États-Unis: Le syndicat des métallurgistes conclut une entente à rabais et cherche à mettre un terme à la grève des travailleurs du pétrole

Le Syndicat des métallurgistes unis (United Steelworkers, USW) a annoncé jeudi qu’il a conclu une entente de principe avec le négociateur principal, Royal Dutch Shell, qui serait la base pour une convention collective de quatre ans qui couvre 30.000 travailleurs dans l’industrie américaine du pétrole.

L’accord a été conclu au moment où la grève partielle de 6500 travailleurs dans 7 États atteignait la fin de sa sixième semaine. L’USW a dit que le piquetage va continuer jusqu’à ce que les membres des locaux aient ratifié les accords qui leur seront présentés par le reste de l’industrie.

Toute entente conclue par l’USW dans les circonstances où la grève a été menée ne peut constituer qu’une misérable trahison. Le syndicat a bloqué la mobilisation de tous les travailleurs du secteur pétrolier et a permis aux géants de l’énergie de maintenir leur production tout en menaçant de remplacer les grévistes par des «travailleurs de relève». Ce n’est pas les compagnies qui ont reculé, mais le syndicat, qui a décidé qu’un accord rapide était nécessaire pour empêcher que la grève échappe à leur contrôle.

De manière prévisible, l’USW a fait l’éloge de l’accord en le présentant comme une «victoire» et le président de l’USW International, Leo W. Gerard, a dit: «D’aucune façon nous n’aurions pu obtenir de vastes améliorations au niveau de la sécurité au travail et des effectifs» sans la «solidarité de nos membres».

Ce n’est qu’un mensonge éhonté. Les travailleurs ont fait grève et ont sacrifié des semaines de salaires et d’assurance-maladie pour mettre un terme aux quarts de travail très long et non sécuritaire dans une industrie dangereuse et pour récupérer les années de revenus perdus dans des hausses de salaire inadéquates et dans des cotisations énormes à l’assurance-maladie. Les travailleurs ont lutté pour des emplois à temps plein pour la prochaine génération et pour renverser la tentative de l’industrie de transformer la force de travail en une main d’œuvre temporaire et au bon gré de l’employeur, sans heures garanties, sans assurance-maladie et sans retraites.

Rien de cela n’a été conclu dans l’entente. Plutôt, elle appelle à la «revue immédiate des effectifs et des tâches assignées, le personnel sur la sécurité au travail de l’USW étant impliqué dans tous les établissements», selon une déclaration du syndicat. L’entente stipule également la mise sur pied de «révisions conjointes au niveau local des besoins futurs en effectifs» et de «plans d’embauche à développer conjointement avec le recrutement et les programmes de formation».

En d’autres termes, les «vastes améliorations au niveau de la sécurité au travail et des effectifs» signifient la prolifération d’encore plus de comités de concertation syndicats/entreprises qui sont répandus dans l’industrie de l’automobile, de l’acier et autres. Ces comités sont mis en place pour faire augmenter les profits et la «compétitivité» des entreprises et non pour rendre l’environnement de travail plus sécuritaire ou protéger le gagne-pain des employés.

Ces comités corporatistes établis par l’USW n’ont rien fait pour prévenir les désastres à la raffinerie de BP à Texas City ou à celle de Tesoro à Anacortes dans l’État de Washington en 2005 et en 2010 et n’ont rien fait non plus pour empêcher la subordination quotidienne de la sécurité et de la santé des travailleurs aux profits des géants du pétrole.

Plutôt, ces comités représentent des voies lucratives de carrière pour les responsables syndicaux.

«C’est un jeu que je vois depuis des décennies dans les affaires des syndicats des raffineries», a dit au World Socialist Web Site un travailleur de la raffinerie d’ExxonMobil à Beaumont au Texas. «Il y a toutes sortes de comités de concertation sur la santé et la sécurité, pour la vérification des comptes, le fonctionnement et d’autres choses. C’est un acronyme après l’autre et c’est de la foutaise. Plusieurs des responsables syndicaux au niveau local adhèrent à ces comités pour gravir les échelons.»

Ajoutant l’insulte à l’injure, l’USW a apparemment accepté une augmentation d’un maigre 12 pour cent sur quatre ans, ce qui représente à peine le niveau d’inflation. Les travailleurs recevraient 2,5 pour cent la première année, 3 pour cent la deuxième et la troisième année et 3,5 pour cent la quatrième année. L’entente donne également le feu vert aux compagnies pour qu’elles continuent de forcer les travailleurs à payer au moins 20 pour cent de leurs dépenses en santé.

On parle ici d'une industrie dont les cinq plus grosses sociétés – ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et ConocoPhillips – ont engrangé 90 milliards de dollars l'an dernier et qui continue de verser des milliards en salaires, en dividendes et en rachats d'actions à ses plus riches investisseurs.

Il est évident que d'autres concessions et arrangements en faveur de la direction seront révélés dans l'entente.

Dès le début, l'appareil de l'USW négociait dans ses propres intérêts et non dans ceux des travailleurs de la base. Il n'a déclenché la grève que dans le but de dissiper la colère largement répandue parmi les travailleurs qui s'opposent à des années de reculs, réalisés avec l'aide les syndicats, qui ont entraîné l'érosion des conditions de vie et de travail ainsi que des normes de sécurité. Le syndicat a limité la grève qu'à une petite partie des travailleurs qu'il représente dans l'industrie et a collaboré avec la direction pour priver les grévistes de ressources jusqu'à ce qu'ils capitulent en refusant de véritablement puiser dans son fonds de grève de 350 millions de dollars.

«Le 30 janvier, nous pensions que les 30.000 travailleurs allaient sortir en grève, mais le syndicat n'a appelé la grève qu'à quelques raffineries», a dit le travailleur du pétrole de la raffinerie Beaumont.

L'USW s'est empressé d'en arriver à une entente – qui n'a toujours pas été confirmée par Shell au moment d'écrire ces lignes – en raison de la croissance de l'opposition chez les travailleurs de la base et la multiplication des demandes pour une grève à la grandeur du pays. Une indication que la trahison se préparait a été la campagne de plus en plus virulente d'intimidation de l'USW à l'endroit du World Socialist Web Site, qui a lutté pour l'expansion de la grève et pour la plus vaste mobilisation de la classe ouvrière aux États-Unis et internationalement en défense des travailleurs du pétrole.

L'USW, qui entretient d'étroites relations avec les sociétés et l'administration Obama, est déterminé à mettre un terme à la grève avant qu'elle ne devienne le catalyseur d'un plus vaste mouvement de la classe ouvrière. Dans le contexte d'un boum des profits des grandes sociétés et des marchés boursiers, une percée des travailleurs du pétrole serait une véritable inspiration pour les cinq millions d'autres travailleurs dont les conventions collectives arrivent à échéance cette année, y compris, les dockers, les enseignants, les travailleurs de l'auto, des télécommunications, des postes et autres.

Un tel mouvement pourrait rapidement se développer en une confrontation politique avec l'administration Obama, dont la principale politique économique est, en collaboration avec les syndicats, de sabrer les salaires et les coûts de la santé et des retraites.

L'USW – dont le président Leo Gerard fait partie du comité patronal d'Obama sur la compétitivité – était déterminée à empêcher à tout prix une telle confrontation.

L'USW va maintenant faire pression sur les unités locales de négociations pour qu'elles signent l'entente et envoyer le message que les sections locales qui ne le font pas vont être laissées à elles-mêmes pour affronter l'industrie pétrolière dans son ensemble.

Pour ne pas que les sacrifices et la lutte des travailleurs mènent à une entente pourrie, les travailleurs de la base doivent maintenant commencer à organiser une campagne visant à rejeter l'entente au niveau local et étendre la grève nationalement. Les travailleurs devraient élire des comités d'action, dirigés par les travailleurs de la base et entièrement indépendants des dirigeants serviles pro-patronat de l'USW, prendre la lutte en main et chercher l'appui des plus vastes sections de travailleurs.

La mobilisation industrielle de la classe ouvrière doit être liée à la construction d'un mouvement politique visant à défendre les droits sociaux des travailleurs – des emplois décents, bien payés et sécuritaires, la santé, l'éducation et la culture – contre les politiques prédatrices de la classe dirigeante et de ses représentants politiques de deux partis de la grande entreprise. En opposition à l'inégalité sociale créée par le capitalisme, la classe ouvrière doit se faire le champion de la réorganisation socialiste de l'économie, y compris la nationalisation des monopoles du pétrole sous le contrôle démocratique des travailleurs.

Le World Socialist Web Site exhorte les travailleurs du pétrole et leurs partisans à contacter le WSWS pour aider à coordonner et diriger la lutte contre cette entente à rabais et développer de nouvelles organisations de lutte industrielle et politique.

(Article paru d'abord en anglais le 13 mars 2015)

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