La Cour constitutionnelle espagnole suspend la résolution sécessionniste catalane

Le 11 novembre, la Cour constitutionnelle espagnole (CC) a voté à l'unanimité d’accepter le recours du gouvernement espagnol visant à suspendre la résolution indépendantiste adoptée par le parlement catalan. 

La CC a également envoyé notification personnelle de la décision à vingt-et-un membres du gouvernement et au parlement catalans et a averti, « Vous êtes informés de votre devoir de prévenir ou d'arrêter toute initiative qui implique le refus ou le contournement de la suspension, et avertis des fautes, y compris pénales, desquelles vous pourriez être tenus responsables ».

Au cas où le gouvernement catalan ou le parlement venaient à prendre des mesures allant vers une sécession dans les cinq prochains mois, la durée de la suspension, en attendant la procédure concernant le recours du gouvernement, ces vingt-et-une personnes s’exposeraient à des amendes. 

La Cour a toutefois refusé de faire usage de nouveaux pouvoirs que lui octroie une loi passée il y a peu à la hussarde par le gouvernement de Mariano Rajoy au parlement espagnol et spécifiquement adaptée à la crise de la sécession catalane. Cette loi permet à la Cour d'informer des individus qu'ils pourraient être suspendus de leurs fonctions dans les cas avérés de désobéissance aux décisions de la Cour. 

C’est précisément une telle notification que le gouvernement Rajoy avait demandée.

Quelques minutes après la publication de la décision de la Cour, la vice-présidente intérimaire du gouvernement catalan, Neus Munté, a convoqué une conférence de presse pour la rejeter, critiquant « l'utilisation par le gouvernement du système juridique pour tenter d'étouffer l'aspiration des citoyens catalans à la liberté et à la démocratie ». 

« Nous remplissons un mandat du parlement légalement constitué, avec débat et vote à la majorité absolue des députés en faveur d'une résolution qui lance le processus vers la création de notre propre Etat », a-t-elle poursuivi. 

Néanmoins, après avoir voté une résolution sécessionniste, le parlement catalan a du mal même à former un gouvernement pour l’appliquer. Jeudi, il a rejeté pour la deuxième fois Artur Mas comme président du gouvernement catalan. 

Le parti pseudo de gauche pro-sécession Candidature d'Unité Populaire (CUP) dont le vote est requis par la coalition plus importante d’Ensemble Oui, dirigée par Mas, pour former une majorité absolue, élire un président et faire avancer le projet sécessionniste, a rejeté Mas pour la seconde fois. Mas a même tenté de proposer une présidence moins forte avec des vice-présidents forts, et de se soumettre à un vote de confiance après 10 mois. 

Pour le moment, la CUP poursuit sa politique de non soutien à Mas, un politicien largement méprisé pour avoir présidé pendant quatre ans à des mesures d'austérité sauvages en Catalogne. La CUP continue de défendre Ensemble Oui, un parti pro-austérité, mais veut se débarrasser de Mas; une stratégie cynique pour dissimuler le caractère réactionnaire, pro-austérité de sa propre orientation politique. 

Mais la CUP a aussi fait signe qu'elle pourrait conclure un accord avec Mas. Lors du vote de jeudi, elle a réduit sensiblement la force de ses appels à voter contre Mas. Le leader de la CUP, Antonio Baños, a déclaré à la tribune parlementaire, «Nous votons ‘non’ sereinement, ce qui ne ferme rien, mais ouvre plutôt la porte ». 

Baños a considéré la proposition de Mas «positive» et insisté pour dire que son parti était conscient que la discorde était le «problème principal dans la lutte nationale». Il a souligné que le vote contre Mas ne devait pas être interprété comme une scission dans les rangs des forces séparatistes et dit: «Nous ne tomberons pas dans le piège de nous diviser, parce que nous avons un objectif commun» qui, a-t-il ajouté, était «très proche». 

Une assemblée des membres de la CUP pour décider de la position du parti aura lieu le 29 novembre. Un échec à parvenir à un accord entre les deux partis avant le 10 janvier signifierait la tenue de nouvelles élections régionales, trois mois après les précédentes. 

Une crise monte dans les classes politiques de Madrid et Barcelone par rapport à laquelle la classe ouvrière a largement gardé ses distances. Des politiciens pro-austérité discrédités manœuvrent dans les deux villes pour l'avantage politique dans une incertitude de plus en plus grande sur les implications et le résultat final de ces manœuvres. 

Les partis catalans pro-sécession signalent toujours qu'ils pourraient aller de l'avant avec la sécession en dépit des obstacles et, plus significatif encore, indépendamment du fait qu'ils n'ont remporté que 48 pour cent des voix aux dernières élections catalanes et qu'ils n'ont pas de mandat populaire pour une sécession. 

Pour le moment cependant, ils n'ont pas pris de mesures impliquant une rupture d'avec l'Espagne, comme une déclaration unilatérale d'indépendance, un appel à la loyauté de la police régionale, un appel à la population à cesser de payer ses impôts à Madrid ou la mobilisation de manifestations pro-indépendantistes. 

L'establishment politique espagnol lui, signale qu'il pourrait faire des concessions à la bourgeoisie catalane bien que des sanctions légales sévères soient également une option. 

En refusant d'invoquer ses pouvoirs nouvellement acquis, la Cour constitutionnelle oblige le gouvernement espagnol à s’adresser une fois de plus à elle et à demander la suspension des individus qui, a son avis, désobéissent aux décisions de la Cour. Cette mesure visant à ralentir les procédures du gouvernement espagnol contre les séparatistes catalans semble calculée pour permettre aux négociations entre Madrid et Barcelone de se poursuivre et de suivre leur cours. 

Le leader du Parti socialiste Pedro Sanchez a dit que lui et le premier ministre conservateur Mariano Rajoy étaient prêts à « mettre quelque chose sur la table sans préalable après les élections générales du 20 décembre » en Espagne, signe à l'intention de Mas de revenir aux négociations. 

Cette déclaration fait partie de la coordination en cours entre le gouvernement Rajoy et les socialistes, le plus grand parti d'opposition, pour répondre à la crise en Catalogne et pour chercher à mobiliser autant de poids politique que possible contre la campagne pour l'indépendance.

Alors qu'ils explorent l'arsenal juridique à leur disposition en Catalogne, certains responsables du gouvernement Rajoy intensifient aussi leurs menaces. Ils parlent ouvertement de prendre le contrôle de la police régionale, de couper le crédit au gouvernement catalan et même de suspendre carrément l'autonomie régionale de la Catalogne et de placer celle-ci sous le contrôle direct de Madrid. 

(Article paru en anglais le 13 novembre 2015)

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