Unifor force l’adoption d’une autre entente de trahison chez Fiat-Chrysler

Unifor a annoncé tard dimanche soir que l’entente de principe qu’il a présentée à ses quelque 9600 membres chez Fiat-Chrysler (FCA) a été adoptée à majorité absolue à 70 pour cent. Soixante-neuf pour cent des ouvriers à la production de FCA ont voté pour le contrat de quatre ans, alors que les travailleurs spécialisés l’ont ratifié à 74 pour cent.

Les résultats du vote sur l’entente, qu’Unifor a vantée comme la meilleure depuis des années, reflètent une opposition croissante parmi les travailleurs, non seulement envers les termes du contrat, mais aussi envers le syndicat propatronal qu’est Unifor, le plus important syndicat du secteur privé au Canada. Le mois dernier, les travailleurs de General Motors Canada ont adopté une entente de concessions semblable à 64 pour cent, la plus faible majorité obtenue pour une entente appuyée par le syndicat dans les filiales canadiennes des Trois Grands de l’automobile de Detroit.

Des travailleurs de Fiat-Chrysler arrivent à la réunion pour le vote de ratification à Windsor

Lors de la réunion pour le vote à Windsor et Brampton, en Ontario, des partisans du Bulletin des travailleurs de l’auto du World Socialist Web Site (Autoworker Newsletter) ont distribué plus d’un millier d'exemplaires d’une déclaration exhortant les travailleurs à rejeter le contrat de trahison et bâtir des comités de la base dans le but d'enlever à Unifor la direction de la lutte et de lancer un appel aux travailleurs américains et mexicains pour une lutte unifiée contre les patrons de l’automobile.

Le président d’Unifor, Jerry Dias, va maintenant essayer d’imposer le même «contrat modèle» rempli de reculs à ses 7000 membres chez Ford Canada. Si les chefs syndicaux ont choisi de négocier avec Ford en dernier, c’est parce qu’ils sont conscients qu’il existe un climat particulièrement militant à la grande usine d’assemblage Ford à Oakville. Craignant la rébellion des travailleurs d’Oakville contre un contrat «modèle» qui viendra imposer une fois de plus des réductions de salaire en termes réels et le système à deux vitesses tant détesté, la direction du local 707 d’Unifor a été forcée de déclarer qu’elle n'allait pas présenter l’entente à ses membres à moins de «bonifications importantes». Révélant les tensions grandissantes qui existent au sein de l’appareil syndical, Dias a dénoncé les dirigeants du local 707, les qualifiant de «huit enragés», bien que ceux-ci aient été ses loyaux lieutenants dans le passé, y compris en imposant le prolongement de la période de «progression» des nouveaux embauchés de six à dix ans.

Au cours de l’an passé, Unifor a soutenu que le maintien de la «présence» manufacturière de l’automobile au Canada était son objectif primordial. Adoptant le langage et les méthodes des patrons de l’industrie, les bureaucrates d’Unifor ont menacé les travailleurs avec des pertes d’emplois et monté les travailleurs d'une usine contre l'autre, affirmant que les travailleurs devaient accepter de faire des concessions dans un contexte où les Trois Grands de Detroit empochent des sommes astronomiques.

Pour assurer l’adoption des ententes chez GM et Fiat-Chrysler, le syndicat a eu recours à des méthodes antidémocratiques flagrantes, n’offrant aux travailleurs que des «faits saillants» de l’entente proposée et demandant à ceux-ci de voter immédiatement.

Même ces «faits saillants» ont été présentés de manière malhonnête dans le feuillet distribué par Unifor lors des réunions avant le vote. La hausse salariale dérisoire de 4 pour cent sur quatre ans (en fait une réduction de salaire lorsque l’inflation est prise en compte) – soit 2 pour cent la première année, ensuite deux ans de gel, suivi d’un autre 2 pour cent misérable la quatrième année – a été présentée dans la brochure comme une hausse de 1,414 pour cent par année dans le but de faire croire qu’une hausse a été négociée pour chaque année du contrat.

L’affirmation qu’Unifor a assuré l’engagement de FCA à faire de nouveaux investissements est mensongère. Il n’y a aucun engagement à long terme à l’usine de Brampton et l’entente vient également réduire de moitié la main-d’œuvre à l’usine de coulée d’Etobicoke. FCA a dit qu’elle va considérer le développement d’un nouveau produit à l’usine de Brampton sur une «plateforme déjà existante ou un tout nouveau véhicule», mais que la décision «dépend» des discussions avec le gouvernement fédéral et celui de l’Ontario entourant la subvention gouvernementale de centaines de millions de dollars à FCA. De plus, le sort de la production à long terme à Brampton et Etobicoke est «soumis aux demandes du marché, aux préférences du consommateur, aux besoins de la compagnie, aux conditions économiques favorables et à l’approbation du Conseil exécutif du groupe».

Les travailleurs chez General Motors vont reconnaître ce double discours. Peu de temps après qu’ils aient adopté de justesse l’entente de septembre, le gouvernement ontarien révélait que des accords financiers sur les investissements à Oshawa et St-Catharines qu’Unifor s’était vanté d’avoir «gagnés» n’étaient pas réellement finalisés.

Le reste de l’entente démontre que le «modèle» poursuit la pratique de longue date qui vient éliminer les acquis gagnés au cours de décennies d’âpres luttes dans le but d’augmenter les profits des entreprises.

Le système à deux vitesses détesté reste en vigueur. Et Unifor a accepté l’imposition du régime de retraite à cotisations déterminées pour les nouveaux employés – une concession acclamée par les institutions financières de Bay Street. Cela signifie qu’il y aura dorénavant trois paliers au niveau des pensions, les travailleurs étant divisés entre un régime à prestations déterminées, à cotisations déterminées ou un régime hybride.

Des travailleurs de FCA arrivant à la réunion du vote

Lors de la réunion de dimanche dernier, Dias a déclaré avec arrogance à la Detroit Free Press que l’entente chez FCA allait être adoptée, avant même que les votes ne soient comptabilisés. Dias et le responsable des négociations chez FCA, Dino Chiodo, n’ont même pas daigné rester pour répondre à toutes les questions des travailleurs à Windsor. Et plus tard dans la journée, au vote de ratification à Brampton, Dias s’est une fois de plus retiré lors de la période de questions.

Inquiétés par l’opposition de la base, une quarantaine de bureaucrates d’Unifor ont tenté d’empêcher des partisans du WSWS Autoworker Newsletter de discuter avec les travailleurs à l’extérieur de la réunion à Windsor. Ils ont encerclé avec provocation ceux qui distribuaient le bulletin et criaient «communistes», «ils sont américains», «ils sont des partisans de Trump» dans le but d’empêcher les travailleurs de prendre les prospectus. Un bureaucrate du local 444 a affirmé qu’il n’y avait aucun recul dans le contrat et qu’il n’y avait rien de bien grave à abandonner les retraites à prestations déterminées, car cela n’affectait pas les travailleurs actuellement à l’emploi. Il s’est vanté que le système à deux paliers a augmenté les profits de l’entreprise et que c’était une bonne chose que le patron de FCA, Sergio Marchionne, ait empoché des dizaines de millions en bonus.

Des centaines de travailleurs ont pris le bulletin malgré l’intimidation des responsables du local 444. Plusieurs travailleurs ont dit qu’ils connaissaient le bulletin et qu’ils l’avaient distribué dans leurs usines, car c’était la seule source d’information fiable et véridique sur leur lutte.

Les partisans du WSWS ont également distribué des centaines de prospectus à Brampton avant que les responsables d’Unifor n’envoient une armée de gardes de sécurité pour empêcher les travailleurs de les prendre.

Plusieurs travailleurs ont exprimé leur opposition au contrat et dit qu’ils allaient le rejeter. Un travailleur avec beaucoup d’ancienneté a dit qu’il était outré de la hausse salariale insultante proposée. «Quatre pour cent en quatre ans ne couvriront même pas la hausse du prix du lait et du pain. Nous n’avons eu aucune hausse depuis dix ans.» Pointant le jeune travailleur avec qui il était venu à la réunion, il a ajouté, «Et pour la jeune génération, ils ont éliminé leurs retraites. Je vais voter contre l’entente.»

Plusieurs travailleurs ont exprimé leur colère face au fait qu’on ne leur avait donné que des «faits saillants» avant le vote. «À l’usine d’où je viens», a dit un jeune nouvellement embauché, «au moins nous avons eu le contrat dans son entier avant le vote.» Bien que les bureaucrates d’Unifor encouragent le nationalisme, le jeune travailleur a dit qu’il approuvait la nécessité d’une lutte unie des travailleurs canadiens et américains. «Ils veulent qu’on se batte les uns contre les autres», a-t-il dit, ajoutant qu’il était aussi préoccupé par les dangers grandissants de guerre.

Reflétant le caractère totalement antidémocratique d’Unifor, un responsable a lancé: «Qui êtes-vous pour venir parler à “nos” travailleurs? Ce devrait être illégal d’interférer dans nos procédés. Ce n’est pas une démocratie, vous devriez aller en prison.» À Windsor, des travailleurs sont entrés dans une longue et houleuse discussion avec un responsable, affirmant qu’ils appuyaient la position du WSWS que les travailleurs ont le droit de voir le contrat dans sa totalité.

Un autre travailleur d'expérience a dit au WSWS: «Je suis insatisfait. En fait, il y en a plusieurs qui sont insatisfaits. Quarante pour cent des travailleurs de notre usine sont à deux ans de la retraite. Il n’y a rien là-dedans pour les retraités. Après cela, il y aura une majorité de travailleurs du deuxième palier. Ils devront se lever et lutter pour regagner tout ce qui a été perdu ici. Je n’aime pas abandonner des acquis, car lorsqu’on les perd, on les perd pour toujours. Nous sommes des otages de la compagnie. Notre usine est une machine à faire de l’argent. Tout l’équipement est déjà payé. Ils ne mettent rien de plus. Mais qu’est-ce que les travailleurs reçoivent?»

Lorsqu’on lui a demandé son opinion sur Unifor, il a dit: «C’est un syndicat patronal. Ils ne cessent de dire qu’il faut s'adapter, mais on peut s'adapter sans vendre son âme.»

(Article paru d'abord en anglais le 17 octobre 2016)

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