Syriza remporte les élections législatives en Grèce

La Coalition de la gauche radicale (SYRIZA) est arrivée en tête, dimanche 25 janvier, d’élections législatives qui ont été un vaste désaveu électoral de la politique de l’Union européenne (UE) et du gouvernement sortant du premier ministre conservateur Antonis Samaras.

Selon de premières estimations du ministère grec de l’Intérieur, Syriza avait recueilli 36,34 pour cent des voix, plus qu’il n’avait été prévu, dépassant de loin les 27,84 obtenus par le parti de Samaras, Nouvelle Démocratie (ND). Grâce à la prime de 50 sièges de députés accordés au parti crédité du plus grand nombre de voix, Syriza devrait se voir attribuer 149 sièges au parlement contre 76 à ND, soit deux sièges de moins que les 151 requis pour une majorité absolue, le parlement grec comptant 300 sièges. Selon toute apparence, Syriza devra trouver des partenaires pour former un gouvernement de coalition.

Le parti néonazi Aube dorée devrait finir en troisième position avec 6,30 pour cent des voix (17 sièges), le parti To Potami (La Rivière) recueillant 6,03 pour cent (16 sièges) et le Parti communiste de Grèce (KKE) stalinien 5,47 pour cent (15 sièges). Le PASOK social-démocrate n’a obtenu que 4,72 pour cent (13 sièges) et les Grecs indépendants, une scission de ND, 4,68 pour cent (13 sièges).

Les électeurs ont dénoncé par les urnes la politique d’austérité de l’UE, qui a entraîné une catastrophe économique d’une ampleur sans précédent en Europe depuis la dissolution de l’URSS en 1991. Depuis 2009, les suppressions d’emplois et les coupes budgétaires ont condamné des millions de Grecs au chômage, les privant de soins de santé; elles ont réduit la production économique du pays de 25 pour cent et les salaires de plus encore. Le taux de chômage des jeunes a grimpé à 60 pour cent.

Ce désaveu électoral des partis de gouvernement traditionnels de la classe capitaliste grecque, PASOK et ND, traduit une colère de masse face à l’austérité dictée par les banques. Syriza, toutefois, est un parti bourgeois attaché à l’UE, à l’euro et à la défense du capitalisme. S’il a vaguement promis d’améliorer la vie en Grèce, il a aussi mené d’intenses discussions en coulisses pour trouver un arrangement avec les banques européennes.

Lors du discours prononcé à l’université d’Athènes après sa victoire, le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, a dit vouloir trouver une « nouvelle solution viable » pour la Grèce et l’Europe. « La Troïka, c’est du passé, » a-t-il dit en faisant référence à l’UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire International (FMI) qui ont organisé la politique d’austérité avec les gouvernements d’Athènes.

Cependant, Tsipras a vite promis de collaborer avec les bailleurs de la Grèce, dont les plus importants sont les instances qui constituent la « troïka ». Il a dit que le futur gouvernement grec serait « prêt à négocier une solution mutuellement acceptable avec [les] bailleurs » et « prouverait que tous les oiseaux de mauvais augure avaient tort. Il n’y aura pas de conflit avec les partenaires. »

Ce commentaire reprenait la promesse déjà faite qu’un gouvernement Syriza « maintiendrait l’équilibre budgétaire et respecterait les objectifs quantitatifs fixés. »

L’objectif principal de Tsipras est de conclure une sorte de marché avec les banques européennes, qui comporterait une révision des termes de remboursement de la dette grecque. Certains secteurs de la classe dirigeante aux Etats-Unis et en Europe craignent en effet qu’une telle révision ne soit nécessaire afin de garantir un remboursement des obligations grecques.

Des responsables en Allemagne, pays à la tête de la campagne contre tout relâchement des mesures d’austérité, ont souligné qu’il n’y aurait pas de répit à l’assaut visant les travailleurs grecs. Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, la puissante banque centrale allemande, a insisté pour que le gouvernement grec ne « fasse pas de promesses dont le pays n’a pas les moyens. »

Toutes les discussions sur le cours de la politique à suivre se font dans le cadre d’une défense du capitalisme grec et européen. Tsipras espère tout au plus une concession quelconque qu’il puisse brandir comme une victoire, afin de gagner du temps et de préparer une nouvelle attaque de la classe ouvrière.

Le principal défi auquel est confrontée la classe ouvrière en Grèce et ailleurs est de comprendre la véritable dimension de la lutte politique qu’elle a devant elle. Avec un gouvernement Syriza, les travailleurs affrontent un ennemi déterminé. Même son programme de Thessalonique (Voir : « SYRIZA avance un programme pour sauver le capitalisme grec et européen »), qu’il s’apprête à abandonner rapidement dans les pourparlers avec ses « partenaires » européens, n’avait promis de consacrer que 2 milliards d’euros aux nouvelles dépenses sociales alors que l’UE a supprimé plus de 60 milliards d’euros des budgets grecs depuis 2009.

Dans la période précédant l’élection, les responsables de Syriza s’étaient affairés en coulisses pour rassurer journalistes, économistes et politiciens quant au fait qu’une victoire électorale ne représentait aucun danger pour les banques. Le site Internet européen EurActiv a ainsi écrit: « La clé de l’ascension de Syriza, ont dit en privé les responsables, est un effort calculé entrepris pour modérer le discours radical de gauche qui avait incité Der Spiegel à faire figurer Tsipras parmi les hommes les plus dangereux d’Europe en 2012. »

Il y a deux jours, dans une interview accordée au Financial Times, l’ancien dirigeant de Syriza, Alekos Alavanos, avait indiqué que le parti ne constituait pas un danger pour les banques. « Même le prédécesseur de M. Tsipras à la tête de Syriza, Alekos Alavanos, se demande si le discours du parti est à la hauteur de ses intentions, » a conclu ce journal et cita la remarque d’Alavanos comme quoi Syriza « [était] maintenant un parti modéré. »

L’économiste Jean-Marc Daniel a été rassurant sur 20minutesTV et a dit que Syriza ne nuirait pas à long terme aux portefeuilles d’actions des nantis et des super riches. « Les bourses n’aiment guère les débuts des gouvernements de gauche, mais elles se reprennent au fur et à mesure qu’ils abandonnent leur programme. Ce qui est frappant avec Alexis Tsipras, c’est qu’il a déjà mis de l’eau dans son vin, » a-t-il dit.

Si les représentants du capital financier affirment aussi ouvertement et avec autant d’assurance que Syriza n’est pas une menace pour eux, c’est parce que Syriza a été passé au crible par les banques et les services de renseignement. Depuis que Syriza a fait son apparition en 2012 comme une force électorale majeure en Grèce, Tsipras a rencontré publiquement l’armée grecque et s’est rendu de façon répétée dans les principales capitales de la zone euro, et à Washington – après s’être dit un admirateur de la politique économique du président Obama.

Aucune solution à la crise à laquelle est confrontée la classe ouvrière grecque ne pourra être trouvée dans le cadre du programme pro-capitaliste et nationaliste de Syriza. Ce qui est nécessaire, c’est la construction d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière sur la base d’une perspective internationaliste et socialiste.

(Article original paru le 26 janvier 2015)

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