L’UAW part en campagne pour repousser l’opposition à son deuxième bradage chez Fiat Chrysler

Après la défaite retentissante de sa première tentative d’imposer un contrat de quatre ans préservant les intérêts des constructeurs automobiles et de son appareil, le syndicat UAW (United Auto Workers) fait à nouveau campagne pour battre la résistance des 40.000 travailleurs de Fiat-Chrysler.

Juste avant que n’expire le délai du « préavis de grève », à minuit le 8 octobre, l’UAW a annoncé qu’elle avait conclu une entente de principe avec les négociateurs de FCA et annulé le débrayage prévu. Le président de l’UAW, Dennis Williams, a déclaré aux journalistes vendredi que l’accord était « l’un des contrats les plus riches que nous ayons jamais négociés. »

Le « vendeur en chef » du contrat, comme Reuters a surnommé Williams, « a dit aux journalistes qu’il avait mal interprété l’intensité avec laquelle les travailleurs de deuxième rang, moins payés, voulaient une voie directe vers le salaire maximum plutôt qu’un pont qui les en rapproche. Il aurait dû prévoir plus de temps jusqu’au vote de ratification précédent. »

Les dirigeants d’unions locales de l’UAW ont dit au Wall Street Journal que des réunions de ratification sont actuellement prévues pour le 20 et 21 octobre. Des réunions d’information auront lieu cette semaine. L’union locale 1.268 à Belvidere, Illinois et l’union locale 7 de l’usine de montage de Jefferson North à Detroit, par exemple ont prévu des réunions « d’explication nationale du contrat, » le mardi 13, et les jeudi et vendredi 15 et 16 octobre, respectivement.

Avec la complicité des médias patronaux, l’UAW a cherché à vendre le contrat comme une suppression progressive du système haï des salaires et prestations à deux vitesses, d’abord accepté par l’UAW en 2007, puis étendu comme condition préalable du plan de sauvetage de l’industrie de l’administration Obama, en 2009. Actuellement, 45 pour cent de la main-d’œuvre de FCA ou quelque 17.000 salariés sont de ‘deuxième rang’, ne gagnant qu’un peu plus de la moitié du salaire des travailleurs dits « anciens », embauchés avant 2007.

Loin d’abolir ce système, une revendication importante des travailleurs de l’automobile, dans l’accord proposé, un travailleur de deuxième rang devra attendre huit ans avant d’atteindre 29 dollars de l’heure. En d’autres termes, il faudrait à un travailleur nouvellement recruté jusqu’en 2023 pour gagner nominalement à peu près le même salaire horaire qu’un travailleur de ‘premier rang’ actuellement. Il n’y aurait pour ces travailleurs aucun changement dans les soins de santé et la retraite de qualité inférieure. Selon l’UAW, c’est là une « voie directe vers les salaires traditionnels. »

Cela veut dire en réalité que l’UAW et l’entreprise mettent en place un « salaire traditionnel » nouveau et inférieur qui deviendra la norme, une fois que les travailleurs plus âgés et mieux rémunérés seront poussés dehors par un mélange d’accélérations des cadences, de politique d’absentéisme plus sévère, de régimes de préretraite et de restructuration. Puisque ces travailleurs de premier rang n’ont pas reçu d’augmentation en plus d’une décennie, le résultat final sera un gel de deux décennies des salaires des travailleurs de l’automobile.

De plus, le nouveau salaire maximum peut très bien être plus proche des $25.35 de l’heure inclus dans le premier contrat rejeté par les travailleurs. Comme le site web Forbes l’a noté, « Le contrat de principe sur lequel les travailleurs voteront n’a qu’une durée de quatre ans, jusqu’en 2019. L’UAW fait une promesse pour l’avenir qui n’aura pas lieu pendant la durée de cet accord... Mais comme l’ont montré les 40 dernières années, de nombreux aspects des contrats UAW ont été mis de côté, temporairement suspendus ou modifiés avant que les contrats ne s’achèvent. Congés personnels payés, allocations de subsistance, salaires et couverture médicale ont tous été affectés dans l’une ou l’autre entreprise. »

C’est exactement ce que l’UAW a fait quand elle a laissé tomber son engagement, contenu dans les « points forts » du Contrat UAW-FCA de 2011, de rétablir le plafond de 25 pour cent pour les travailleurs de deuxième rang, une mesure qui aurait transféré, le 15 septembre 2015, 7.000 travailleurs moins bien payés au ‘premier rang’.

Il existe déjà une large opposition à cette capitulation. Comme un travailleur de FCA à Detroit l’a dit au « Bulletin du travailleur de l’automobile » du WSWS : « Nous devons rester ensemble et nous battre! Voilà la seule façon de voir un réel changement. Nous nous battons pour notre avenir. Cette deuxième offre de contrat est tout aussi irrespectueuse que la première! J’espère que les travailleurs de second rang le comprendront – huit ans, vraiment? Ils ne verront jamais ces $29 d’ici la fin de ce contrat de quatre ans; ils le modifieront! L’UAW c’est de la foutaise! S’il vous plaît, ne vous faites pas avoir! La seule façon de gagner est de lutter ensemble. »

Un jeune travailleur de l’usine de montage Ford de Chicago a exprimé ce même sentiment et dit: « Les gens sont prêts à se défendre. Ce nouveau contrat ne suffit pas. Il continue le manque de respect et tout le monde veut l’égalité. Les entreprises gouvernent le monde. C’est une lutte mondiale. Je travaille dans des équipes de relève et je fais tellement d’heures supplémentaires que je ne vois plus mon jeune fils. Nous devons nous défendre. Soyez juste envers les retraités. Donnez-nous ce qu’on mérite. »

L’affirmation que l’UAW a arraché des concessions massives à FCA par des manœuvres de coulisses et des grèves réprimées est une fraude. En plus de maintenir plusieurs catégories de salaires, tous les autres aspects de l’accord de quatre ans sont conçus pour détruire les avancées acquises par les travailleurs de l’automobile dans les luttes de nombreuses générations.

* Après avoir subi un gel des salaires de dix ans, les salariés les mieux payés reçoivent une augmentation insultante de six pour cent sur les quatre ans à venir sans restauration du coût de la vie. S’ils avaient reçu des augmentations pour le coût de la vie et l’« amélioration d’usine » annuelle de trois pour cent traditionnellement contenues dans les contrats de l’UAW, ils gagneraient $51,04 de l’heure en ce moment, au lieu de $28,50.

* Les maigres augmentations de salaires seront annulées par la hausse des franchises des soins de santé quand la taxe Cadillac d’Obama sur des plans médicaux, prétendument trop généreux, prendra effet en 2018. L’UAW a accepté d’aider FCA à « réduire les coûts » notamment par l’introduction de centaines de dollars de franchises pour les travailleurs qui refusent de signer pour les régimes de santé de qualité inférieure.

Si l’UAW a temporairement abandonné sa proposition de Mutuelle de santé gérée par le syndicat, il a à cœur de la relancer. Des responsables de l’UAW-GM distribuent déjà « Un argumentaire pour la mutuelle » pour escroquer les travailleurs de GM. L’accord comprend aussi une entente entre l’UAW et FCA pour transférer le régime de santé des travailleurs de Blue Cross Blue Shield à un autre fournisseur, avec la claire intention de réduire les coûts et la couverture.

* L’accord continue la pratique de substituer les augmentations de salaire par de la participation aux bénéfices et autres ‘primes’. Ces dernières sont non seulement soumises aux taxes et déductions de cotisations syndicales, mais n’améliore pas les taux horaires des salaires utilisés pour calculer les heures supplémentaires, congés payés, pensions et autres prestations. Le principal objectif des constructeurs automobiles, de Wall Street et de l’UAW a été d’éviter toute augmentation des coûts salariaux fixes.

La rémunération future sera de plus en plus étroitement liée à la productivité et à « l’engagement des travailleurs, » ouvrant la voie à une version 21e siècle du « travail aux pièces ». Au lieu d’augmentations de salaire, les moyens de subsistance des travailleurs seront l’otage des bénéfices des sociétés, c’est-à-dire qu’ils devront payer pour les crises économiques et les décisions à courte vue et souvent criminelles de dirigeants d’entreprise sur lesquels les travailleurs n’ont aucun contrôle. Comme le souligne le patron de FCA, Sergio Marchionne, les travailleurs doivent « partager la baisse comme la hausse de la société. »

* Le contrat accepte la destruction de près de 3.000 emplois à l’usine de camions de Warren dans la banlieue de Detroit et dans d’autres usines. Marchionne n’a pas caché qu’il voulait faire de FCA un partenaire plus attractif en vue d’une méga-fusion pour éliminer de la « surcapacité » et partager les coûts d’investissement, ce qui pourrait déclencher une consolidation supplémentaire de l’industrie automobile mondiale, au prix de dizaines de milliers d’emplois.

Selon l’accord, l’UAW a aussi le pouvoir de revoir les accords locaux et imposer les reculs qu’elle voudra pour améliorer « la compétitivité » de l’usine. Cela ne fera qu’accélérer la lutte fratricide entre les travailleurs pour savoir qui va travailler pour le salaire le plus bas et les pires conditions.

* Les horaires de travail alternatifs détestés (AWS) et le non paiement des heures de travail supplémentaires en fin d’équipe sont maintenus. Cela laissera les travailleurs à la merci d’horaires de travail exténuants et des dommages causés à la vie physique, mentale et familiale des travailleurs.

Au cours des deux prochaines semaines, l’UAW, les sociétés et les médias vont intensifier leurs efforts pour paniquer les travailleurs et leur faire soutenir ce contrat. Malgré tout son baratin sur « les membres qui décident », l’UAW a cherché à réduire l’opposition en augmentant la prime à la signature de $3.000 à $4.000 pour les travailleurs du premier rang. La nouvelle version comprend une augmentation de salaire plus élevée pour les travailleurs du second rang ayant le plus d’ancienneté dans le but de diviser et d’affaiblir l’opposition puissante exprimée par le « non » initial.

Ces deux dernières semaines, Wall Street a fait monter les actions FCA de $12,21 à plus de $15 par action dans une démonstration de confiance à l’adresse de FCA. Néanmoins, les initiés s’inquiètent des signes d’une rébellion des travailleurs contre une UAW qui a longtemps servi à réprimer l’opposition aux diktats des entreprises. « Si (les membres de l’UAW) ne votent pas pour cela, alors leurs attentes sont trop irréalistes et je ne sais pas s’ils peuvent avoir un contrat à Chrysler », a déclaré Art Schwartz, ancien négociateur de GM et président de Labor and Economics Associates à Ann Arbor, Michigan.

Ce qui est réaliste ou irréaliste ne peut être déterminé que par le cours de la lutte. Une lutte menée par les travailleurs de l’automobile est gagnable, mais pas avec l’UAW. L’initiative lancée par les travailleurs pour vaincre le premier bradage, qui comprenait des travailleurs échangeant des informations tirée du « Bulletin du travailleur de l’automobile » du WSWS et d’autres sources sur Facebook et d’autres médias sociaux, devrait être portée à l’étape suivante. Des comités d’usine doivent être organisés dans chaque usine pour retirer la conduite de cette lutte à l’UAW.

Ces comités devraient établir des lignes de communication entre les usines de FCA pour faire campagne pour la défaite du deuxième accord de capitulation et s’unir avec GM, Ford, les travailleurs des équipementiers et des couches plus larges de travailleurs aux États-Unis et à l’étranger.

La lutte pour renverser le régime des salaires de misère et la dictature de l’élite patronale et financière sur la société exige une contre-offensive industrielle et politique par la classe ouvrière contre les deux partis de la bourgeoisie, les syndicats pro-patronaux et le système de profit qu’ils défendent.

(Article paru d'abord en anglais le 12 octobre 2015)

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