Les travailleurs du secteur public québécois dénoncent les reculs exigés par les Libéraux

La manifestation est passée par le centre-ville de Montréal pour se terminer devant le bureau montréalais du premier ministre Couillard.

Environ 150 000 travailleurs et jeunes de toutes les régions du Québec ont participé à la manifestation organisée par l'alliance intersyndicale du Front commun. Des travailleurs des hôpitaux, des techniciens médicaux, des fonctionnaires, des enseignants et du personnel administratif étaient présents, ainsi que des membres de leurs familles, des étudiants et des retraités.

La participation massive est un autre indice de l'étendue de l'opposition parmi la classe ouvrière au programme d'austérité du gouvernement libéral de Couillard.

Depuis qu'ils sont retournés au pouvoir en avril 2014, les Libéraux ont coupé des milliards dans les services publics, ont mis la hache dans les retraites des travailleurs municipaux et ont imposé des hausses significatives des frais de garderie et des tarifs d'électricité.

Maintenant, le premier ministre Philippe Couillard et la troïka d'anciens banquiers qu'il a installée confortablement dans les principaux ministères économiques de la province cherchent à imposer un recul historique au demi-million et plus d'employés des secteurs public et parapublic que compte le Québec. Cela signifie, entre autres, un gel de salaire sur deux ans, une hausse de l'âge de retraite, une baisse des pensions et une augmentation de la charge de travail.

C'est un secret de polichinelle que le gouvernement se prépare à contrer toute action sérieuse de la part des travailleurs du secteur public avec une loi spéciale, une loi qui criminaliserait toute grève ou arrêt de travail et qui imposerait des reculs par décret ministériel.

En 2014, le gouvernement libéral nouvellement élu a annoncé qu'il rendrait illégale à l'avance toute action des travailleurs de la construction de la province pour défendre leurs emplois et leurs conditions. Le mois dernier, il a annoncé qu'il changerait le code du travail de la province afin de permettre aux municipalités d'imposer des conventions collectives unilatéralement à leurs employés si les négociations entrent dans une «impasse».

Tandis que le gouvernement, appuyé et encouragé par l'élite économique du Québec et du Canada, se prépare à une bataille en règle, les syndicats font tout pour contenir la colère des membres de la base et saboter l'opposition grandissante de la classe ouvrière aux mesures d'austérité des Libéraux. Cela comprend des appels au Parti québécois (PQ), un parti de la grande entreprise, et à son nouveau chef, le patron anti-ouvrier notoire de l'empire Quebecor des médias et des télécommunications, Pierre-Karl Péladeau.

Les syndicats du Front commun ont demandé et obtenu un fort mandat de grève, mais pour seulement six jours de grèves tournantes, à être organisées sur une base régionale ou provinciale.

Au même moment, les bureaucrates syndicaux veulent éviter à tout prix une discussion sur les préparatifs du gouvernement pour illégaliser toute grève et la réponse que devraient fournir les travailleurs dans ce cas.

À la fin de la manifestation de samedi, les chefs syndicaux ont appelé le gouvernement à négocier de bonne foi, réaffirmant leur objectif d'arriver à une entente négociée.

«Nous, on croit à la négociation», a déclaré le président de la CSN, Jacques Létourneau. «On pense qu'on est capable d'en arriver à une entente négociée, mais c'est clair que si le gouvernement ne bouge pas, comme il le fait depuis un an, la mobilisation va s'intensifier. C'est clair que la colère des travailleuses et travailleurs se fait sentir de plus en plus.»

Les menaces démagogiques des chefs syndicaux d'organiser des perturbations socio-économiques ont été accueillies par des applaudissements bruyants de la part des travailleurs, qui sont prêts à répliquer au gouvernement.

Les partisans du Parti de l'égalité socialiste (Canada) ont distribué 2000 exemplaires d'une déclaration intitulée: «Préparons la désobéissance aux lois syndicales: Les questions politiques liées à la lutte contre l'austérité».

La déclaration explique qu'en s'opposant à l'austérité du gouvernement Couillard, les travailleurs défient le programme de toute l'élite capitaliste et entrent en conflit avec le gouvernement, ses lois anti-ouvrières et tout l'appareil répressif de l'État. Elle incite les travailleurs à prendre en main la conduite de la lutte contre l'austérité et à rompre avec la bureaucratie syndicale pro-capitaliste. Elle explique que les travailleurs du secteur public doivent faire de leur lutte le catalyseur d'une contre-offensive de toute la classe ouvrière au Québec et partout au Canada pour la défense des programmes sociaux et pour le développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, basé sur la lutte pour un gouvernement ouvrier.

Plusieurs des participants à la manifestation de samedi à être interviewés par le World Socialist Web Site étaient critiques de la stratégie de grèves tournantes des syndicats. Certains étaient inquiets d'apprendre que les syndicats se préparaient à utiliser l'imposition d'une loi spéciale pour court-circuiter l'opposition de masse au gouvernement Couillard, comme ils l'ont fait en 2005. À ce moment, le gouvernement libéral de Charest avait imposé par décret ministériel un contrat de sept ans qui sapait les conditions de travail des employés du secteur public.

«C’est important de montrer qu’on n’est pas content», a dit Jean-François, un travailleur en construction. «Il y a des coupures partout mais nous sommes directement affectés par l’austérité car ma femme est enseignante dans une classe spécialisée.» 

Annick, sa femme, a ajouté: «On est touchés en éducation, spécifiquement avec les élèves en difficulté. Juste dans notre commission scolaire à Val des sœurs, ils ont coupé 15 classes spéciales. Ils maximisent les ratios dans les classes. 

«L’austérité n’est pas imposée qu’au Québec. En Grèce on voit que l’austérité est extrême. 

«Ce n’est pas juste une question libérale. C’est dans la même lignée que les conservateurs et le NPD. Il faut s’élever au-delà de ça et écouter le public, nous les travailleurs.» 

Samuel, un technicien en radiologie à l’Hôpital de Verdun à Montréal, a dit qu’il prenait conscience que, étant donnée la répression par le gouvernement de la grève étudiante de 2012, une loi spéciale d’urgence pour briser la grève est «définitivement une possibilité». 

Il a aussi discuté de l’impact de coupes budgétaires successives: «Chaque fois que les haut-placés prennent des décisions, nous on le vit directement, physiquement, que ce soit avec les postes coupés, les budgets qu’ils nous enlèvent, ou qu’ils ne nous donnent tout simplement pas. Les coupures prennent la forme de surcharge de travail, d’appareils désuets ou tout simplement d’appareils manquants.» 

Camille et son ami Louis-Philippe

Camille, une étudiante à l'université, a dit que les coupes budgétaires à l’Université Laval à Québec avaient eu pour conséquence moins de soutien pour les étudiants. «L’austérité, a-t-elle poursuivi, est une mesure idéologique, ils veulent privatiser les services à fond de train. 

«Ils seront prêts à imposer une loi spéciale, comme ils l’ont fait aux étudiants. Il faut un appel plus large à toute la population, car l’austérité coupe dans les services dont tous bénéficient. 

«Ça ne touche pas juste les travailleurs du secteur public. La population doit être mobilisée. Six jours, ce n’est pas suffisant. Si toute la population arrêtait tout en même temps, ça aurait un impact incroyable.»

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