Il faut s’opposer à la chasse aux sorcières du gouvernement indien contre les étudiants de l’université JNU

L’International Youth and Students for Social Equality, IYSSE (Etudiants et Jeunes internationalistes pour l’égalité sociale, EJIES), appelle les jeunes et les travailleurs en Inde, dans toute l’Asie du Sud et au plan international à s’opposer à la chasse aux sorcières que le gouvernement du parti suprématiste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) a lancé contre les étudiants de l’université Jawaharlal Nehru (JNU) de New Dehli, qu’il accuse d’avoir mis en avant des slogans « antinationalistes. »

La répression d’Etat exercée à la JNU vise à criminaliser la dissidence. Elle fait partie des préparatifs du gouvernement BJP pour répondre par la violence d’Etat et le communautarisme réactionnaire à l’opposition des travailleurs, des ruraux pauvres et des étudiants qui combattent ses « réformes » favorables aux investisseurs et son ralliement aux préparatifs de guerre de l’impérialisme américain contre la Chine.

Kanhaiya Kumar, le président de la représentation étudiante à la JNU, et deux autres étudiants, Umar Khalid et Anirban Bhattacharya, ont été accusés de sédition pour le rôle qu’ils ont joué le 9 février lors des manifestations marquant le troisième anniversaire du meurtre judiciaire d’Afzal Guru et sont donc passibles de la prison à vie. Guru, un musulman originaire du Cachemire avait été victime d’un coup monté par les autorités indiennes et accusé d’avoir commis l’attentat terroriste contre le parlement indien en décembre 2001.

Sur ordre du gouvernement, l’administration de la JNU a elle aussi pris dans son collimateur Kumar, Khalid, Bhattacharaya et 18 autres étudiants et envisage contre eux de sévères mesures disciplinaires, dont une éventuelle expulsion de l’université.

L’attaque menée contre les étudiants de la JNU vient des plus hauts échelons du gouvernement BJP. Le ministre de l’Intérieur, Rajnath Singh a ordonné à la police de Delhi de perquisitionner l’université JNU et d’arrêter Kumar après avoir reçu des « plaintes » d’Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad (ABVP), l’organisation de jeunesse du groupe fascisant RSS, un proche allié du BJP. La ministre du Développement des Ressources humaines, Smriti Irani, directement en charge des universités indiennes, a exigé que les administrations des universités répriment durement les éléments « antinationaux » tout en faisant la promotion d’un pamphlet publié par le vice-président du BJP, Balbir Punj, Les communistes et les djihadistes à l’œuvre à la JNU.

L’an dernier, Irani avait fait pression sur l’université d’Hyderabad pour priver de sa bourse le doctorant Rohith Vemula; celui-ci avait projeté un film documentaire dévoilant le rôle joué par le BJP dans les violences communautaristes antimusulmanes dans l’État d’Uttar Pradesh. Le harcèlement subi par Vemula avec le soutien du gouvernement l’a laissé sans ressources financières, conduisant directement à son suicide en janvier.

Se référant aux événements survenus à la JNU, Irani réclame à présent que les universités nationales de l’Inde soient forcées d’embaucher des « instructeurs » militaires pour y enseigner le « patriotisme. »

La procédure engagée par le gouvernement contre les étudiants de la JNU est une machination transparente et politiquement motivée. La séquence vidéo montrant paraît-il lors de la manifestation du 9 février, des étudiants de la JNU scandant des slogans « pro-Pakistan » et qui fut largement diffusée par les médias de masse s’est avérée trafiquée.

Plus important encore, la notion de discours « anti-national » prohibé par l’Etat porte atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires et doit être rejetée vigoureusement.

Elle va main dans la main avec la promotion belliqueuse par le BJP d’un nationalisme indien mêlé de communautarisme hindou. Durant leurs presque deux ans au pouvoir, le premier ministre Narendra Modi et son gouvernement BJP ont systématiquement fait placer des idéologues Hindutva (nationalistes hindous) à la tête des établissements d’enseignement, culturels et scientifiques, tout en justifiant et minimisant les violences commises contre les musulmans et les autres minorités.

La répression d’Etat et la réaction communautariste

La chasse aux sorcières du gouvernement Modi contre des étudiants de la JNU fait partie intégrante de la décision de recourir à des méthodes autoritaires de gouvernement et d’attiser une réaction sociale dont la cible principale est la classe ouvrière et les ouvriers agricoles.

La bourgeoisie indienne, durement malmenée par la crise capitaliste, a mis au pouvoir Modi, qui s’est lui-même proclamé « l’homme fort hindou » et son BJP dans le but d’imposer des réformes sociales néolibérales incendiaires visant à séduire le capital international. Dans la continuité du gouvernement précédent dirigé par le parti du Congrès, Modi a drastiquement réduit les dépenses sociales, réduit le subventionnement des prix et accéléré les privatisations. Mais ceci n’a fait qu’aiguiser l’appétit du patronat pour des mesures encore plus impopulaires – l’élimination des restrictions, figurant au droit du travail, aux licenciements, aux fermetures d’usine et à l’accès facile des industriels et des promoteurs à des terres agricoles bon marché, tout en faisant porter à la population laborieuse une part encore plus grande de la charge fiscale par le biais de la taxe sur les produits et les services.

Alors qu’il complote avec le patronat pour mettre en œuvre ces mesures à l’insu de la population, le gouvernement Modi est en train de faire de l’Inde un allié « de la ligne de front » de Washington dans son offensive stratégique et ses préparatifs de guerre contre la Chine. En jouant le rôle de satrape de l’impérialisme américain, la bourgeoisie indienne espère réaliser ses propres ambitions prédatrices de grande puissance, avant tout celle d’asseoir sa domination en Asie méridionale.

Ce programme ultra-réactionnaire ne peut être imposé pacifiquement. Le discours sur la « forte croissance » de l’élite indienne ne peut cacher la réalité. L’Inde est socialement plus inégale que jamais. Alors qu’une poignée d’individus s’est gorgée, dans le dernier quart de siècle, des bénéfices de l’expansion capitaliste, l’écrasante majorité est condamnée à la pauvreté, la famine et l’insécurité économique.

En qualifiant ses adversaires d’« anti-nationaux », le gouvernement BJP cherche à légitimer la répression d’Etat menée contre eux. En attisant le communautarisme hindou, il tente d’aiguillonner la réaction en divisant la classe ouvrière.

A l’échelle mondiale et dans des conditions d’effondrement du capitalisme, les classes dirigeantes du monde adoptent des méthodes semblables. Partout on se sert de la fausse « guerre contre le terrorisme » pour justifier une extension massive de l’appareil répressif de l’Etat et des attaques radicales contre les droits démocratiques. Les élites bourgeoises soutiennent des partis et des politiciens promouvant un nationalisme belliqueux, tels Modi et le premier ministre japonais Abe, qui vitupèrent contre les réfugiés, les immigrants et les minorités, comme Donald Trump, l’actuel candidat favori à l’investiture présidentielle républicaine aux Etats-Unis.

Le CPI et le CPM staliniens et la répression politique de la classe ouvrière

L’exclusion sociale, les attaques contre les droits démocratiques, la complicité de l’élite indienne dans la course sanglante et impitoyable de l’impérialisme américain pour la sauvegarde de sa suprématie mondiale, l’accroissement de la réaction communautariste – tout cela montre l’urgence pour la classe ouvrière indienne d’avancer sa propre solution socialiste face à l’échec du capitalisme et en opposition à l’ensemble de la politique bourgeoise.

La réaction des partis staliniens – le Parti communiste d’Inde – marxiste (CPM) et le Parti communiste de l’Inde (CPI) – est cependant tout le contraire.

Ils ont redoublé d’efforts pour enchaîner la classe ouvrière à l’établissement politique indien et à l’Etat.

Le président de la représentation étudiante de la JNU, Kanhaiya Kumar, est un dirigeant du groupe étudiant du CPI, le syndicat All India Federation (AISF). Sur instruction de la direction du CPI, Kumar a à plusieurs reprises exprimé sa confiance à l’adresse des institutions de l’Etat indien, y compris des tribunaux et de l’armée et prôné une alliance avec le Parti du Congrès, le parti gouvernemental traditionnel de la bourgeoisie indienne, afin de défendre la « démocratie » et la « laïcité. »

En fait, le Congrès cumule plusieurs décennies de complicité avec la droite hindoue sans parler de sa répression brutale des luttes de la classe ouvrière. En effet, au moment où il prétendait s’opposer à la chasse aux sorcières contre les étudiants de la NJU, le Congrès réclamait la suspension d’un député musulman du parlement de l’État de Maharashtra au motif qu’il avait refusé de crier le slogan « Victoire à l’Inde notre mère-patrie ».

Avançant la nécessité de vaincre le BJP et un de ses alliés occasionnels, le parti Trinamool Congress, le Front de gauche mené par le CPM se présente actuellement conjointement avec le Congrès aux élections de l’Etat du Bengale occidental et espère former une coalition gouvernementale avec lui.

Durant un quart de siècle, les staliniens ont justifié le soutien qu’ils ont accordé à une série de gouvernements de centre-droite, la plupart menés par le Congrès, soutenant que c’était la seule façon d’empêcher l’arrivée au pouvoir du parti suprématiste hindou BJP. Le résultat des efforts incessants des staliniens pour étouffer politiquement la classe ouvrière en l’enchaînant à des gouvernements poursuivant un cours de réforme néolibérale et de partenariat stratégique avec l’impérialisme américain, est que le BJP a pour la première fois une majorité parlementaire.

Un deuxième élément, très étroitement lié, dans la réaction des staliniens à la répression à la JNU et au fait que le BJP qualifie ses adversaires d’« anti-nationaux », est la campagne tapageuse menée par le CPI et le CPM pour se présenter comme les principaux défenseurs de ce qu’ils appellent la véritable tradition « progressiste » nationaliste indienne.

En réalité le nationalisme indien est, et a toujours été, une arme idéologique de la bourgeoisie indienne, un moyen qui lui a permis de masquer son régime et d’atteler les masses à ses objectifs égoïstes.

Horrifiés à l’idée que la lutte menée contre le régime colonial britannique n’échappe à leur contrôle, les « nationalistes progressistes » du Congrès dirigés par M.K. Gandhi et Jawarharlal Nehru, ont réprimé le soulèvement anti-impérialiste qui a secoué le sous-continent indien dans la première moitié du 20ème siècle. En 1947-1948, ils ont conclu un accord avec l’impérialisme britannique en vertu duquel ils ont hérité de l’appareil d’Etat colonial et engagé la partition communautariste de l’Asie du sud en un Pakistan musulman et une Inde hindoue. Cela n’a pas seulement engendré un épouvantable bain de sang (plus d’un million de morts victimes des massacres dus à la partition et plus de dix millions de réfugiés) mais occasionna aussi un réactionnaire conflit inter-Etat entre l’Inde et le Pakistan, faisant du communautarisme en Inde un appui indispensable de l’ordre bourgeois.

Léon Trotsky et le programme de l’internationalisme socialiste

Il est grand temps que les travailleurs et les jeunes de l’Inde dressent le bilan du rôle catastrophique que les partis staliniens jouent dans ce pays et partout dans le monde.

La politique réactionnaire menée par le CPM et le CPI découle inexorablement de leurs racines staliniennes communes, de leur soutien de la bureaucratie privilégiée ayant usurpé le pouvoir de la classe ouvrière russe dans les années 1920, renoncé au programme de la révolution socialiste mondiale et qui, sous la bannière du « socialisme dans un seul pays », a poursuivi un cours d’arrangement avec l’impérialisme mondial. Les staliniens ont prôné, en parfaite harmonie avec cette politique, en Inde et dans d’autres pays à développement capitaliste retardataire, la « théorie des deux stades [de la révolution] », affirmant que le socialisme n’était pas à l’ordre du jour et que la classe ouvrière ne pouvait, pour s’opposer à l’impérialisme et à la « réaction féodale,» que soutenir l’aile « progressiste » de la bourgeoisie nationale

Pendant des décennies, les partis staliniens jumeaux ont opéré comme composante à part entière de l’establishment bourgeois, y compris en gérant pendant des périodes prolongées l’appareil d’Etat capitaliste au Bengale occidental et dans le Kerala. Avec la dissolution par la bureaucratie en 1991 de l’Union soviétique sous Gorbatchev et l’abandon par la bourgeoisie indienne du développement sous direction étatique, le CPM et le CPI sont allés encore plus à droite. Ils ont pleinement appuyé la campagne de la classe dirigeante pour faire de l’Inde, pour le capitalisme mondial, un paradis de la main d’œuvre à bon marché, appliquant là où la « gauche » formait le gouvernement ce qu’ils qualifient eux-mêmes de politique pro-investisseur.

Léon Trotsky, co-dirigeant de la Révolution russe de 1917 avec Lénine, a mené une lutte acharnée contre la bureaucratie stalinienne pour défendre le programme du socialisme international. C’est vers ce programme, incarné aujourd’hui par le Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) et sa publication en ligne World Socialist Web Site, que les jeunes et les travailleurs en Inde doivent s’orienter.

Le programme anti-ouvrier et communautariste du BJP ne peut être vaincu que par la mobilisation politique indépendante, sur la base d’un programme socialiste, de la classe ouvrière en alliance avec les ruraux pauvres, pour établir comme partie intégrante de la lutte pour les Etats socialistes unis d’Asie méridionale, un gouvernement ouvrier et paysan en Inde.

L’alliance entre la bourgeoisie indienne et l’impérialisme américain dans sa marche à la guerre contre la Chine souligne l’urgence de la construction d’un mouvement anti-guerre de la classe ouvrière internationale sur la base du socialisme international.

Telles sont les tâches auxquelles la classe ouvrière, les étudiants et les autres jeunes sont confrontés dans l’Inde d’aujourd’hui.

L’IYSSE est l’organisation de jeunesse du CIQI qui lutte pour l’établissement de partis marxistes-trotskystes révolutionnaires dans tous les pays du monde. Le Socialist Equality Party (SEP), la section sri lankaise du CIQI, et l’IYSSE (Sri Lanka) s’empresseront d’apporter un soutien sans réserve à tous ceux qui sont prêts à entreprendre la lutte pour la construction d’un parti révolutionnaire de la classe ouvrière en Inde.

Pour faire un premier pas dans cette direction participez au rassemblement international en ligne du Premier mai organisé par le CIQI dimanche 1er mai.

(Article original paru le 7 avril 2016)

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