Perspectives

L'entente entre l'UAW et Fiat Chrysler: un complot contre les travailleurs de l'auto

La conférence de presse commune de Fiat Chrysler (FCA) et l'United Auto Workers (UAW) marque une autre étape dans le complot du patronat et des syndicats contre les travailleurs de l'automobile. À la veille de l'annonce d'un accord de principe pour les 36.000 travailleurs de FCA, le syndicat se prépare aussi rapidement que possible à faire accepter l'entente, avec des votes prévus au début de la semaine prochaine.

Les travailleurs doivent être avertis: absolument rien de ce que dit l'UAW ne peut être pris au mot. L'intention du président de l'UAW Dennis Williams et le reste des cadres qui gèrent l'organisation est d'obscurcir et embellir les immenses reculs et imposer le contrat avant que les travailleurs aient eu le temps d'étudier son contenu et ses conséquences. Ceci va paver la voie à des ententes similaires chez General Motors et Ford.

Lors de la conférence de presse, Williams et le directeur général de FCA Sergio Marchionne ont refusé de révéler un quelconque détail de l'entente. Néanmoins, ses composantes de base sont évidentes si on se fie à ce qui a été rapporté dans les médias. Celles-ci incluent:

* Une forte réduction permanente du salaire de base pour les travailleurs de l'automobile:

Sous prétexte de «combler l'écart» entre les travailleurs expérimentés (niveau 1) et les novices (niveau 2), le plafond des salaires pour les travailleurs de niveau 2 serait graduellement augmenté pendant huit ans pour les faire passer de 19.28 $ l'heure à approximativement 25 $ l'heure. Il s'agit d'un montant bien inférieur aux 28 $ l'heure que gagnent présentement les travailleurs de niveau 1, qui ont enduré une décennie de gel des salaires qui a fortement réduit les salaires réels (ajustés à l'inflation). Le résultat sera une force de travail qui gagnera considérablement moins que ce que les travailleurs des trois principaux constructeurs recevaient il y a une décennie.

À travers des ententes de «partage de profit», les augmentations de salaire symboliques seront de plus en plus associées à une exploitation accrue. Au même moment, l'UAW a déjà indiqué qu'elle se prépare à accepter un troisième niveau de travailleurs encore moins bien payés dans les usines.

* Un assaut fondamental sur les prestations de santé pour les travailleurs actuels

L'UAW et FCA ont souligné tous deux la nécessité de «trouver une façon de gérer l'augmentation des coûts de l'assurance maladie» (Willians) et trouver «une solution rentable pour gérer les coûts de l'assurance maladie» (Marchionne). Dans la cadre de propositions qui visent à faire porter encore plus le fardeau du régime de santé par les travailleurs, l'UAW appelle à la création d'un fonds d'assurance maladie pour les travailleurs actuels modelé d'après le Voluntary Employees’ Beneficiary Association (VEBA) géré par les syndicats et instauré pour les retraités en 2007. La compagnie verserait bien moins au fonds ce qu'elle paye présentement pour l'assurance maladie, déléguant à l'UAW la responsabilité de réduire la couverture et les services, comme elle l'a fait pour les retraités.

L'UAW acquerrait le contrôle d'un régime de santé étendu d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, créant une nouvelle source de revenus pour les bureaucrates syndicaux.

* Une autre restructuration de l'industrie de l'automobile:

À la conférence de presse, Marchionne a déclaré que l'aspect économique de l'entente était relativement sans importance comparé aux questions «d'utilisation des capitaux» auxquelles fait face l'industrie de l'automobile. Il s'agit d'une référence aux plans d'une possible fusion entre FCA et GM, ce qui entraînerait la destruction de milliers d'emplois. Le Wall Street Journal a indiqué mercredi que les négociations avaient en partie pour but de tester si [Marchionne] pouvait se fier au président de l'UAW Dennis Willians en tant qu'allié pour sa vision plus large.» Williams pourrait bien essayer de faire la promotion d'une telle entente lors des négociations à venir avec GM.

La conférence de presse de mardi, tenue au centre de formation conjoint UAW-Fiat Chrysler, a été un spectacle de collusion entre le patronat et le syndicat. Elle a démontré que les intérêts des travailleurs sont exclus des négociations. Les deux parties négociantes, Chrysler Fiat et l'UAW, sont des entreprises qui tirent leurs revenus de l'exploitation des travailleurs, le syndicat jouant le rôle de fournisseur de main d’œuvre et de police industrielle pour l'entreprise. Les négociations doivent décider comment les deux parties se partageront le butin provenant des baisses de salaires, de l'augmentation de la cadence de travail et de la destruction des avantages sociaux des travailleurs.

Williams et Marchionne se sont félicité l'un et l'autre, ont célébré «l'alignement d'intérêts» entre l'entreprise et le syndicat et ont parlé de la fin de toute «relation adverse». Le syndicat et l'entreprise espèrent tous deux utiliser la nouvelle entente pour cimenter leur alliance corporatiste, Marchionne ayant déclaré que l'UAW «a accompli ce que je considère être l'étape suivante nécessaire pour notre industrie».

Un aspect essentiel de la conspiration entre l'entreprise et le syndicat est de tenir les travailleurs dans l'ignorance. Les tapes dans le dos que se donnent mutuellement Williams et Marchionne ont exposé le prétexte du syndicat selon lequel il doit garder le secret afin de lutter pour les travailleurs contre la direction. Le but du silence médiatique est d'entretenir le doute parmi les membres de la base et, tel que l'espèrent l'entreprise et le syndicat, de semer la discorde et la démoralisation chez les travailleurs.

Les sociétés et l'UAW savent qu'ils confrontent une main d'oeuvre profondément hostile à leurs manigances. À l'aube de la conférence de presse, la UAW devait recourir à des menaces à l'usine d'assemblage de Warrent Truck FCA afin d'empêcher les travailleurs de faire la grève quand le contrat a expiré à minuit lundi.

L'UAW a également empêché des reporters du World Socialist Web Site de participer à la conférence de presse de mardi. Ceci est conforme à la campagne d'intimidation menée par les représentants syndicaux contre les reporters du WSWS et les courriels de représentants syndicaux avertissant les travailleurs de ne pas «croire tout ce que vous entendez ou lisez». Le syndicat tente désespérément d'empêcher que la vérité atteigne les travailleurs.

Afin de mener une lutte contre cette nouvelle trahison et défendre leurs intérêts, les travailleurs de FCA, GM et Ford doivent s'organiser dès maintenant. Ils doivent former des comités de la base, indépendants de l'UAW, dans toutes les usines afin de discuter de l'entente, développer des liens de communication avec d'autres usines et mobiliser l'opposition. Le WSWS exhorte les travailleurs à rejeter les frauduleuses «clauses principales de l'entente» que l'UAW veut présenter et soutient que les travailleurs doivent avoir accès au document en entier des semaines à l'avance de tout vote. Ils doivent rejeter les tentatives d'opposer les travailleurs les uns aux autres et d'utiliser les maigres bonus de signature (supposément 3000 $) qui servent de pression pour que les travailleurs acceptent une sévère attaque contre leurs salaires et avantages sociaux.

Une lutte victorieuse des travailleurs requiert une compréhension des forces qui s'opposent à eux. Derrière les sociétés et leur assaut intensifié contre les salaires et les avantages sociaux se trouvent les grandes banques et les investisseurs de Wall Street: l'aristocratie financière. Après avoir reçu des milliers de milliards de dollars du gouvernement à la suite de la crise économique de 2008, la classe dirigeante est déterminée à forcer les travailleurs à payer pour les dettes massives qui ont été accumulées.

Toute la politique officielle, tant démocrate que républicaine, se range du côté des grandes entreprises et des banques. L'administration Obama a intensifié l'assaut sur les travailleurs de l'automobile à travers la restructuration de GM et Chrysler en 2009, ce qui a étendu le régime à deux niveaux et imposé des coupes profondes dans les avantages sociaux des travailleurs et des retraités. La restructuration du régime de santé proposé par l'UAW est conforme à l'«Obamacare» dont le but est de démanteler l'assurance maladie fournie par l'employeur et réduire les coûts de l'assurance maladie pour les sociétés et le gouvernement.

L'UAW a depuis longtemps cessé d'être une organisation ouvrière. Elle s'est transformée en une entreprise dont les intérêts financiers sont liés à l'augmentation de l'exploitation de la classe ouvrière. Avec le fonds d'assurance maladie VEBA, le syndicat s'est établi en tant que fournisseur d'assurances et un principal actionnaire des constructeurs automobiles. L'extension de ce fonds et son application aux travailleurs actuels signifient que les cadres de l'UAW auront un incitatif encore plus grand à faire fructifier la valeur des actions des constructeurs automobiles.

Les travailleurs de l'auto ont des alliés puissants: la classe ouvrière en entier, aux États-Unis et internationalement. Partout, les travailleurs confrontent les mêmes pressions, la même attaque coordonnée, qu'il s'agisse des métallos, des travailleurs des télécommunications ou des instituteurs aux États-Unis, ou des travailleurs et des jeunes en Europe, en Amérique latine et en Asie.

En plus de la mobilisation de la puissance industrielle de la classe ouvrière, il doit y avoir une nouvelle stratégie politique. Toute lutte pour défendre les emplois et les niveaux de vie est une lutte politique contre les sociétés et le gouvernement et nécessite une rébellion contre les syndicats. Toutes ces institutions défendent le système capitaliste, qui est enraciné dans l'exploitation de la classe ouvrière dans l'intérêt du profit patronal. Le WSWS et l'Autoworker Newsletter s'engagent à aider les travailleurs de l'automobile à mener cette lutte.

(Article paru en anglais le 17 septembre 2015)

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