Après le bombardement sanglant d'une usine

L'Arabie Saoudite et les Emirats préparent une invasion du Yémen

L’agression sur le Yémen par l’Arabie Saudite, soutenue par les États-Unis qui dure depuis six mois, continue d’avoir un effet dévastateur sur la population civile du pays. Au moins 36 travailleurs ont trouvé la mort dimanche dernier quand un avion saoudien a bombardé une usine d’embouteillage dans le district d’Abs.

Des témoins ont déclaré avoir tiré les dépouilles carbonisées de dizaines de travailleurs des décombres de l’usine. « On a fini de récupérer les cadavres de 36 travailleurs, dont beaucoup étaient brûlés ou en morceaux, suite à un raid aérien qui avait frappé l’usine ce matin, » a déclaré un habitant de Hajjah, Issah Ahmed, à Reuters par téléphone.

Les frappes aériennes dans la guerre dirigée par l'Arabie Saoudite au Yémen contre les milices Houthies et leurs alliés ont fait de nombreuses victimes civiles. Le bombardement d'une usine de produits laitiers et de jus de fruits dans la ville portuaire de Hodeida en avril a tué au moins 37 travailleurs et en a blessé 80 autres. Depuis le mois de mars, l’offensive anti-Houthi a fait plus de 4.300 victimes, dont au moins la moitié étaient des civils.

Les Saoudiens et leurs alliés ont bombardé des quartiers résidentiels, des usines, des ports, des écoles, des hôpitaux et lds marchés. Leur campagne pour réinstaller le président Abd Rabbuh Monsour Hadi au pouvoir a le soutien du gouvernement américain.

Amnesty International a publié un rapport en août pour documenter de potentiels « crimes de guerre par toutes les parties, » dont des bombardements sur une école qui servait d'abri, sur un marché, et sur un dortoir pour les travailleurs.

Avec le soutien des forces fidèles à l’ancien dictateur Ali Abduallah Saleh, les milices Houthi ont pu consolider leur contrôle de nombreuses régions occidentales du Yémen en mars, dont la ville portuaire d’Aden. Ils ont forcé Hadi à se réfugier en Arabie saoudite, où il a établi un gouvernement en exil. Les Saoudiens accusebt l’Iran de soutenir les Houthis, mais l’Iran nie d’avoir fourni du matériel militaire aux Houthis.

Une campagne quasi continue de frappes aériennes, jouissant de l'aide des renseignements, de la logistique et des avions ravitailleurs américains, soutient une invasion au sol par des troupes des Émirats arabes unis (EAU) et d’Arabie saoudite ainsi que leurs alliés yéménites

Selon le Wall Street Journal, les EAU mènent secrètement une guerre dans le sud du Yémen depuis la fin de juillet. Une centaine de ses troupes avec des véhicules blindés non marquées se sont rendues à Aden et ont joué un rôle clé dans l’expulsion des Houthis de la ville.

La coalition préparerait un bain de sang dans le nord du Yémen, avec un assaut sur trois fronts : depuis la province de Saada dans le nord, la province de Marib à l’est, et la province Jawf au nord-est. Plusieurs milliers de troupes des EAU et d’Arabie Saoudite, avec des chars et d'autres blindés, évoluent déjà à l’intérieur du Yémen.

La coalition saoudite aurait fait le calcul qu’un assaut victorieux sur le fief Houthi de Saada porterait un coup fatal aux forces anti-Hadi et faciliterait la reprise de Sanaa.

La semaine dernière, les forces terrestres de la coalition saoudite ont aussi commencé à envahir le Yémen du nord et ont atteint la province pétrolière de Marib, qui approvisionne Sanaa en électricité et en carburant. Elle est également limitrophe du gouvernorat d’Al Jawf, où les forces Houthies creuseraient des tranchées et planteraient des mines en préparation pour un combat au sol.

Asharq Al Awsat, un journal prosaoudien, a rapporté lundi que les forces alliées au Saoudiens, ont lancé le troisième volet de l’invasion en pénétrant la province de Saada. Leurs troupes sont retranchées dans les zones tribales à l’extérieur de Saada ; les avions saoudiens lâchent des tracts encourageant les résidents à soutenir le rétablissement du gouvernement Hadi.

L’ONU et d’autres organisations humanitaires ont publié de nombreuses déclarations au cours des cinq derniers mois pour souligner la grave crise humanitaire au Yémen qui résulte de l’attaque aérienne et du blocus du pays. L’émissaire de l’ONU au Yémen, Ismail Ould Cheikh Ahmed, a dit en juin que le pays était « à deux doigts de la famine ».

Plus d’un million de personnes ont dû fuir les combats. Environ 21 millions de personnes, soit 80 pour cent de la population, n’ont pas d'accès à l’eau potable et ont besoin d'une aide humanitaire.

L'ONG « Save the Children », a averti dimanche que l’hôpital Al Sabeen, l’hôpital principal pour les femmes et les enfants à Sanaa, risque de fermer en raison d’une pénurie de fournitures médicales et du carburant pour les générateurs électriques. L’hôpital est déjà à court de liquide de perfusion intraveineuse et de nourriture pour enfants.

« La situation est absolument critique. Nous ne pouvons pas attendre l’arrivée des stocks et du carburant. Si cet hôpital ferme, des enfants et des femmes vont mourir », a dit le directeur adjoint de l’hôpital, Halel Al Bahri. « Le nombre de morts serait beaucoup plus élevé que le nombre de victimes des bombes et des combats. »

Depuis le début de l'intervention au Yémen par l’Arabie Saoudite, le nombre de personnes sans accès aux soins de base a augmenté de 40 pour cent. Il s'établit à 15,2 millions. Le nombre d’enfants admis dans les hôpitaux yéménites pour cause de malnutrition depuis mars a grimpé de 150 pour cent. Un demi-million d’enfants risquent de souffrir de malnutrition aiguë d’ici la fin de l’année.

(Article paru d'abord en anglais le 1 septembre 2015)

Loading