Le gouvernement français annonce des aides aux jeunes dans le but de stopper l’opposition à la loi travail

Alors que se poursuit le mouvement de protestation contre le gouvernement PS (Parti socialiste) et la réforme du droit du travail de sa ministre du Travail, Myriam El Khomri, le premier ministre Manuel Valls a rencontré les organisations étudiantes lundi. Il a annoncé un demi-milliard d’euros d’aides aux étudiants pour tenter de désamorcer l’opposition de ces derniers et des jeunes au programme d’austérité du PS.

Après une rencontre avec les syndicats, dont l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), l’UNL (Union nationale lycéenne) et la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), le gouvernement a annoncé onze mesures représentant 500 millions d’euros par an.

Elles comprennent une imposition supplémentaire des contrats à durée déterminée, prétendument pour encourager les employeurs à embaucher en CDI; l’augmentation du nombre de bourses disponibles; et l’augmentation du financement des études industrielles de deux ans dans les IUT (Instituts universitaires de technologie). Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants continueraient à recevoir une aide financière pendant quatre mois, de même que les apprentis.

Valls a déclaré: « Jamais autant n'a été fait pour la jeunesse dans ce pays. Jamais un gouvernement ne s'est autant mobilisé pour que la génération qui vient ait tous les atouts en main. » Il a ajouté que ces mesures ne visaient pas à « éteindre une contestation », mais à « répondre à des inquiétudes profondes qui nécessitent une réponse dans la durée. »

Les remarques de Valls sont un tas de mensonges. Les mesures proposées, même si mises en œuvre, ne changeraient rien au caractère profondément réactionnaire de la loi El Khomri, qui allonge la semaine de travail et permet aux syndicats de négocier des contrats au niveau de l’entreprise en violation du Code du travail. Si la loi est adoptée, les jeunes entrant sur le marché du travail se trouveront de plus en plus exploités au fur et à mesure que les grandes entreprises cherchent à démanteler les acquis sociaux gagnés au 20e siècle par la classe ouvrière en France.

Voilà pourquoi l’annonce de la loi a conduit à une large opposition populaire. Selon un sondage 71 pour cent des Français sont opposés à la loi, en dépit de la modification du projet de loi initial après le début des manifestations dans la deuxième semaine de mars.

Lorsque le gouvernement a annoncé la loi El Khomri, il espérait qu’elle passerait après des négociations avec les syndicats, comme l’a fait le PS avec d’autres coupes sociales sous Hollande, se fondant sur le spectacle des négociations avec les syndicats pour réprimer l’opposition sociale. Mais cette fois il a eu affaire à un large rejet des jeunes et des travailleurs et a déclenché une colère explosive.

Les syndicats industriels et étudiants, bien conscients du discrédit profond du gouvernement PS pro-austérité dans les masses, se sont donc précipités pour appeler à des manifestations pour maintenir sous leur contrôle suffocant l’opposition de la classe ouvrière et des jeunes. Il y a eu cinq semaines de manifestations en France et plus d’un million de jeunes et les travailleurs ont protesté le 31 mars.

Le but des mesures de Valls est de fournir aux syndicats étudiants une excuse pour appeler à l’arrêt des manifestations ou pour les conduire dans l’impasse de l’occupation symbolique de quelques places publiques par le mouvement petit-bourgeois #NuitDebout, et les liquider.

Après la rencontre avec Valls, les syndicats étudiants ont signalé leur soutien à ses propositions.

Le Président de l’UNEF, William Martinet, a exprimé sa « satisfaction » et indiqué qu’il estimait que les propositions de Valls étaient un signe que le mouvement avait remporté une victoire: « Parce que les jeunes se sont mobilisés et ont relevé la tête, ils ont réussi à obtenir des mesures fortes. » Il a ajouté après la rencontre avec Valls, « les formes de mobilisation vont changer. » C’est là le signal que l’UNEF va mettre fin au soutien qu’elle a temporairement apporté aux protestations contre le projet de loi.

Pour sa part, l’UNL a également signalé son approbation des mesures déclarant : « Cela va dans le bon sens. »

Dès le début, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), le deuxième syndicat étudiant dans les universités, n'a pas fait opposition au projet de loi ; elle fait l'éloge des dernières propositions comme de « mesures qui sont vraiment structurelles pour les jeunes. »

Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) affilié au PS a cyniquement déclaré, « Ces mesures, que nous saluons avec enthousiasme » ne « peuvent faire oublier notre désaccord avec la loi travail ».

Leur soutien aux propositions réactionnaires de Valls montre que les syndicats étudiants se préparent à saboter les manifestations contre le projet de loi. Avec leur soutien pour un arrêt progressif de l’opposition, le PS prévoit de faire passer le projet de loi en s’appuyant sur la baisse des manifestations étudiantes pendant les vacances et dans la période des examens. Cela permettrait aux syndicats étudiants de vendre comme une victoire les mesures dérisoires négociées avec le gouvernement.

La stratégie du gouvernement a été clairement énoncée dans un article du Monde analysant la candidature de François Hollande aux élections présidentielles de 2017. Commentant l’annonce soudaine d’une allocution télévisée de Hollande aux heures de grande écoute jeudi soir, le journal a déclaré que le président français « mise sur l'essoufflement de la mobilisation contre la ‘loi travail’ ».

Il explique, « L'exécutif parie sur différents facteurs pour remettre en selle le chef de l'Etat. D'abord, les mobilisations en baisse, samedi, contre le projet de loi travail. Accompagnées d'affrontements avec les forces de l'ordre, celles-ci font croire au pouvoir que l'opposition syndicale est en train de s'essouffler et qu'elle pourrait devenir à terme, du fait des violences, impopulaire dans l'opinion. »

La stratégie du PS et de ses alliés syndicaux et politiques n’est pas difficile à comprendre. Ils sont très conscients de l’opposition sociale profonde et explosive à Hollande, le président le plus impopulaire de France depuis la Seconde Guerre mondiale. En ne mobilisant pas les travailleurs, permettant ainsi à la police de brutaliser et d’arrêter les jeunes qui protestent, et en s’appuyant sur la calomnie des manifestants par les médias, ils visent à démoraliser l’opinion publique, à démobiliser les travailleurs et les jeunes, et à permettre ainsi au PS de rester au pouvoir.

Les organisations syndicales, leurs satellites politiques et les groupes comme #NuitDebout qui insistent sur le fait que l’opposition sociale ne nécessite pas de perspective politique ou de parti politique, sont en train de saboter la lutte. La question politique critique à laquelle font face les travailleurs et les jeunes est l’absence de perspective politique claire et de parti politique pour diriger l’opposition explosive au PS dans la classe ouvrière.

La lutte doit être retirée des mains des syndicats et de leurs alliés des syndicats étudiants. Elle doit être développée en une offensive plus large de la classe ouvrière contre l’austérité, la guerre et l’état d’urgence, indépendamment, sur le plan organisationnel comme sur le plan politique, des bureaucraties syndicales et du PS.

Loading