L’ÉJIES s’oppose à l’agression physique d’un professeur de droite de l’université Humboldt à Berlin

Le 8 novembre, quatre personnes au moins, vêtues de noir et portant des masques blancs, ont perturbé le cours du professeur d’anglais Markus Egg à l’université Humboldt (HU) à Berlin. Ils ont joué de la musique bruyante, déversé sur Egg de l’eau et des paillettes en endommageant apparemment au passage son ordinateur portable. Les fauteurs de trouble ont brandi une bannière portant le slogan « Pas de place pour l’AfD » (Alternative pour l’Allemagne) et ont distribué un tract détaillant les activités du professeur au sein de ce parti d’extrême-droite.

Pour des raisons de principes politiques fondamentaux, les Jeunes et Étudiants internationalistes pour l’égalité sociale (ÉJIES) s’opposent résolument à de telles actions.

Il est compréhensible que les étudiants soient indignés par les activités droitières du professeur. Egg est le porte-parole de l’AfD dans le quartier de Pankow. Il fut à plusieurs reprises le candidat de l’AfD aux élections et partage bien évidemment la vision du monde du parti. Il désigne « l’amour de la patrie, le patriotisme et la tradition » comme étant des valeurs qui lui sont tout particulièrement chères ; il considère le droit d’asile comme « la porte d’entrée des migrants économiques ». Il préconise des lois plus sévères, le déploiement de l’armée allemande à l’intérieur du pays et la surveillance de toutes les communications sans restriction.

Il existe un lien entre les activités politiques d’Egg et la décision de transformer l’université Humboldt en un centre favorisant l’idéologie de droite militariste contre laquelle l’ÉJIES met en garde depuis longtemps.

Mais, des actions comme celles du 8 novembre ne contribuent nullement à lutter contre ces tendances. Au lieu de cela, elles créent une confusion politique en fournissant un prétexte à l’intervention de la police. Elles ne sont radicales qu’en apparence et sont en réalité marquées par un profond pessimisme, la démoralisation et le cynisme.

Il n’est donc pas surprenant que le groupe RIO (Revolutionäre Internationale Organisation) soit l’unique organisation politique à soutenir jusque-là cette action. RIO a parlé de « militants courageux » et a reproché aux critiques de cette action de ne débiter que des « phrases creuses » contre de la droite.

Ce groupe se spécialise dans le camouflage de la politique de droite à l’aide d’un verbiage d’apparence radicale. Le cas présent n’est nullement différent. L’action menée contre Egg ne contribue pas à clarifier les questions politiques et historiques mais sert plutôt à les dissimuler. RIO espère qu’une confrontation physique avec des membres de l’AfD détournera la colère à l’encontre de l’extrême-droite et apportera ainsi de l’eau au moulin des alliés de RIO au sein du parti Die Linke (La Gauche). Le groupe espère dévier l’attention du fait que c’est précisément la politique de droite de Die Linke, du SPD et des Verts qui est responsable de la montée de l’AfD.

L’Allemagne a beaucoup d’expérience avec ce genre de politiques d’apparence radicale. Les individus qui avaient jeté des pierres et qui s’étaient bagarrés avec la police dans les années 1970 ont accédé au cours des décennies qui suivirent aux plus hautes fonctions de l’État, et ce en premier lieu l’ancien « sponti » [partisan de la spontanéité des masses] et ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer. Ces trublions petits bourgeois ne se préoccupèrent jamais de la lutte pour une société plus égalitaire. Ils voulaient simplement élargir leur propre marge de manœuvre. Finalement, la meilleure manière d’y arriver fut de faire une carrière politique bourgeoise au lieu de « squatter » des immeubles et de se bagarrer avec la police.

Une telle orientation politique n’offre aucun moyen de combattre la droite. Au contraire. À l’HU, il est clair que le virage vers la droite n’est pas simplement la conséquence des activités de quelques individus, mais exprime plutôt des tendances plus fondamentales au sein de la société vers le militarisme et la dictature. C’est ce qui est actuellement nettement visible aux États-Unis où Donald Trump a nommé au poste de stratège en chef un homme qui a des liens directs avec des organisations suprématistes blanches.

Lorsqu’en 2014 l’ÉJIES a montré comment les professeurs Herfried Münkler et Jörg Baberowski falsifiaient l’histoire, prônaient la guerre et faisaient de la propagande contre les réfugiés, pas un seul professeur n’appuya de telles critiques. Au lieu de cela, l’institut d’histoire et la direction de l’université tentèrent de museler l’ÉJIES en intimidant ces membres.

Des représentants de Die Linke se trouvaient parmi les partisans de Baberowski. RIO et d’autres groupes ne disent rien sur les développements qui ont lieu à l’HU, rien sur la banalisation des crimes nazis, rien sur la propagande menée par Baberowski contre les réfugiés et rien sur les mesures prises par les responsables de l’université à l’encontre de l’ÉJIES. La raison est due à leur orientation sociale. Ils parlent au nom de sections privilégiées de la petite bourgeoisie qui virent de plus en plus rapidement vers la droite au fur et à mesure que s’aggrave la crise capitaliste.

La seule force capable d’enrayer ce développement vers la droite est la classe ouvrière allemande et internationale. C’est précisément pour cela que les professeurs sont déterminés à falsifier l’histoire et à couper la classe ouvrière et les jeunes gens de ses expériences. Lorsque Münkler se plaint de la « vulnérabilité démocratique de la politique étrangère allemande », il exprime une crainte face à l’opposition généralisée à la guerre au sein de la population.

Afin de combattre l’extrême-droite, il est impératif de clarifier les questions historiques et politiques. Ce n’est que sur cette base que la classe ouvrière peut intervenir indépendamment dans la politique et stopper ce virage à droite. C’est pour cette raison que l’ÉJIES a lié dès le départ la lutte contre la droite à la lutte contre la falsification de l’histoire et contre l’idéologie de droite à l’HU. Des dizaines de réunions ont été organisées, des tracts ont été diffusés et des débats organisés afin d’élever le niveau de conscience politique et de fournir une orientation aux étudiants et à la classe ouvrière.

Les actes de violence menés contre des professeurs ne font qu’entraver la lutte contre l’idéologie de droite en fournissant aux administrateurs de l’université un prétexte pour réprimer l’opposition politique

(Article original paru le 30 novembre 2016)

 

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