Attaque drastique des retraites par Syriza qui impose les termes du renflouement dicté par l’UE

Dans la nuit du 16 octobre, les législateurs grecs ont voté la mise en oœuvre d’une première série de coupes sociales selon les termes du renflouement austéritaire de l’Union européenne (UE) accepté en juillet par le premier ministre Alexis Tsipras. Tsipras s’est appuyé sur les 154 députés du gouvernement de coalition entre son parti, Syriza (Coalition de la gauche radicale), et le parti d’extrême droite Grecs indépendants, afin de faire passer la mesure au parlement, qui compte300 sièges.

L’UE exigeait que la Grèce prenne des soi-disant « mesures préalables » afin d’obtenir la première tranche de €2 milliards de son renflouement complet qui ajoute un total de €86 milliards à la dette souveraine de la Grèce. Les « mesures préalables » incluent des coupes profondes dans les retraites, des augmentations d’impôt pour les agriculteurs, la privatisation des aéroports régionaux grecs, et des mesures pour enrayer l’évasion fiscale.

Le gouvernement Syriza travaille en étroite collaboration avec l’UE afin d’éliminer les droits sociaux fondamentaux gagnés par la classe ouvrière européenne au 20e siècle. Après que l’Union européenne et le gouvernement grec ont déjà convenu en 2011 d’éliminer l’assurance maladie universelle, exigeant que les chômeurs payent pour leurs soins, Syriza prépare ce qui revient à une liquidation du droit à une retraite financée par l’État.

Les retraites vont être coupées en augmentant les pénalités frappant les retraites anticipées et en imposant une nouvelle réduction de 20 pour cent de la retraite minimum pour les nouveaux retraités, qui sera réduite de 486 € à 392 € par mois.

L’impact de cette réduction sera en lui-même dévastateur. 45 pour cent des retraités grecs vivent en dessous du seuil officiel de pauvreté et la retraite mensuelle moyenne en Grèce est passée, sous l’effet des coupes, de 1.350 € en 2009 à 833 € cette année. Un quart des travailleurs étant de surcroît au chômage en Grèce, les retraités constituent souvent le seul revenu de familles entières et la saignée des retraites créera des ravages dans la vie de millions de personnes de tous âges.

Ces mesures ne sont toutefois que le prélude à une attaque de plus grande envergure sur les retraites qui doit être débattue dès la semaine prochaine.

Selon des propositions envoyées jeudi au ministre du Travail Giorgios Katrougalos, le système de retraite actuel doit être remplacé par un système mixte, comprenant à la fois une retraite de base et une retraite contributive. La retraite de base, actuellement fixée à 360 € par mois, serait sous condition de ressources, les retraités plus riches recevant moins que l’allocation complète, tandis que la taille de la retraite contributive reflètera la taille des cotisations de retraite versées par le retraité au cours de sa vie active.

La réforme des retraites, que Syriza a promis de présenter à l’UE d’ici la fin de l’année, doit être soumise pour discussion aux « partenaires sociaux », c’est-à-dire la fédération patronale grecque et les bureaucraties syndicales.

Le comité des soi-disant « Sages » qui a élaboré la proposition ne dit pas concrètement ce que signifieront ces coupes impopulaires des retraites pour les retraités. Bien qu’ils aient été chargés de fournir un rapport actuariel sur les finances du programme proposé, le quotidien de droite Kathimerini s’est plaint de ce que ce rapport « n’était pas chiffré et laissait au gouvernement le soin de trancher sur toutes les questions difficiles, comme la réduction des retraites, les nouveaux impôts, l’ajustement des contributions et les critères de revenu pour le niveau des retraites. »

Les experts ont fait observer le manque de temps pour assembler les statistiques nécessaires — ce qui souligne encore plus que le projet n’a pas été dicté par un examen objectif des besoins sociaux de la population grecque, mais par l’ordre du jour économique destructeur de l’UE et de Syriza.

Malgré l’absence de statistiques, cependant, ces propositions visent clairement à jeter les bases politiques de la destruction des retraites publiques. En imposant au système de la retraite de base le contrôle des ressources, on rendra de plus en plus négligeable la proportion de la retraite de base dans la pension des contribuables aisés ou riches, sapant ainsi le soutien de la classe moyenne supérieure pour la retraite de base; on prépare ainsi le terrain pour l’éliminer complètement à long terme.

Le débat au Parlement grec sur les « mesures préalables » où chaque parti majeur avait préalablement déclaré son soutien aux mesures d’austérité profondes de l’UE, a été une farce cynique. S’adressant au parlement, Tsipras a défendu son ordre du jour contre des critiques, toutes tactiques, des politiciens droitiers de l’opposition.

« Il n’y a pas de nouvelles mesures, il y a simplement les mesures difficiles que nous savions tous quand nous avons voté pour l’accord en août, » a-t-il dit. « Qu’est-ce que vous prétendez être aujourd’hui? Contre le mémorandum? Pendant cinq ans, vous avez accepté de faire ce que les prêteurs vous ont dit, sans négocier. »

L’hypocrisie des critiques droitiers de Tsipras est éclipsée par celle de Tsipras et Syriza. Ils ont gagné une élection en janvier sur la promesse de mettre fin au mémorandum d’austérité de l’UE et ils ont organisé un référendum sur l’austérité de l’UE dans lequel le « non » l’emporta avec 61 pour cent des voix. Conformément aux intérêts de sa base dans la classe moyenne aisée, Syriza adopte maintenant à la hâte, au détriment de la classe ouvrière, une série de mesures d’austérité et de renflouement des banques pour sauver les banques grecques et les liens de la Grèce avec l’UE et l’OTAN.

Une femme a crié à Tsipras au parlement, « Le peuple grec a voté Non, » en agitant un T-shirt maison avec le slogan « Vous avez dégradé la démocratie. »

En même temps que Syriza commence à mettre en œuvre la première des principales nouvelles coupes sociales convenues avec l’UE, la masse des travailleurs se trouve face-à-face avec la trahison politique de Syriza et de ses supporters dans les partis « de la gauche radicale » au plan international.

Ces forces, qui s’affichent comme des « militants » ou des « anti-capitalistes » ont longtemps dominé les manifestations de masse et les grèves organisées par les syndicats contre l’austérité de l’UE, tout en insistant pour que les travailleurs subordonnent leurs revendications à ce que pourraient donner des négociations entre l’UE, l’État grec et les syndicats. Maintenant, il est de plus en plus clair que tous ces partis et ces institutions, Syriza inclus, visent à imposer des attaques historiques à la classe ouvrière.

Exploitant le manque d’opposition organisée de la classe ouvrière à leur politique, ils ont limité les manifestations anti-austérité à ce qui pouvait être concilié avec le cadre de l’UE; c’est-à-dire qu’ils ont totalement étranglé ces protestations. L’ordre du jour de classe qui sous-tend cette politique est apparu quand Tsipras a franchement exposé son agenda pro-patronal lors de son récent voyage aux États-Unis.

Interrogé par l’ancien président américain Bill Clinton lors de la Clinton Global Initiative à New York si l’argent des investisseurs était bien en sécurité en Grèce sous le gouvernement Syriza, il a répondu: « Les investisseurs étrangers sont les bienvenus, et ils trouveront un gouvernement avec un mandat clair pour imposer le changement au pays... En quelques années, la Grèce deviendra une destination de choix pour les investissements étrangers, ceci est mon opinion et mon désir. »

Comme le montre sa politique de retraite, Tsipras a l’intention d’attirer les investissements en offrant le travail à bon marché de travailleurs grecs privés de tous les droits sociaux et revenus à des conditions d’exploitation qu’on n’a plus vues en Europe occidentale depuis des décennies.

(Article paru d’abord en anglais le 17 octobre 2015)

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