candidat d'opposition soutenu par les Etats-Unis, à l'élection présidentielle. Pendant des semaines, la TNA a retardé l'annonce qu'elle se présenterait aux élections, citant le besoin de discuter avec ses adhérents, des intellectuels et érudits tamouls. Elle a annoncé son soutien pour Sirisena à une conférence de presse le 30 décembre à l'arrivée du chef de la TNA T. Sampanthan en provenance de l'Inde.

Sampathan séjournait à New Delhi; la raison de sa visite et les personnes avec qui il a discuté n'ont pas été révélées aux médias.

Le communiqué de presse de la TNA, qui appuie Sirisena sans réserve, l'a soutenu en tant que candidat non entaché avec la mission de rétablir «les valeurs de la démocratie, la bonne gouvernance, et l'Etat de droit» qui avaient subi des attaques sans précédent sous le président Mahinda Rajapakse. Le communiqué a loué «la nouvelle culture politique basée sur la consultation et le consensus qui se développerait suite à la victoire du Candidat de l'Opposition commune».

Dans un entretien avec le Daily Mirror, Sampanthan a répété, «Nous pensons que Maithripala Sirisena rassemblera le pays en une nation. En se basant sur le bilan du président Rajapakse, rien ne nous laisse croire qu'il sera raisonnable avec le peuple tamoul».

En fait, le bilan de Rajapkse n'est pas tellement différent de celui de Sirisena. Sirisena, qui était ministre de la Santé et qui agissait parfois à titre de ministre de la Défense en l'absence de Rajapakse, a abandonné le régime pour être nommé candidat de l'opposition. Il est autant responsable des crimes pendant la guerre civile et des attaques contre la classe ouvrière. Sirisena est depuis 1967 membre du parti au pouvoir le Sri Lanka Freedom Party (SLFP) et sert comme secrétaire général du parti depuis les dix dernières années.

Le SLFP, qui a été fondé en 1951en prônant l'idéologie communautariste cingalaise, a gagné les élections législatives en 1956 et a adopté le projet de loi «Sinhala Only Act» (cingalais unique langue d'Etat), ce qui a davantage institutionnalisé les discriminations contre les minorités et qui a mené aux premières violences importantes contre les Tamouls en 1958.

Sirisena a accusé Rajapakse d'avoir exterminé la démocratie, favorisé sa famille et ses amis politiques, et d'avoir abusé du pouvoir présidentiel, ce qui a mené à la dictature. Cependant, il est muet sur la décision de Rajapakse de relancer la guerre raciste contre les Tamouls en 2006 qui a fini par les tueries de masse et la défaite du LTTE en 2009. L'offensive militaire sans pitié menée avec l'aide diplomatique et militaire des Etats-Unis, de l'Inde et de l'Union européenne a eu comme conséquence le massacre brutal de milliers de civils et l'incarcération de plus de 280.000 personnes dans des camps de détention de l'armée.

Sirisena a insisté dans plusieurs déclarations sur le fait que son administration ne lèverait pas l'occupation militaire du Nord, ni ne soutiendrait une enquête judiciaire internationale sur les crimes de guerre, ni n'engagerait des négociations pour la dévolution de pouvoirs au Nord et à l'Est.

Dans une conférence de presse le 5 janvier, Sirisena a annoncé que le soutien des partis minoritaires, la TNA et le Congrès musulman du Sri Lanka (Sri Lanka Muslim Congress – SLMC) pour sa candidature était basé sur un accord sur son manifeste de 100 jours, qui promet la suppression de la présidence exécutive et d'autres réformes constitutionnelles. Il n'a signé aucun accord avec des partis minoritaires pour la solution de leurs problèmes. «Je n'ai aucune intention de retirer l'armée du Nord. En tant que président, la sécurité nationale sera ma responsabilité», a-t-il dit.

L'attitude de Sirisena par rapport aux minorités musulmanes ne diffère aucunement de celle de Rajapakse. Ses déclarations représentent plutôt une approche plus dure: s'il était élu, il serait encore plus brutal que Rajapakse envers les minorités et la classe ouvrière.

Néanmoins, le soutien inconditionnel de la TNA pour Sirisena indique qu'elle aussi fait partie du projet de changement de régime façonné par Washington. TamilNet commente: «La hiérarchie de la TNA a reçu l'ordre de forces externes de soutenir Maithiripala Sirisena. R. Sampanthan de la TNA et l'ancienne présidente du Sri Lanka Chandrika Kumaratunga ont établi un accord clandestin sur la contribution de la TNA au changement de régime.

Aux élections présidentielles de 2010, Washington a formé une coalition similaire de partis d'opposition qui a soutenu comme candidat présidentiel le général Sarath Fonseka, qui avait dirigé l'armée pendant la guerre civile. Des documents récents de WikiLeaks révèlent que sa candidature était aussi une tentative de Washington de vaincre Rajapakse.

L'ambassadrice américaine Patricia A. Butenis et le président du Congrès musulman du Sri Lanka Basheer Segu Dawood ont créé une coalition du United National Party (UNP) de droite, du SLMC, de la TNA et d'autres partis d'opposition en appui à la candidature de Fonseka. La TNA voulait bien adhérer à la coalition, mais au début ne voulait pas accepter Fonseka. Samapathan a dit à Butenis qu'il soutiendrait «les Rajapaksa avant Fonseka comme un moindre mal». Comment Butenis s'y est-il pris pour que Sampathan soutienne Fonseka n'a pas été révélé dans le document.

Depuis la fin de la guerre, la TNA travaille en conformité avec «le pivot vers l'Asie», le renforcement militaire de l'administration Obama et son offensive diplomatique contre la Chine. Washington a cyniquement mené campagne sur les violations des droits de l'homme et les crimes de guerre que le gouvernement Rajapakse a commis avec le soutien des Etats-Unis pendant les dernières étapes de la guerre civile en parrainant une résolution au Conseil des droits de l'homme de l'ONU (UNHRC). La résolution a été adoptée en mars 2014 et le Bureau du Haut Commissariat des droits de l'homme a commencé ses investigations préliminaires en juin 2014.

Le but de cette enquête n'est pas de punir les crimes de guerre où Washington lui-même est impliqué, mais plutôt d'intensifier la pression sur le gouvernement sri lankais pour qu'il rompe ses liens avec la Chine et se range derrière les Etats-Unis.

La TNA a soutenu la résolution parrainée par les Etats-Unis. En novembre 2011, Sampathan a conduit une délégation de la TNA pour une visite de 10 jours aux Etats-Unis à l'invitation du département d'Etat américain. Des diplomates américains en visite au Sri Lanka ont rencontré régulièrement des dirigeants de la TNA. Manifestement, la décision de la TNA de soutenir Sirisena inconditionnellement est encore une tentative de s'appuyer sur l'impérialisme américain pour obtenir un accord politique qui était impossible sous Rajapakse.

La TNA recherche un règlement avec l'impérialisme qui permettrait à la vénale bourgeoisie tamoule davantage de possibilités d'exploiter les travailleurs et les pauvres tamouls. Elle vise un arrangement de partage de pouvoir communautariste entre les élites cingalaises et tamoules, réalisé par la dévolution du pouvoir dans le Nord et l'Est de l'île aux dépens des travailleurs.

Le Parti de l'égalité socialiste (PES) en appelle aux travailleurs et jeunes d'expression tamoule à rejeter le candidat soutenu par la TNA Sirisena, et aussi Rajapakse, et à voter pour notre candidat, Pani Wijesiriwardena.

(Article paru d'abord en anglais le 7 janvier 2015)

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