Berlin: « La guerre n’est jamais la solution »

Reportage sur la campagne électorale du PSG

Le Partei für Soziale Gleichheit (Parti de l’Egalité sociale, PSG) a mis la lutte contre la guerre au centre de sa campagne électorale pour la Chambre des députés de Berlin. Il participe aux élections en présentant une liste de candidats au niveau du Land et une liste de candidats à l’élection directe dans les circonscriptions locales. Le PSG est le seul parti à avoir mis en avant un programme électoral qui réponde au danger croissant de guerre.

La réaction à la campagne électorale a été très bonne. Les bénévoles qui font campagne pour le PSG ont fait état de discussions animées partout où ils allaient. De nombreuses personnes ont exprimé leur inquiétude quant à l’extension de l’armée, de la crise et de la guerre – autant de questions qui éclipsent les enjeux locaux.

L’élection berlinoise se déroule dans le contexte d’une profonde crise sociale. Ces derniers mois, la coalition dirigée par le maire de Berlin, Michael Müller (Parti social-démocrate, SPD) et le sénateur pour l’Intérieur Frank Henkel (Union chrétienne-démocrate, CDU), a lancé sa propre campagne sécuritaire ainsi que de massives attaques sociales. Les conséquences sociales des privatisations ont été particulièrement dures sur le marché du logement et dans les services de santé. La façon dont sont traités les réfugiés permet de se faire une idée des attaques que le gouvernement est en train de préparer pour toute la population laborieuse.

A l’agence pour l’emploi du district berlinois de Tempelhof, la question de la guerre est un sujet de discussion majeur. On voit rapidement la situation difficile où se trouvent les réfugiés. Un grand nombre de ceux qui arrivent ici ont échappé à la guerre en Syrie et cherchent à s’habituer à la vie à Berlin. Deux jeunes gens venus de Syrie ont exprimé leur soutien à la lutte du PSG contre la guerre. « Ce serait formidable si les gens s’unissaient pour stopper la guerre, » a dit Sahin, un jeune mécanicien d’Alep. Son ami, étudiant en médecine à Damas a ajouté, « Tous les jours, je souhaite retourner à mon université à Damas. »

Simaw

Simaw était institutrice dans une école primaire d’Alep et vit déjà depuis trois ans en Allemagne. Son mari s’est réfugié en Allemagne il y a plus de quatre ans, peu de temps après le début de la guerre civile. Simaw elle, est restée un an en Turquie avec leurs trois enfants. « Nous avons eu beaucoup de chance, » a-t-elle dit. « Je n’ai pas osé entreprendre le voyage par la mer avec trois enfants. J’aurais eu beaucoup trop peur. Mais la vie a été difficile pour nous en Turquie. Tout était très cher et je n’avais pas le droit de travailler. Nous devions payer plus de 200 euros par mois, rien que pour le loyer, et puis vous avez toutes les autres dépenses. J’ai vendu tous nos objets de valeur. Mon mari a finalement obtenu le droit d’asile et nous avons pu entrer légalement en Allemagne. »

« La guerre est une chose terrible, » a dit Simaw. « Mon frère vit encore à Alep dans des conditions difficiles et ma mère vit au Liban. Mon frère ne peut pas nous rejoindre parce que les frontières sont actuellement complètement bouclées. Nous avons tous été dispersés par la guerre. J’espère maintenant simplement pouvoir poursuivre une formation et pouvoir travailler. Le pire est de ne pas avoir d’emploi. » 

Un travailleur plus âgé, Mohamed, était d’avis que la cause de la guerre se trouvait dans le système capitaliste de profit. Il a dit : « Ce sont les capitalistes et leurs politiciens qui mènent des guerres pour le pouvoir et les matières premières et pas les gens ordinaires. Je suis généralement contre la guerre et le réarmement. Il serait beaucoup plus raisonnable d’employer tout cet argent et toute cette énergie pour construire de nouvelles maisons et des logements pour les gens. »

« La guerre n’a plus du tout sa place dans ce monde! » a ajouté Erol. « A la fin, peu importe que ce soit un million de gens ou une seule personne qui soit abattue. Toute personne qui meurt dans une guerre est un mort de trop. » Au sujet des élections, il a dit : « Pour moi, un politicien ne serait acceptable que s’il luttait sérieusement pour la paix. »

La misère sociale créée par des décennies de coupes sociales est très visible dans les agences pour l’emploi de Berlin. On y rencontre des centaines de personnes qui ne peuvent joindre les deux bouts qu’avec les plus grandes difficultés.

L’une d’entre elles est Christina. Elle fait des études de langue et de littérature allemandes et de sociologie, a une vingtaine d’années et élève seule son enfant; elle est obligée de financer ses études grâce à un mini-job dans un supermarché. Elle réagit avec enthousiasme quand elle entend parler de la construction d’un parti révolutionnaire et surtout de l’International Youth and Students for Social Equality (IYSSE, Etudiants et jeunes internationalistes pour l’égalité sociale). « C’est une bonne cause, » a-t-elle dit. « Il est indispensable de construire une organisation de jeunes et d’étudiants qui soit organisée internationalement et qui défend une politique anticapitaliste. » Christina craint que le risque d’escalade au Moyen-Orient ne soit réel et extrêmement dangereux. 

Salvatore est en colère contre la guerre et l’argent dépensé par les politiciens pour le réarmement. « Et puis ils disent tout le temps qu’il n’y a pas d’argent ! » a dit Salvatore. Mon problème à moi, c’est que Hartz IV payait mon loyer mais maintenant je suis en fin de droits et mon appartement est toujours là ! » Pour le moment, Salvatore a un mini-job comme commis de cuisine mais il veut gérer son propre restaurant. « Une vraie bonne nourriture italienne, ce serait parfait, » a-t-il dit. « Au lieu de cela, je vis depuis plus de six mois avec 13 euros par jour, et je vous assure que ça n’est pas facile à Berlin. »

Salvatore a dit qu’il avait déjà reçu les informations sur les élections de Berlin mais qu’il connaît mieux la politique italienne. Lors d’une discussion sur le parti La Gauche (Die Linke), Salvatore a dit qu’en Italie l’ensemble de la pseudo-gauche a soutenu le gouvernement Renzi mais que maintenant ils allaient de nouveau faire la guerre à la Libye. « La guerre n’est jamais la solution ! » a dit Salvatore avec conviction. « Toute solution politique et diplomatique qui évite la guerre est mieux que des bombardements et les tueries de masse. Regardez la Syrie, les gens y vivent dans la crainte de mourir tous les jours. » Salvatore a été content d’apprendre que le PSG luttait contre la guerre et a promis de voter pour le parti. 

Johannes est socio-pédagogue et a dit spontanément : « Des sommes énormes seront dépensées pour la Bundeswehr et l’Allemagne est aussi un pays exportateur d’armes. On ne peut vraiment pas en être fier. » Il n’attend rien des élections, alors qu’il voudrait bien que les choses changent. « Il faudrait investir de l’argent dans le domaine social et pas dans les armes pour l’armée. »

La discussion a plusieurs fois eu trait à Die Linke qui, de 2001 à 2011, avait gouverné Berlin en coalition avec le SPD. Dans certains cas, sa politique fut encore plus réactionnaire que celle d’autres partis. Il a réussi à pratiquer des coupes sociales qui ont suscité une opposition ouverte de la part d’autres partis. Ecœuré, un grand nombre de gens se sont détournés de la politique.

« Die Linke n’est pas différent de tous les autres partis, » a dit Alexander, un jeune homme qui souhaiterait travailler comme aide-soignant. Il a précisé ne pas aller voter. « Je ne m’en mêle pas du tout. Et je connais un grand nombre de gens, dont des personnes éduquées, qui font de même. »

Alexander a vu comment les hôpitaux ont été privatisés à Berlin, pour être repris par le groupe Vivantes. « Die Linke ne l’a pas non plus empêché, » a-t-il dit. « Il y a tellement de promesses et à la fin, rien ne change ou si c’est le cas, c’est dans l’intérêt du patronat. L’Allemagne est l’un des pays les plus capitalistes qui soient. »

Gerke a dit être déçue par tous les partis représentés au Sénat. « Je vais voter mais je rendrai un bulletin de vote non valable pour exprimer mon opposition, » a-t-elle dit. En apprenant que cela ne changerait rien et qu’il était nécessaire d’unir la grande majorité de la population laborieuse afin de lui donner une voix, Gerke a dit : « C’est vrai, mon vote de protestation passe inaperçu. Je ne veux pas faire partie de la soi-disant ‘majorité silencieuse’ en faisant cela. »

Les équipes de campagne ont fréquemment débattu de tendances politiques qui se présentent comme prétendument « de gauche » et progressistes mais qui finalement soutiennent Die Linke. Une jeune femme venue d’Espagne a discuté de son expérience avec Podemos, une tendance espagnole comparable à Die Linke en Allemagne, et à Syriza en Grèce.

Sandra est une jeune femme d’une trentaine d’années originaire de Valence en Espagne, qui vit à Berlin depuis un an. Elle a milité en Espagne lors des protestations des « Indignados » (« Les Indignés ») en avril et mai 2011 mais a été complètement désillusionnée par Podemos. Elle a dit : « J’en ai terminé avec Podemos. Ils ont fait des quantités de promesses mais n’en ont tenu aucune. » Pablo Iglesias, le dirigeant politique de Podemos, avait auparavant activement appuyé Hugo Chavez et Fidel Castro, deux nationalistes bourgeois.

Les bénévoles ont expliqué que beaucoup de politiciens de la pseudo-gauche venaient à l’origine du camp stalinien. Sur ce, Sandra a répondu : « Je suis catégoriquement opposée au stalinisme. Il ne faut absolument pas faire confiance à ces organisations [Die Linke, Podemos et Syriza]. » Sandra a dit vouloir venir à la réunion électorale du PSG, le 18 août à Schöneberg afin d’en savoir plus sur la Quatrième Internationale.

Victor, un étudiant, était assis devant l’Amerika Gedenkbibliothek [grande bibliothèque de Berlin-Ouest], lisant attentivement le manifeste électoral du PSG. Il s’est finalement approché du stand d’information du parti pour dire qu’il était content d’avoir découvert le PSG. Il avait déjà entendu parler de la campagne de l’IYSSE « De la science, pas de la propagande de guerre » à l’université Humboldt. Münkler-Watch avait rendu compte de la conférence à laquelle l’un de ses amis avait assisté. « A première vue, nous avions pensé que c’était un peu exagéré, mais maintenant les thèses de Münkler semblent vraiment problématiques, » a dit Victor. 

Diana a passé plusieurs années aux Etats-Unis et a soutenu la campagne de Bernie Sanders durant son séjour. Elle décrit son expérience : « Aujourd’hui nous vivons dans un système impitoyable à deux classes. Là-bas, vous n’avez maintenant que le choix entre Trump et Hillary. Trump n’est rien d’autre qu’un Hitler américain, et Hillary a menti aux gens du début à la fin. » Elle a souligné qu’« en fin de compte, la campagne de Clinton s’est seulement servi [de Sanders] pour contenir les voix oppositionnelles. »

Diana soutient la campagne anti-guerre du PSG et a pris des tracts et d’autres matériels. Elle a dit insister pour se dire « citoyenne du monde » pour montrer son opposition au nationalisme.

Diana et plusieurs autres ont dit vouloir lire plus attentivement la déclaration électorale du parti et promis de venir à la réunion électorale, jeudi 18 août, à Schöneberg afin d’en savoir plus sur le programme du PSG et la Quatrième Internationale.

(Article original paru le 18 août 2016)

 

 

 

 

 

 

 

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