Des milliers de postiers dénoncent les coupes de Postes Canada

Dans les derniers jours, des milliers de postiers ont participé à des manifestations à Montréal et à Toronto contre la privatisation des postes et les coupes draconiennes exigées par Postes Canada. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui a organisé les manifestations, a toutefois démontré qu’il n’avait aucune intention de lier la défense des postiers à une lutte élargie contre le démantèlement de tous les services publics.

Bien que Postes Canada ait empoché des millions de dollars en profits au cours des dernières années, y compris grâce aux concessions imposées avec la collaboration du STTP en 2012, la société d’État est déterminée à imposer des reculs encore plus drastiques à ses quelque 50.000 employés, dont les conventions collectives sont échues. Ces mesures font partie d’un plan global à plus long terme, réclamé depuis des années par l’élite dirigeante canadienne, visant à faire de Postes Canada une entreprise encore plus rentable par les compressions budgétaires et la privatisation de plusieurs de ses activités.

Ce plan comprend l'élimination pour les nouveaux embauchés du régime de retraite à prestations déterminées, qui sera remplacé par un régime à cotisations déterminées; un gel des salaires pour les travailleurs temporaires pendant toute la durée de vie du nouveau contrat de travail, soit 4 ans; la réduction de la couverture médicale; et des clauses de sécurité d'emploi ne s'appliquant plus qu'aux travailleurs ayant 10 ans de service continu au lieu de 5 ans.

Malgré l’ampleur des concessions demandées aux travailleurs, le STTP a démontré depuis le début du conflit qu’il n’a aucune intention de s’opposer réellement à la restructuration des postes. Au contraire, le STTP a exprimé à maintes reprises sa volonté de contribuer à faire de Postes Canada un organisme plus compétitif au plan économique.

L’hostilité du STTP envers les travailleurs est démontrée par le fait qu’il continue de semer des illusions mortelles dans le parti de la grande bourgeoisie qu’est le Parti libéral de Justin Trudeau. La bureaucratie syndicale, y compris le STTP, tente depuis la campagne électorale de 2015 de dépeindre les libéraux fédéraux comme les défenseurs des travailleurs et des services publics.

Tout au long du conflit, le président du STTP, Mike Palecek, un ancien dirigeant du groupe de la pseudo-gauche La Riposte (Fightback), a justifié la capitulation de son syndicat sous prétexte qu’une grève, ou toute action militante, nuirait au soi-disant «examen indépendant» de Postes Canada mis en branle par le gouvernement Trudeau dans le but explicite de trouver de nouveaux mécanismes pour accroître la rentabilité de Postes Canada – ce qui ne peut se faire qu'aux dépens des travailleurs.

Même s'il se présente comme un «militant», Palecek a poursuivi les mêmes politiques que l'ancienne direction du STTP, qui a supervisé la longue série de défaites encaissées par les postiers. Le plus récent exemple remonte à 2011 lorsque les syndicats se sont pliés aux lois anti-grèves du gouvernement conservateur de Stephen Harper et ont accepté une convention collective de cinq ans, remplie de concessions.

Les manifestations de la semaine dernière ont été organisées par les bureaucrates du STTP dans le but d’évacuer la colère des membres de la base. Leur préoccupation centrale est comment empêcher la lutte des postiers de déclencher une mobilisation de tous les travailleurs contre les attaques massives sur les emplois et les services publics menées par tous les partis capitalistes et tous les paliers de gouvernement. Le syndicat continue d’ignorer le fait que plus de 90% de ses membres ont voté pour la grève et se contente de réclamer un contrat négocié «de bonne foi».

Démontrant tout le manque de sérieux du syndicat, la manifestation de Montréal s’est conclue devant le bureau de circonscription de Justin Trudeau alors que celui-ci était en vacances en Colombie-Britannique. Mike Palecek et le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Daniel Boyer, étaient présents pour livrer des discours qu’on aurait pu confondre avec une campagne publicitaire du Parti libéral du Canada.

Palecek a débuté en tentant de dépeindre le Parti libéral comme le défenseur de la classe ouvrière contre les mauvais dirigeants de Postes Canada. «Nous avons un gouvernement qui a parlé d’améliorer les retraites pour tous […], qui a fait campagne pour des emplois stables et de bonne qualité pour protéger les postiers. […] Mais nous avons une direction chez Postes Canada qui essaie de voler les pensions pour la prochaine génération et réduire les salaires».

Comme Palecek, Boyer a réclamé une intervention du gouvernement dans les négociations collectives. «M. Trudeau», a déclaré Boyer, «le message est clair aujourd’hui, mêlez-vous de cette négo là, on veut une négociation de bonne foi et on veut de bonnes conditions de travail».

Ce que les deux bureaucrates syndicaux ont passé sous silence c'est le fait que le gouvernement est intervenu pas plus tard que le mois dernier en faveur du patronat. En juillet, Postes Canada avait accepté de retirer sa menace de lock-out et de prolonger la négociation si le syndicat promettait de ne pas aller en grève. Cette entente faisait suite à l’intervention du gouvernement libéral qui, à peine quelques jours après avoir promis de ne pas imiter ses prédécesseurs conservateurs et interférer dans les négociations, exhortait le STTP d’accepter l’arbitrage si les parties ne parvenaient pas à conclure une entente. L’arbitrage aurait donné à un technocrate nommé par le gouvernement le pouvoir de dicter les termes du nouveau contrat de travail.

Le STTP a poliment décliné l’ «aide» des libéraux, mais a promis, pour montrer sa bonne foi, de ne pas organiser de grève et de retirer sa poursuite judiciaire contre Postes Canada pour pratique déloyale de travail.

La capitulation du syndicat n’est que la plus récente d’une longue série de trahisons ayant pris place au cours des dernières années et décennies résultant de leur caractère nationaliste et pro-capitaliste. Le STTP tente d’attacher les travailleurs au Parti libéral, le parti préféré de la classe dirigeante canadienne au cours du dernier siècle, alors que celui-ci a opéré des attaques historiques contre la classe ouvrière chaque fois qu’il a été au pouvoir et a envoyé l’armée canadienne dans une série de guerres impérialistes menées par les États-Unis.

Contre les postiers, le PLC n’a pas été moins intransigeant que les conservateurs. C’est le gouvernement de Pierre-Elliot Trudeau – le père de l’actuel premier ministre – qui en 1978 a menacé de licencier en masse les postiers lorsqu’ils ont défié la loi spéciale et envoyé Jean-Claude Parrot, le président du STTP, en prison. En 1997, le Parlement a adopté, à la demande du premier ministre libéral Jean Chrétien, une loi spéciale pour forcer le retour au travail des 45.000 postiers qui faisaient grève depuis deux semaines.

Le World Socialist Web Site est intervenu lors de la manifestation à Montréal pour mettre à nu le rôle traître joué par le STTP et expliquer aux travailleurs la nécessité d’unir toute la classe ouvrière dans une lutte commune pour défendre ses droits et ses conditions de vie. Les reporters du WSWS ont recueilli les propos de certains postiers.

Stéphane, un livreur de colis, a exprimé son désaccord face aux changements prévus aux régimes de retraite pour les nouvelles embauches. «Pourquoi avoir deux genres de travailleurs dans la même entreprise qui font exactement le même travail? Dans les prochaines négos, ils vont aussi vouloir l’enlever aux anciens. […] Sous Harper, le problème est qu’ils voulaient privatiser, comme dans bien de secteurs publics. C’est maintenant à Trudeau de répondre: veut-on encore un service public ou voulez-vous vraiment vous débarrasser de la poste pour que ce soit laissé à la libre entreprise.»

Daniel, un facteur employé à temps partiel a lui aussi exprimé son opposition à ce qu’il qualifiait d’une «convention collective à deux vitesses». Il a ensuite expliqué que la lutte des postiers avait une importance pour tous les travailleurs: «C’est dans l’intérêt de tout le monde, dans l’intérêt de la société, pas dans l’intérêt des 1 à 2% qui détiennent l’argent».

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