Perspectives

La campagne de Sanders pour Clinton : une “révolution politique” en défense du statu quo

Avec cinq semaines restantes avant le jour du scrutin, le sénateur de Vermont Bernie Sanders intensifie sa campagne en faveur de la candidate du Parti démocrate Hillary Clinton à la présidentielle. 

Mardi, Sanders a pris la parole sur les campus de l’Université du Minnesota à Duluth et Minneapolis. Il apparaîtra dans le Wisconsin et l’Iowa aujourd’hui, organisera des rassemblements et des réunions dans le Michigan jeudi, et fera campagne pour Clinton dans le New Hampshire vendredi. À l’exception de l’Iowa, ce sont tous les États où Sanders a battu Clinton lors des primaires du Parti démocrate plus tôt cette année. Il a perdu les caucus de l’Iowa par la plus petite des marges.

Dans ses manifestations de campagne et ses apparitions à la télévision au cours des dernières semaines, Sanders a cherché à convaincre ceux qui ont soutenu sa campagne dans les primaires, en particulier les jeunes travailleurs et les étudiants, de voter pour Clinton à l’élection en novembre. Ses discours, prononcés devant des auditoires beaucoup plus petits que ceux qu’il a mobilisés quand il s’opposait à Clinton pour l’investiture démocrate, sont des tentatives malhonnêtes de présenter les promesses en l’air de Clinton sur les emplois, la gratuité scolaire et un allégement de la dette des étudiants comme le début d’une transformation progressiste de la société américaine. 

Dans ses remarques dans le Minnesota hier, Sanders a dit qu’il n’y avait qu’un seul candidat engagé pour l’augmentation du salaire minimum, assurer un salaire égal pour les femmes, réduire le coût de l’enseignement supérieur, s’occuper du réchauffement climatique et « protéger les familles des travailleurs » – Hillary Clinton. Son adversaire républicain Donald Trump, en revanche, a l’intention de baisser les impôts sur les riches, tout en niant le réchauffement climatique et en s’appuyant sur la bigoterie. 

Sanders a exhorté son auditoire à « non seulement se rendre aux urnes, non seulement d’encourager vos amis pour aller voter, mais faire tout ce que vous pouvez pour être certain que Hillary Clinton soit la prochaine présidente des États-Unis ». 

La mission particulière de Sanders pour le compte du Parti démocrate et de Clinton, et les larges rangs de banquiers, de PDG, de barbouzes de la CIA et des haut-gradés militaires qui soutiennent la candidate démocrate, est de cajoler et intimider les millions de personnes, en particulier les jeunes électeurs, qui s’opposent à un Trump fascisant, mais méprisent et se méfient de Clinton, de leur faire croire qu’ils n’ont pas d’autre choix que voter pour le « moindre mal » démocrate. 

Sanders a déclaré sur ABC News ce week-end que « si vous votez pour quelqu’un d' autre dans le sens de ne pas soutenir Clinton parce qu’elle ne répond pas à toutes vos spécifications ou toutes vos idées », ce serait, « dans un sens, un vote pour Trump ». Il a ajouté : « la preuve est accablante que le prochain président des États-Unis va être soit Hillary Clinton, soit Donald Trump ».

L’effort de Sanders pour susciter un soutien pour Clinton s’appuye sur des sophismes et des mensonges. 

Tout d' abord, en avertissant des conséquences d’une présidence de Trump, Sanders dissimule les conséquences d’une présidence Clinton. Le fait le plus politiquement significatif à propos de son discours dans le Minnesota était l’absence de toute référence à la question la plus importante à laquelle est confronté le peuple des États-Unis et du monde : la marche vers la guerre. 

Sanders n’a pas mis en garde son auditoire sur le fait que Clinton soutient une escalade militaire massive en Syrie. Il n’a pas mentionné non plus le fait que la candidate démocrate a concentré ses dénonciations de Trump sur l’accusation qu’il n’est pas prêt à résolument contrer « l’agression russe ». Il n’a pas tenté de concilier son affirmation selon laquelle un vote pour Clinton fait partie d’une « révolution politique » avec le fait que Clinton a reçu le soutien de dizaines de républicains et généraux de premier plan, y compris les principaux architectes néo-conservateurs de l’invasion de l' Irak en 2003, tels que Paul Wolfowitz et Robert Kagan. 

Deuxièmement, l’effort de Sanders pour déguiser Clinton en candidate des « familles de travailleurs » contredit directement ce qu’il avait dit lui-même déclaré lors de la campagne des primaires démocrates. Dans un débat en avril, par exemple, Sanders appela Clinton à publier les transcriptions de ses discours aux banques de Wall Street et d’autres institutions financières et l’attaqua comme la candidate de la « classe des milliardaires ». « Est-ce-que nous nous sentons vraiment rassurés », avait-il demandé, « quand une candidate dit qu’elle va apporter le changement en Amérique alors qu’elle est dépendante de ceux qui ont de l’argent ? » 

En ce qui concerne le discours de Clinton de vouloir augmenter le salaire minimum, Sanders avait dit ironiquement : « Je suis sûr que beaucoup de gens sont très surpris d’apprendre que vous avez soutenu l’augmentation du salaire minimum à $15 de l’heure. » 

Toutes ces critiques ont été abandonnées. Interrogé le week-end pour savoir si Bill et Hillary Clinton doivent rendre le million de dollar d’indemnités pour leurs allocutions qu’ils ont reçu de la Deutsche Bank, qui a été récemment condamnée à une amende de $14 milliards pour les activités de prêts hypothécaires frauduleux, Sanders a dit que c’est « à eux de décider », avant d’enchaîner sur l’importance que la « révolution politique » qui nécessite un vote pour Clinton. 

Sanders a fortement pris la défense de Clinton après la publication la semaine dernière d’un enregistrement d’un discours qu’elle a prononcé devant ses donateurs où elle avait fustigé le soutien de Sanders pour « l’enseignement supérieur gratuit » et « les soins de santé gratuits » comme étant « indéfendables ». 

Enfin, l’argument selon lequel il serait nécessaire de soutenir Clinton pour s’opposer à Trump, l’argument du « moindre mal » employé dans une élection après l’autre depuis plus de 100 ans, est avancé comme si le phénomène de Trump peut être compris en dehors du caractère du système politique américain dans son ensemble. Trump n’est pas venu de nulle part. Il est le produit de décennies de guerre et de réaction sociale menées par les deux partis du grand patronat. Clinton, pas moins de Trump, personnifie un système politique malade et corrompu. 

En outre, la canalisation de l’opposition sociale derrière Clinton, la candidate favorite de Wall Street et des militaires, permet à Trump d’endosser la posture de l’adversaire du statu quo.

Tout ce que dit Sanders maintenant confirme l’analyse que le Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste) a faite depuis le début de sa campagne. Nous avons expliqué que, bien que le large soutien pour un candidat se caractérisant comme socialiste soit une expression de la colère sociale et du sentiment anticapitaliste, Sanders était lui-même une réponse défensive, issue de l’establishment politique, à cette radicalisation politique, et mis en avant dans le but de la contenir et l’étouffer, et en l’empêchant de se développer en un mouvement indépendant de la classe ouvrière. Nous avions constaté que la campagne de Sanders ressemblait aux campagnes précédentes « d’insurgés » et « de gauche » comme celles de Jesse Jackson, Howard Dean, Dennis Kucinich – qui ont servi de couverture pour les politiques toujours plus à droite du Parti démocrate. 

Notre évaluation était fondée sur une analyse scientifique marxiste qui ne part pas de ce que les tendances politiques disent d’elles-mêmes, mais de leur histoire et de leur programme et des intérêts de classe qu’ils représentent. Ces organisations politiques qui orbitent autour du Parti démocrate, qui ont présenté la campagne de Sanders comme une expression légitime et progressiste des désirs et des intérêts des millions de personnes qui ont voté pour lui, partagent pleinement la responsabilité politique pour le résultat de sa campagne. 

Dans ces élections, nous appelons les travailleurs et les jeunes à rejeter l’intimidation politique employée par Sanders et le Parti démocrate. Soutenez la campagne électorale du Socialist Equality Party (SEP) et de ses candidats – Jerry White pour président et Niles Niemuth pour vice-président. Utilisez l’option d’inscrire sur le bulletin de vote les noms de White et Niemuth lors du scrutin. Assistez à l’une des réunions électorales qui se tiennent dans tout le pays, aboutissant à la conférence du 5 novembre à Detroit sur, « Le socialisme contre le capitalisme et la guerre ». Faites un don et participez à la campagne.

La campagne du SEP vise à préparer la classe ouvrière pour ce qui va arriver, peu importe qui sera élu en novembre. Le système capitaliste mène l’humanité dans l’abîme de la guerre, de la dictature et de la réaction. Ceci ne peut être évité que par la mobilisation indépendante et internationale de la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme. 

(article paru en anglais le 5 octobre 2016)

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