Hollande applaudit les mesures d'austérité de Syriza au parlement grec

Le président français s'est rendu en Grèce jeudi et vendredi, afin d'apporter son soutien au premier ministre Alexis Tsipras, fraichement réélu le mois passé après une campagne pro-austérité menée par Syriza (la « Coalition de la gauche radicale »). Plusieurs PDGs français l'ont accompagné, espérant acheter des biens publics grecs à bas prix selon les termes du plan d'austérité négocié entre Syriza et l'Union européenne en juillet. 

Les éloges faits à Syriza par Hollande, dont le gouvernement est profondément impopulaire à cause de sa propre politique d'austérité, sont une référence supplémentaire dans l’émergence de ce parti en tant qu'outil politique du capital financier grec et international. 

Hollande a tenté d'obtenir de sa visite un rendement politique maximal. Il a vu le président grec, Prokopis Pavlopoulos, qui l'a remercié « infiniment » de son aide lors des négociations avec l'UE, car Hollande s'était opposé à une expulsion de la Grèce de la zone euro. Si Hollande s'est en effet opposé au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, partisan d'une expulsion de la Grèce, son rôle était néanmoins réactionnaire: le ministre français des Finances a rédigé le premier jet des mesures d'austérité dévastatrices imposées à la Grèce en juillet. 

Loin des clichés médiatiques sur la France comme force pour la « résistance », Hollande visitait Tsipras afin d'applaudir ses attaques contre les travailleurs et permettre aux élites dirigeantes de continuer à imposer l'austérité non seulement en Grèce mais en France et à travers l'UE. 

Au parlement grec, Hollande a déclaré: « Venir ici à Athènes pour un président de la République française, pays où sont nés les droits de l'homme, pays ou la Révolution française a été une espérance, bien au-delà de ce qu'étaient à l'époque ses frontières, venir ici à Athènes c'est aussi saluer la leçon de démocratie que vous nous avez donnée ces derniers mois. Cette leçon, c'est celle d'un pays attaché à sa dignité ». 

« La démocratie », a-t-il ajouté, « c'est donner au peuple les moyens de faire le choix en toute lucidité, de la responsabilité et de la volonté ». 

De qui Hollande se moque-t-il ? Syriza a donné au monde l'exemple non pas de la démocratie, mais de comment tromper et fouler aux pieds la volonté du peuple. Élue en janvier sur la promesse de mettre fin aux programmes d'austérité de l'UE, Syriza a ensuite négocié davantage d'austérité. Syriza a ensuite méprisé un autre vote populaire, le « non » retentissant au réferendum sur l'austérité en juillet, organisé par elle pour tenter d'obtenir un blanc-seing populaire pour sa politique, en imposant un nouveau plan d'austérité approuvé par Berlin et par Paris. 

Comparer de pareils crimes politiques à la Révolution française ou à la naissance des idées démocratiques en Grèce est une absurdité réactionnaire. 

« Je sais que les réformes sont exigeantes, nous en menons tous, y compris en France, dans l'intérêt de la préservation de l'avenir », a dit Hollande. « Ces réformes sont nécessaires, non seulement pour rétablir les comptes, mais pour garantir l'avenir des jeunes, de l'industrie, de la compétitivité, des services publics ». 

La vérité, ressentie par les travailleurs, est totalement différente. L'hémorrhagie d'emplois, d'investissement et de dépenses sociales condamne des millions au chômage, a désindustrialisé de vastes régions et dévaste les services publics en Grèce, en France et dans toute l'Europe. 

Alors que la colère sociale monte contre ces politiques désastreuses, Hollande et Syriza travaillent main dans la main pour empêcher l'éruption de luttes dans la classe ouvrière. 

Aucune élite dirigeante d'Europe n'a plus peur que celle de la France. A la fin de 2014, peu avant la victoire électorale de Syriza, un sondage a conclu que le taux d'approbation de la politique économique du PS n'était que de 3 pour cent. La bourgeoisie française était terrifiée. Après l'intervention violente des travailleurs au comité d'entreprise d’Air France au début du mois, l'ancien président Nicolas Sarkozy a évoqué le « délitement » de l'État et la « chienlit » de la grève générale de mai 1968. 

Quant à Syriza, elle a rejeté tout appel aux travailleurs d'Europe pour qu’ils se mobilisent contre l'austérité par solidarité avec la Grèce ou pour faire tomber des gouvernements hostiles tels que celui de Hollande. Syriza ne voulait pas mobiliser la seule force sociale, le prolétariat international, qui avait intérêt à stopper l'austérité et en avait la capacité. 

Syriza s'est empêtrée dans des négociations avec l'EU, tout en déclarant publiquement qu'elle accepterait au final l'offre de l'EU pour éviter de se voir expulser de la zone euro. Ceci a préparé sa reddition à l'UE et sa poursuite de la politique d’imposition du diktat d'austérité voulue par les classes dirigeantes d'Europe. 

Ce faisant, Syriza bloquait une lutte contre l'austérité non seulement en Grèce, mais en France et à l'international. Cette expérience souligne le rôle réactionnaire des partis de la petite bourgeoisie aisée, tels que Syriza ou les satellites politiques du PS, dont le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, lié à Syriza dans le cadre du Parti de la gauche européenne. 

Quand Syriza est arrivée au pouvoir en janvier, le gouvernement PS en France savait qu'il n'allait pas mener une politique révolutionnaire. Cependant, il craignait que les travailleurs en France ne considèrent l'élection de Syriza comme le début d'une contre-offensive plus large contre l'austérité menée par des forces politiques ailleurs en Europe. 

Quand Hollande a invité Tsipras à Paris le 4 janvier, des responsables de son gouvernement lui ont fait savoir qu'il ne pourrait s'afficher publiquement avec personne en dehors du PS. 

« On n’entame pas un dialogue avec les partis d’opposition », a dit un responsable PS au Monde. « Quand tu reçois quelqu’un, tu le légitimes. Si on l’avait reçu [Tsipras] il y a deux ans, le gouvernement grec de l’époque l’aurait mal pris. Et s’il faisait la même chose, nous, on le prendrait très mal. » 

Sans surprise, vu qu'ils craignaient un mouvement de travailleurs contre l'austérité autant que Hollande, Tsipras et Mélenchon ont obéi et se sont bien gardés d'organiser une rencontre.

 

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