Le PS présente la Loi El Khomri à l’Assemblée nationale

Hier, après deux mois de manifestations en France par des millions de jeunes et de travailleurs contre la « loi travail » de la ministre du Travail Myriam El Khomri, le Parti socialiste a lancé le débat sur la loi à l’Assemblée nationale. Le PS et les milieux patronaux comptent passer en force et imposer la loi, pratiquement inchangée, foulant aux pieds l’opposition populaire. 

Cela a aussi été l’occasion pour les appareils syndicaux de mobiliser une petite manifestation dans les beaux quartiers de Paris, près de l’Assemblée. Ils tentaient de promouvoir l’illusion discréditée qu’en faisant « pression » sur le PS et des députés de l’Assemblée, il serait possible de bloquer l’adoption de la loi, ou du moins de faire retirer ses provisions les plus réactionnaires afin de limiter la casse sociale. 

La CGT, qui depuis l’arrivée du PS au pouvoir en 2012 pèse de tout son poids pour bloquer une mobilisation contre l’austérité dans les sections de la classe ouvrière où elle est encore présente, a poursuivi le tournant impulsé par son chef Philippe Martinez vers la démagogie. 

« On ira jusqu’au bout ! » a crié Martinez. Il a insisté que « la détermination est la même qu’au premier jour », et qu’il faut « retirer cette mauvaise loi, afin de discuter pour qu’il y ait un vrai dialogue social en entreprise et pas la loi de la jungle ». 

Son collègue, le chef de Force ouvrière (FO) Jean-Claude Mailly, a quant à lui indiqué que FO est « toujours sur le retrait » de la loi, mais qu’en fait sa centrale pourrait peut-être la défendre. Il a ajouté que « s’ils changent tout, on verra ». 

En fait, la décision du PS de présenter le projet de loi à l’Assemblée, action qu’elle a plusieurs fois différée lors des manifestations, marque un revers pour le mouvement. Le PS n’a aucune intention de modifier la loi El Khomri dans l’intérêt des travailleurs. Il veut plutôt trouver le moyen d’imposer une loi rejetée par 70 pour cent de la population sans provoquer d’explosion sociale, et en endossant le minimum de responsabilité politique. 

Le PS et le patronat calculent que le travail de sape mené au sein du mouvement par leurs alliés syndicaux et politiques ont créé les conditions pour le faire. Depuis des mois, les syndicats bloquent la mobilisation des travailleurs contre le président le plus impopulaire de la 5e République et permettent aux forces de l’ordre de tabasser les jeunes manifestants. Entretemps, ils prétendaient que les « processus constituants » discutés lors d’occupations de places publiques par le mouvement #NuitDebout modifieraient sans lutte de classes le cours de la vie sociale en France. 

La colère sociale est énorme, et les instituts de sondage et le PS l’auront mesurée jusqu’au dernier millième de pourcentage. Néanmoins, ils espèrent que les illusions entretenues par les syndicats et les soutiens de pseudo gauche du PS, tels que Lutte Ouvrière (LO) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), conjuguées à la brutalité de la répression, auront politiquement sidéré les masses et créé les conditions pour placer les travailleurs devant un fait accompli en faisant voter la loi à l’Assemblée. 

C’est une réfutation de tous ceux, comme le NPA ou Jean-Luc Mélenchon, qui ont appelé à voter Hollande en 2012, en semant des illusions qu’il serait plus facile de faire « pression » sur un gouvernement PS pour obtenir des avancées sociales. En fait, Hollande a attaqué les travailleurs même plus férocement que son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy. Quand finalement la colère sociale a commencé à déborder les appareils syndicaux, qui se sont sentis obligés d’organiser des mobilisations cette année, Hollande y a réagi par le matraquage. 

La précondition essentielle d’une défense des acquis sociaux est une réorientation stratégique et politique de la classe ouvrière internationale. Les avancées sociales, ou même la défense des acquis existants, ne seront possibles que par une lutte révolutionnaire fondée sur un programme socialiste et internationaliste, mobilisant la vaste opposition parmi les travailleurs au programme d’austérité et de guerre des grandes puissances européennes.

Aucune confiance ne peut être accordée aux organisations qui font croire que les travailleurs et les jeunes pourront se défendre en se limitant à une politique dirigée par les appareils syndicaux, visant à conforter les positions de diverses fractions du PS à l’Assemblée. 

Comme El Khomri l’a indiqué hier, en présentant son projet de loi, ces forces-là peuvent même espérer bénéficier financièrement et politiquement de l’imposition de la loi. A part la précarisation des jeunes et l’allongement de la durée du travail, la principale mesure de la loi travail est de donner aux syndicats des pouvoirs extraordinaires pour négocier des accords d’entreprise qui violent les provisions du Code du Travail. Ceci ouvrirait le chemin au sabordage des conditions de travail à travers la France. 

El Khomri s’est vantée que sa réforme « prolonge et amplifie cette philosophie du dialogue social, car notre démocratie sociale s’enlise dans une culture de l’affrontement ». Elle a ajouté que la loi donne « aux syndicats un rôle qu’ils n’ont jamais eu dans notre République », et aux entreprises « de nouvelle marges de manœuvre… Nous aimons les syndicats et nous aimons l’entreprise, car le pays a besoin d’elles ». 

Dans une entrevue avec Le Parisien, El Khomri a d’ailleurs souligné que le PS ne retirerait pas le texte et le ferait voter – éventuellement, comme avec la loi Macron l’année dernière, en l’imposant sans vote avec l’article 49-3 de la constitution – avant le milieu du mois de mai. Elle a dit : « L’heure du Parlement est venue et permettra d’enrichir ce texte. Faut-il céder à la rue et retirer le texte ? Non ». 

Face à la colère des travailleurs, le PS et ses alliés tenteront sans doute de répandre le maximum d’illusions sur les moyens « d’enrichir » le texte que vont considérer les députés. Toutefois, ceci n’est qu’un leurre, car les députés PS ont indiqué vouloir surtout modifier le texte afin de limiter les contestations qu’il risque de produire sur les lieux de travail et ainsi étouffer l’opposition des travailleurs à l’austérité. 

Ainsi, dans une longue entrevue au Parisien, le rapporteur de la loi El Khomri, le député PS Christophe Sirugue, défend âprement la loi, dont il ne critique que les dispositions qui risquent d’entraîner des conflits sociaux et des grèves dans les entreprises. 

Sirugue a attaqué ceux qui ont mis en garde les travailleurs que la loi El Khomri faciliterait les licenciements : « Avoir laissé dire dès le début que cette loi allait faciliter les licenciements, c’est l’erreur, le péché originel ». 

Il a critiqué les dispositifs de la loi qui permettraient d’organiser des référendums en entreprise sur les accords votés par les syndicats, craignant « un risque permanent de conflit dans les entreprises ». De même il a mis en garde contre une évolution incontrôlée des accords d’entreprise, craignant que les syndicats de chaque entreprise au sein de la même branche pourraient se concurrencer entre eux pour attaquer les conditions de travail des salariés et ainsi rester les plus concurrentiels.

 

Ce processus de « dumping social », comme l’appelait Sirugue, attiserait aussi les conflits sociaux, notamment entre les travailleurs d’un côté et les appareils syndicaux et le patronat de l’autre.

Loading